Une soirée de souvenirs

J’étais invité, il y a quelques temps, dans un restaurant, pour une petite animation que je devais faire entre chaque plat. Le groupe qui m’avait invité était totalement étranger à la région. C’étaient des membres d’une administration, en congrès chez nous, désireux d’entendre parler de Thiers.

Plutôt que de faire une présentation classique et ‘’touristique’’, j’optais pour quelques très locales mais aussi très parlantes histoires qui dévoileraient quelques aspects du tempérament de nos compatriotes et de quelques personnes plus ou moins célèbres nées ou ayant résidé dans nos murs : histoire de pénétrer ‘’l’âme thiernoise’’.

Ce furent, en introduction, quelques mots sur notre bonne ville : Thiers, qui s’appelait au Moyen-Âge THIERN, au cours des siècles, l’orthographe changea, mais curieusement pas le nom de ces habitants. Je ne parlerai pas aujourd’hui de coutellerie ni de papeterie pas plus que des maires qui se sont succédés (quoique) je suis tout de même démangé de ne pas vous parler de l’un d’entre eux, de vous rapporter quelques mots restés célèbres venant de lui, même si grand nombre d’entre vous en connaissent déjà la teneur, tant ils sont savoureux (et peut être enjolivés, voire inventés). Il s’appelait Antonin Chastel dit ‘’le Tonin’’ . Il était liquoriste par son métier et avait ses dépôts rue Camille Joubert, là où se trouve actuellement une galerie d’art où l’on peut lire sur la vitrine :’’Civilisations disparues’’, je crois vraiment que le hasard n’existe pas quand on lit les propos de mon sujet du jour. De l’avis général, ce fut un bon maire, mais ce que l’on retient de lui, ce sont surtout ses discours ; il était fâché avec les mots, avec notre langue. Il se trouve que c’était un homme de gauche, lors d’une campagne électorale, il évoquait le Parti Radical, mais il disait chaque fois le parti radicaux ! Alors invariablement, un de ses conseillers (sûrement en communication) lui soufflait à l’oreille : ‘’radical, cal, cal’’, mais que nenni, notre tribun persistait et l’affaire se répéta plusieurs fois : ‘’le parti radicau’’ etc. etc. jusqu’à ce que le maire excédé rétorque : ‘’ Non je calerai pas ’’ !

Une autre fois, il inaugurait un lavoir, dans la montagne thiernoise, une zizanie était née entre les élus locaux à propos du tas de terre provenant de l’excavation des fondations de l’édicule qui n’avait pas été débarrassé pour la cérémonie : motif, on ne savait pas qu’en faire, alors le maire pour calmer le jeu de leur dire : ‘’ On ne va pas se disputer pour un tas de terre, vous n’avez qu’à faire un trou et vous mettrez tout ça dedans ’’ ! Sans parler de cette remarque qu’il fit à des ingénieurs venus en mairie pour lui donner les résultats d’une enquête de faisabilité concernant le projet d’aérodrome qui aurait dû se construire dans la plaine de Pont de Dore. Les techniciens lui expliquèrent que le projet ne pouvait aboutir, mettant en cause les ‘’trous d’air’’ fréquents dans cette région de jonction entre la plaine et la montagne toute proche. Ils entendirent alors l’implacable réponse : ‘’ Eh bien, il n’y a qu’à les boucher ’’ !

Quelques mots sur le docteur Camille Joubert, une rue de Thiers porte son nom, celle précisément où est situé le restaurant où j’intervenais et qui se trouve être mitoyen de l’immeuble où il résidait. Il se trouve que durant l’entre deux guerres, ce médecin, qui exerçait dans la ville avait épousé une femme d’origine russe et ce couple très honorable était très engagé en politique, affichant grandement son admiration pour le communisme. Lors d’élections municipales, le médecin lui-même se porta candidat, ayant épousé aussi les convictions de sa femme. La bataille était sans pitié, et une nuit, un militant de l’opposition trouva le moyen de dessiner, à la peinture rouge, sur la porte d’entrée de leur maison, une énorme faucille avec une phrase en dessous : ‘’ le marteau est à l’intérieur’’ !

Savez-vous qu’est né à THIERS, au village d’Escoutoux, un acteur célèbre en son temps, suffisamment en tout cas pour qu’on donne son nom au lycée de la ville, il se nommait Dosgilbert, Sieur de MONDORY , il fut le premier à jouer le rôle du CID, à Paris.

Une petite dernière à propos du fameux maire Antonin : lors de l’inauguration de la statue de Mondory justement, maintenant érigée au lycée. Imaginez la scène : au pied de la statue, à quelques pas de la table du vin d’honneur : le maire, le Proviseur, le Conseil, les profs, les ‘’intellectuels’’ de la ville, des Thiernois, sûrement un Sous-Préfet et d’autres personnalités. Les discours pleuvaient, arrive Monsieur le Maire qui se saisit du micro et commence sa prose pour la terminer en beauté par ces mots pleins de bonté et d’à propos : ‘’ Je bois z’aux arts, je bois aux sciences et je boit aux lettres ‘’ !

Un autre personnage peu commun du début du XX ème siècle est né à Thiers, de commerçants locaux : Mauricia de Thiers , de son vrai nom Marie Bettant. Elle commença par ‘’ s’envoyer en l’air ‘’ si j’ose dire car elle était la Femme-Bilboquet ! Son numéro de cirque consistait à passer dans le fût d’un canon et à se faire éjecter dans les airs pout atterrir dans un filet ! Par une autre technique, elle fut la première femme à faire un saut périlleux en automobile, et ce dans le monde entier en suivant le cirque Barnum. Elle passa aussi un temps dans la revue des Folies Bergères. Elle fut ainsi propulsée dans la gloire et la célébrité, ensuite elle épousa Gustave Coquiot, lui-même, un temps, secrétaire de Rodin, écrivain et critique d’art. Elle fréquenta le monde des arts et des Lettres, Suzanne Valadon (témoin de son mariage) était sa confidente, Utrillo notamment, qui vint dans la maison de ‘’Bel Air’’ qu’ils possédaient à Néronde sur Dore (Utrillo a peint l’église du village). Une fois veuve, elle devint la première femme maire en France, dès la Libération à Athis-Mons, elle le restera durant 19 ans, jusqu’à sa mort en 1964, Elle eut trois vies très différentes, la première de saltimbanque, puis artistique et enfin politique, ainsi fortune faite et gloire assurée, elle tira sa révérence à 84 ans !

Des noms encore que tout le monde connaît : DAGUERRE qui a habité Thiers (par amour), une dame de sa connaissance habitait rue Saint Jean (une plaque est fixée sur la façade), une rue porte son nom. Coco CHANEL aurait, elle aussi, habité dans nos murs, après être passée par Aubazine, Courpière et sûrement bien d’autres lieux avant que d’accéder au titre de ‘’Mademoiselle’’ dans la capitale.

Et le poète Maurice Delotz , héros mort au front à 20 ans, nous nous souvenons de ses ‘’heures perdues’’.

Marie BESSET (1911-1997) poétesse amoureuse de Thiers, née d’une famille de couteliers.

Prosper MARILHAT fils de banquier, dit ‘’Précis’’ par certains et ‘’l’égyptien’’ par lui-même, né à Vertaizon en 1811, peintre orientaliste, a aussi habité, avec ses parents, dans la ville, ainsi qu’au château de Sauvagnat, à Vinzelles. Durant près de deux ans, il fut commis-voyageur en coutellerie pour le compte d’un oncle coutelier. Cette famille bourgeoise résidait rue de Barante, dans l’ancien couvent devenu musée et bibliothèque, maintenant démoli. Il fut élève au collège. Remarqué pour son talent naturel de dessinateur par un ami de sa famille (le baron de Barante), ce dernier convainc ses parents de l’envoyer à Paris, pour suivre des cours appropriés. À vingt ans, il est recruté, en 1831 pour partir en mission scientifique en Egypte. Il en reviendra avec des chemises remplies de dessins, sur la corvette ‘’le Sphinx’’ (premier bateau à vapeur) qui transporte l’obélisque de Louxor en France. Admiré par les gens de Lettres (Théophile Gautier), il aurait pu également réussir dans ce domaine. L’esprit dérangé, il meurt jeune, à Paris, en 1849. Il est enterré au Père Lachaise.

Le baron Pierre Narcisse GUERIN , 1774-1833, fut un grand peintre néo-classique et un temps (6 ans) directeur de la Villa Médicis. Vivant à Paris, il vint visiter sa famille thiernoise dont certains descendants collatéraux sont les docteurs Dumas, dont l’immeuble se trouvait dans la rue éponyme, il n’oublia jamais Thiers bien qu’il n’y résidât qu’occasionnellement, offrant à la ville, en 1813, une réplique (en réduction) du grand tableau (3 mètres par 2,60 m.), accroché aux cimaises du Louvre : ‘’l’Offrande à Esculape’’. Celui de Thiers était à l’honneur dans le hall de l’ancien hôpital, rue Mancel Chabot, il est actuellement en dépôt dans l’établissement du Fau. Avouez que pour ce fils de marchand quincailler à Paris, marchand mercier (au départ), même parisien, ce fut une belle ascension pour un homme aux ancêtres bouchers thiernois : académicien et fait baron par le Roi Charles X en 1829 et remarqué par le Pape, lors de ses séjours à Rome où il meurt en 1833. D’un très grand talent dans son art, d’aucuns n’hésitèrent pas à le comparer à David.

Alexandre VIALATTE , le génial écrivain d’origine ambertoise (1901-1971), ami de Pourrat , était ‘’ pion ‘’ au Lycée de Thiers et dès 1921, publiait un premier texte sur Thiers.
‘’ Thiers fume sa vaste pipe et fait des couteaux dans la vallée.
Thiers en tablier bleu, travaille dans les usines sur la Durolle. Et elles ont de vieilles arches noircies, avec des vignes sur leurs portes.
Thiers aux mains noires polit sur sa meule le rasoir miroitant de ses eaux
‘’.

Un drame maintenant : Au milieu du XIXème siècle, lors d’un procès important concernant un infanticide, la foule se pressait dans la salle des ‘’ pas perdus ‘’ du Palais de Justice. À l’ouverture des portes de la salle d’audience qui se trouvait au premier étage, la foule se précipita dans l’escalier et lorsque celui-ci fut surchargé, il s’effondra, ce qui provoqua la mort d’une trentaine de personnes. Ce drame eut un retentissement national à l’époque au point que le journal ‘’ l’Illustration’’ en fit sa couverture.

Thiers eut aussi son grand homme en la personne du Baron Prosper de Barante . Il était né en 1782, à Riom et mourut en 1866, à Barante. Au sommet de sa carrière diplomatique, ce Pair de France fut nommé Préfet de la Vendée, à La Roche-sur-Yon, appelée alors Napoléon-Ville. Il avait été Ministre plénipotentiaire de l’Empereur Napoléon Premier, (il assista d’ailleurs à son second mariage). Enfin il fut nommé Ambassadeur à Turin puis à St-Petersbourg, auprès du Tsar de Russie, en 1835, sous la Monarchie de Juillet. Il écrivit en outre de nombreux ouvrages historiques dont le plus célèbre : une ‘’ Histoire des Ducs de Bourgogne’’ en 13 volumes. Ce ‘’ Janséniste aimable ‘’ comme le qualifiait Anatole France fréquenta les Salons littéraires dans le cercle de Madame de Staël dont il fut l’intime, où il côtoya de nombreux auteurs qu’il reçut également en son château : Chateaubriand, Lamartine, le philosophe Cousin, Thiers etc. Le château de Barante, reconstruit après incendie en 1842, est situé à 5 kilomètres de la cité des ‘’Bitords’’, sur la commune voisine de Dorat, il renfermait jusqu’à ces temps-ci grand nombre de meubles et objets d’art et tableaux historiques. Mais le plus remarquable était (à l’époque faste) une bibliothèque de plus de 60000 volumes. Avec son épouse Césarine, née d’Houdetot, ils consacrèrent une bonne partie de leur vie aux oeuvres de charité et à l’amélioration de la vie des Thiernois (entre autres). La baronne se rendait souvent à Riom pour visiter les prisonniers, leur apportant quelques réconforts et nourriture à la Maison d’Arrêt. Etant amis du Baron Mancel-Chabot, ils s’étaient liés en Russie, ils obtinrent de lui un legs extrêmement important qui permit la création et la mise en place de la ‘’ Mutualité Thiernoise ‘’ en 1853, première société de secours mutuel en France. Lorsque vous visiterez le château de Vaux le Vicomte (un des plus beaux châteaux classiques), ayez une pensée pour Thiers ! Parce que c’est la petite fille de notre Baron de Barante, Jeanne, qui épousa en 1872 Alfred Sommier, le magnat du sucre et qui, avec son mari, restaura fastueusement tout le domaine.

Dans un autre registre, tout le monde connaît ce mot d’Alexandre Vialatte parlant de Thiers : ‘’ C’est un pays où il y a beaucoup de montées et de descentes, mais je soupçonne qu’il y a plus de montées !’’

Connaissez-vous la St Eloi des gogues ? D’abord les gogues qu’es aco ? Ce sont les boudins (voir Rabelais : Pantagruel). On fêtait autrefois, du temps où les confréries coutelières, papetières et autres étaient très actives, deux fois dans l’année la St-Eloi. Il faut dire que Saint-Eloi , Saint Patron des couteliers, forgerons, métalliers en tout genre, maréchaux ferrants etc. était très vénéré et fêté dans la cité.

Il était donc de tradition, pour que la fête soit généreuse et festive, de tuer le cochon en hiver, aux alentours du 30 novembre. Qui dit tuer le ‘’pouore’’(porc) dit faire les gogues et les manger ! C’était la tradition. Donc on tuait l’animal en pleine ville, dans la rue ! La fête était évidemment religieuse au départ, avec offices dans les paroisses de la ville et procession avec bannières et statue de Saint Eloi portées par des représentants des confréries, des servants et les chanoines. La première de ces fêtes annuelles avait lieu à la fin du printemps, c’était la St Eloi des MAUFFES (les fraises). Au menu : jambon, saucisson, grattons, brioche aux grattons, ‘’penlades’’ (crêpes) et boudin, pompe aux pommes ou ‘’ à la bouillie ‘’ !

A propos de cochon dans la ville, une anecdote qui vaut son pesant d’or : dans les années 183O, la municipalité de l’époque dut, là aussi, prendre un arrêté, suite aux plaintes récurrentes du locataire d’un immeuble de l’actuelle rue Alexandre Dumas (ancienne rue des Barres). En effet, un voisin, locataire lui aussi, d’une maison donnant sur la rue, élevait ses trois cochons dans son appartement, au premier étage ! On imagine aisément la scène, (ou plutôt on n’ose pas) ! Au tribunal (parce qu’on l’y convoqua), l’éleveur dit pour sa défense que cet immeuble n’avait pas de jardin et qu’il ne voyait pas comment il aurait pu faire pour élever ses porcs ! À ce jour, on n’a pas encore retrouvé le rendu du jugement…

Par ailleurs, tous les greniers de ces maisons anciennes de Thiers disposaient d’un saloir (large plateau de bois monté sur tréteaux) où l’on disposait le cochon dépecé, (surtout le lard), les jambons et les saucissons étaient, quant à eux, suspendus aux poutres puis ensuite disposés dans un coffre (une arche comme ils disaient) rempli de cendres de bois.

Voulez-vous maintenant un petit échantillon du parler local ? Il faut aussi que je vous dise, c’était il y a quelque temps, les amis de la rue s’étaient réunis au restaurant pour un mangement. On s’était dit que plutôt que rester à BADAILLER chacun dans son coin comme des BADE-CULS, on ferait mieux de se réunir pour une GOULADE ensemble, d’autant plus que l’ESTANCO choisi est bien et l’accueil de la patronne de même. Mais, réunir tous ces ZIGOTTOS, ce n’est pas toujours aisé. J’ai commencé par ‘’ Le GLAUDE ‘’ mais il est tellement TATE-MITE que ça a été un peu long pour le décider parce qu’en ce moment il est BERCHU et en plus il voulait manger une friture de BOUERES et ce jour-là il n’y en avait pas. Quand il est arrivé, il était déjà FIOULE ! Il a voulu amener son copain le CORBIAN qui est un pingre de première, même qu’une commerçante du quartier, je crois que c’est la fromagère MACHEDUR lui a demandé l’autre jour s’il avait fait don de son portefeuille à la science, c’est vous dire ! Enfin, il est toujours près de ses sous, il n’empêche qu’à la fin du casse-croûte, il s’est encore distingué en offrant à la patronne un couteau tout DEGUENILLE mais il ne faut pas lui la faire, elle a rétorqué que son TREIZAIN il pouvait se le remettre dans l’étui ! Il y avait aussi l’autre FOUTRAUD de ‘’QUE QUE‘’ l’ancien artisan d’à côté qui, il faut bien le dire, a passé un pacte de non agression avec la dive bouteille, il a trouvé le moyen de prendre une PETASSEE devant la porte et de se tordre un ARPION en montant sur le trottoir, il a fait une SAUPELETTE pour se rétablir avec toutefois une BOULAQUE au pied, mais comme c’est un DARU, même DEPOITRAILLE après son VALDINGUE, il est rentré quand même. Il était suivi de son beau-frère qui est encore plus CHIMPLE que lui, un vrai BARNAUD mais c’est vrai, lui c’est une vraie GOURLE, de plus, il a toujours été CALAMASTRE, il est arrivé en retard, il a passé la porte comme un TCHOU BADA, tout DECORNIOLE et plus FOUTRAUD que jamais, le genre à qui on a envie de mettre un ATOUT ou un EMPLAN. Enfin il y avait SICAILLON, lui, il était malade BONNES GENS, jaune comme une COUCOURLE, il n’a pas pu tenir jusqu’à la fin du repas, il a trouvé le moyen de s’EVENLER sur le plancher ! Il n’arrêtait pas de MANGOUNER qu’il aurait mieux fait d’ouvrir sa quincaillerie, vu que c’était le jour du marché et qu’il avait plus à gagner à mettre ses cocottes (en fonte) et ses tapettes (à souris) sur le trottoir !

Charlie, lui, n’est pas venu (c’est le réparateur de lunettes), un brave homme aussi, il est juste à côté du cordonnier et en face parce qu’il a sa boutique et son atelier de chaque côté de la rue. Il BURGNE encore parce que l’autre jour on lui en a fait une qu’il n’a pas encore digérée : je vous explique en trois mots. Comme il est veuf et qu’il vit seul et qu’il habite au-dessus de sa boutique, entre deux clients, il monte dans son appartement pour faire sa cuisine. Il nous avait dit qu’il avait acheté un poulet pour son FRISTI, donc dans la matinée il avait mis le ‘’JO’’ (le coq) dans sa cocotte-minute. Sauf qu’entre temps le Tony (son fils), bon Thiernois lui aussi, était allé acheter un pigeon au Casino à côté et l’avait mis à la place de la bête dans la cocotte. À midi, tout ce petit monde s’est séparé impatient de connaître au retour les impressions de Charlie !

Ça ne s’est pas fait attendre, dès deux heures de l’après-midi, nous avions la grande théorie de la déliquescence du monde, et notamment cette manière qu’avaient maintenant les volailles de diminuer à la cuisson ! Tout foutait le camp ce jour-là ! Quant à Casse-montre, (c’était l’horloger de la rue), il était parti à la salle des ventes où était dispersée une collection de pièces de monnaies anciennes, il aimait tellement ça qu’il en était TABANA.

Enfin on a passé un bon moment : ah oui, je vous ai pas dit ce qu’on avait mangé, c’était de ‘’ l’’ANGUILLE DE BUISSON, du MOULET , des SOUPES DOREES, un TARAILLOUX de chèvreton plein d’ARTAIZONS, et pour finir des GUENILLES et une FLAQUE GOGNE . (si vous le souhaitez, je vous ferai une traduction) .C’était bien bon ! Après ça, comme certains commençaient à DONQUER sur la table et que l’on ne voulait pas trop EMBRENNER les lieux, on s’est rentrés, on était COUFFLES.

Cette histoire drôle aussi de ce représentant en petit outillage, visitant ses clients. Démarchant un jour une modeste entreprise thiernoise, le patron lui dit qu’il avait besoin d’un peu de matériel mais de passer d’abord voir la secrétaire pour régler avec elle la paperasse. Celle-ci lui demande alors son nom, il répond Rousseau et elle de dire : ‘’ Rousseau comme Rousseau’’ : oui oui et elle ajoute toujours interrogative : ‘’et votre prénom’’ ? Jean Jacques, étonnée, elle lui dit : ‘’oh ! Mais vous avez un nom très connu, Jean Jacques Rousseau’’ et le représentant de rétorquer : heureusement, ça fait 30 ans que je vends des clefs à molette à Thiers !

Voilà, vous avez trouvé dans ces lignes quelques aspects (parmi d’autres) de la vie de boutiquiers en centre-ville, ces histoires ne datent pas du Moyen-Âge, mais seulement de quelques années, j’en étais un des acteurs.

Si, par coïncidence, certains personnages des histoires de mon quartier vous semblent familiers, sûrement, la nostalgie vous joue des tours et votre imagination galopante vous entraîne vers des souvenirs embrumés mais bien ancrés qui resurgissent et que finalement vous ne voulez pas effacer. Je vous dis, moi, Il faut se souvenir, sinon on s’égare. Les mots que l’on entend dessinent parfois, bien des années plus tard, des scènes, des lieux, des moments et des gens !

Ces souvenirs-là, c’est sûr, ce n’est pas le vent qui les emportera, c’est nous qui les emporterons parce qu’ils font partie de notre bagage !

Jean Paul Gouttefangeas

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Photo : Collection privée Jean-Luc Gironde.