Pierre Guérin, peintre thiernois - 1

Portrait

Pierre-Narcisse Guérin, Peintre, 1774 - 1833
Né à Paris de François Guérin, marchand mercier, lui-même issu d’une famille de bouchers thiernois. Il s’est rappelé ses origines en faisant don à l’hôpital de Thiers, en 1813, d’une réduction de son Offrande à Esculape.

Sa carrière officielle : élève de BRENET et de REGNAULT
- 2° Grand Prix de Rome en 1795, séjour en 1804 à la Villa Médicis
- Membre de l’Institut en 1815
- Directeur de l’Ecole de Rome en 1816
- Anobli (Baron) par Charles X en 1829
- Chevalier de la Légion d’Honneur de l’ordre de Saint-Michel
Style proche de celui de Vavid, a influencé Géricault.
Ses goûts : l’Antiquité
Peintures : Marcus Sextus, 1799 ; Phèdre et Hyppolyte, 1802 ; Offrande à Esculape, 1802 ; Orphée en tombeau d’Eurydice, 1802 ; Bergers en tombeau d’Amyntas, 1804 ; L’enlèvement de Céphale par l’Aurore, salon de 1810 ; Andromaque et Pyrrhus, 1810 (Louvre) ; Didon écoutant les récits d’Enèc (salon de 1817) ; Agamemnon assasiné par sa femme Clytemnestre, salon de 1817.
A peint aussi Bonaparte au Caire, Cholet, Saint-Louis, Sainte-Geneviève, La Roche jacquelein

Feuilleton de l’Album de Thiers - Avenue Guérin & Avenue Marilhat - 1er septembre 1878

Sans doute, le geste, la pose ne sont pas à dédaigner par l’artiste, mais pour rendre les sentiments de l’âme, ils ne sauraient suffire ; ils doivent être subordonnés à la physionomie. C’est sur la figure que doivent éclater les sentiments qui animent un personnage, et dans la figure, c’est surtout dans l’oeil que doit résider l’expression, car l’oeil, comme disaient les anciens, est le miroir de l’âme.
Malgré ce défaut, la composition de Phèdre est large et savante.Hippolyte frappe le spectateur par son attitude pleine de noblesse, qui s’allie si bien avec sa modestie et son ingénuité. En le voyant, il nous semble l’entendre dire :

D’un mensonge si noir justement irrité
Je devrais faire ici parler la vérité,
Seigneur, mais je supprime un secret qui vous touche
Approuvez le respect qui me ferme la bouche.

Thésée représente noblement le héros, émule d’Achille, qui a purgé la terre des montres qui l’infestaient. Jusque dans son malheur il a conservé cette grandeur sereine qui convient au demi dieu vainqueur du Minotaure. Chez Phèdre l’expression du regard trahit la lutte qui éclate dans le coeur de cette reine, vicitme de la fatalité entre la passion et le devoir, entre le désir d’être vengée des mépris d’Hyppolyte et celui d’épargner un innocent qu’elle aime toujours malgré ses rigueurs. Aussi au témoignage et suivant l’expression de Quatrenière de Quincy, il y eut à l’occasion de Phèdre une enchère de vogue et un surcroît d’enthousiasme.
Le défaut que nous avons signalé dans Phèdre se retrouve, mais moin sensible, dans le tableau d’Andromaque, qui parut en 1810.. Andromaque tenant dans ses bras le fils d’Hector se jette aux pieds de Pyrrhus pour invoquer sa protection contre les Grecs. Pyrrhus la lui accorde en dépit de la jalouse Hermione. Dans ce tableau tous les personnages, dessinés dans des poses naturelles, sont remarquables par leurs attitudes variées, mais éloquentes. : il n’y a qu’Hermione qui pourrait être accusée de brusquerie déclamatoire dans le mouvement qu’elle fait pour s’arracher au spectacle du triomphe de sa rivale.

"Je ne connais de tableau plus sagement composé, écrivait M.Guizot dans la Gazette de France, le 12 septembre 1810 ; l’action est une et tout s’y rapporte : au milieu de l’élan d’Andromaque, du geste rapide et très développé de Pyrrhus, de la fureur d’Hermione qui s’éloigne, un grand calme règne dans toute la composition parce que tout y est en harmonie et bien ordonné : simplicité, intérêt tranquilité, tout s’y trouve. Mais n’est-ce pas dans l’attitude de l’antique que l’artiste a appris l’art de réunir et de concilier ces mérites divers ? C’était le talent des anciens de savoir allier la vérité et la chaleur à une ordonnance belle et tranquille. Ne reconnaît-on pas encore dans cette admirable figure d’Andromaque, dans l’art avec lequel les draperies sont ajustées et ne dérobent aucune des formes du corps, l’homme plein du souvenir des draperies de la Leucothoée ou de la Gérès ? On atrouvé que la figure d’Oreste était trop semblable à celles q’uon voit dans quelques bas reliefs grecs : ces figures, ces poses si nobles, si correctement dessinées ne sont-elles pas susceptibles, surtout celle d’Oreste et de Pyrrhus, de passer une à une dans le domaine de la sculpture ?
N’en ferait-on pas de belles statues ? Ce n’est qu’un mérite de plus à M. Guérin
".

Guérin complétat cette série de chefs-d’oeuvres par le tableau de Clythemnestre (1817) et par l’Offrande à Esculape.
La composition de Clytemnestre est des plus simples. Agamemnon repose sur son lit ; ses armes sont suspendues au mur ainsi que les trophées enlevés aux Troyens : une grande draperie d’un rouge éclatant le cache à demi et semble présager le drame sanglant dont le tragique dénouement approche. Cachés par ce rideau, Clytomnestre et Egisthe s’avancent pour accomplir le crime qui doit être le couronnement de leurs amours adultères : la reine, un poignard à la main, hésite à frapper le roi qui a pu faire périr sa fille Iphigénie, mais qui reste encore le chef glorieux de l’expédition de Troie, le père de ses enfants, son époux enfin. L’hésitation de Clytemnestre est admirablement rendue : sa figure en qui l’affaissement du corps trahit s bien les troubles de l’ame est un morceau qui touche an sublime.
Je ne parlerai pas de l’Offrande à Esculape, car Guérin en fit une réduction dont il fit hommage à la ville de Thiers et que l’on peut encore admirer à l’hospice. Ce tableau, dont le sujet est tiré d’une idylle de Gessner, représente un vieillard convalescent qui s’avance vers l’autel d’Esculape soutenu par ses deux fils, tandis que sa fille à genoux devant lui contemple le serpent qui se dresse au-dessus des fruits déposés sur l’autel. Qu’on aille voir ce tableau ; la vue de ces formes harmonieuses et correctes, de ces chairs si chaudes de l’adolescent, glacées chez le vieillard à peine rétabli, en apprendra plus sur le talent de Guérin que tout ce que je pourrais en dire. Quoi né à Paris, Guérin n’avait pas renié la ville natale de son père ; il se considéra toujours comme un enfant de Thiers que les nécessités de l’art retenaient tantôt à Rome, tantôt à Paris : la donation de ce tableau et surtout les lettres qu’il adressa à cette occasion à la municipalité thiernoise, le prouvent au premier chef.

Georges Therre

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Feuilleton de l’Album de Thiers, ’Avenue Guérin & Avenue Marilhat’, septembre 1878. Documents confiés par Georges Therre.