Courtesserre ou Curta Serra : église Saint-Martin du bourg de Courtesserre
A lire précédemment : château et chapelle de Lodant
Quatrième et dernière partie
© extrait de la carte de Cassini XVIII ème siècle
L’église Saint-Martin de Courtesserre, dont les historiens s’accordent à dire que l’existence est attestée à la fin du XIV ème siècle, est située dans le bourg.
De style gothique elle fut sans doute construite à l’emplacement d’une ancienne chapelle romane.
Elle est dédiée, tout comme l’église de Courpière, à Saint-Martin.
Elle est inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis le 8 février 1926.
Extérieur de l’église :
Le cimetière, à l’origine, jouxtait le bâtiment à l’arrière. Il était cerné de murs.
Seuls les commandeurs, les prêtres de la paroisse et les nobles pouvaient prétendre à être enterrés à l’intérieur de l’église.
Saint-Martin de Courtesserre, essai de reconstitution de l’ancien clocher
© Michel GUILLAUMONT 12/2020
Le clocher : celui qui actuellement surmonte la façade ouest n’est pas celui d’origine. A la Révolution Française, Couthon (*) l’a fait raser.
Extrait de la lettre de Couthon au Comité de Salut public du 26 brumaire an II :
« J’ai livré un combat à mort aux prêtres, aux saints, aux clochers et à toutes les reliques possibles … »
- (*) Couthon, originaire d’Orcet, député, il est le responsable de toutes les destructions en Auvergne.
Le clocher originel abritait quatre cloches, dont trois trous, excentrés par rapport à la clef de voûte, pour le passage des cordes sont encore visibles dans la voûte du narthex.
C’était, peut-être, un clocher à peigne ou plus probablement en forme de tourelle carrée comme celui de bien des églises environnantes.
Le porche dit « caquetoire » (*). On devine des traces, sur sa façade ouest. Sur une carte postale ancienne des années 1900, avant la restauration de la façade les traces sont plus distinctes. Le témoignage des anciens nous conforte dans l’idée qu’il existait un auvent aujourd’hui démoli.
© Michel GUILLAUMONT 12/202
Saint-Martin de Coulandon (Allier) avec aimable autorisation de Mr le Maire
Cette avancée permettait la réunion de fidèles, ou d’ecclésiastiques, à la sortie des offices.
Il devait s’agir d’une toiture à trois pans, couverte « à tuiles » ouvert sur le devant et délimité par un muret de pierres et deux piliers de pierre ou de bois (**).
- (*) Lieu où l’on parle. A l’origine l’adjectif était donné à des chaises.
- (**) Un bel exemple est encore visible à l’église Saint-Martin de Coulandon dans l’Allier, proche de Moulins construite au XI et XII eme siècle.
On accédait à l’intérieur de l’église par un escalier en pierre à cinq marches.
Intérieur de l’église :
Pour une description détaillée : voûtes, nombre d’or, mobilier, statuaire etc… consulter l’ouvrage de Mme Janine PINOY publié en 2004.
Sans entrer dans les détails, certains éléments des décors nous semblent remarquables, peu courants, et dignes d’intérêt :
Les chapiteaux (1), tous différents ont des décors sculptés de feuilles d’aches, de fruits, de moutons, d’oiseaux etc.
Les culs-de-lampe (2), sont au nombre de douze.
Elles terminent par des culots. Onze culots représentent des figurines.
Sur la douzième figure une feuille d’ache (3).
Ainsi nous avons une fidèle représentation des visages, avec les coiffures caractéristiques de l’époque et la présence de tortils (4).
Dans le chœur : un chevalier encadre quatre ducs ou duchesses. Viennent ensuite un roi (Louis XI ?) et un vidame (5). Dans la nef, des visages des représentant des trois fiefs de Courtesserre : de Lodant, du Lac et de la Commanderie du Château.
Les écus ou blasons :
Les blasons des familles des seigneurs de Lodant, d’Aurelle, présents sur les clefs de voûtes ont été représentés, décrits et commentés dans le texte publié dans la troisième partie : le château et la chapelle de Lodant.
Il convient de s’attarder sur deux blasons :
Le premier sert de clef à la voûte du cœur.
A ce jour il n’avait pas été identifié. Mme Pinoy, en page 20 de son fascicule sur l’église, publié en 2004, émettait l’hypothèse qu’il « pourrait représenter celui du grand maître de l’ordre de hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, ou bien du commandeur de Courtesserre de cette époque ».
Suite à la consultation de Armorial Général de Riestap, il semblerait qu’il s’agisse du blason d‘un des premiers commandeurs de Courtesserre : frère Imbert de Beauvoir, commandeur en 1463.
« Écartelé, au 1 et 4 de gueules et au 2 et 3 d’argent »
Il était d’usage pour les commandeurs de l’ordre des hospitaliers d’utiliser les deux couleurs que l’on retrouve sur les vêtements portant la croix : le rouge et le blanc, soit en héraldique : gueules et argent.
© Daniel JURIC 12/2020
Seule leur disposition dans l’ordonnancement du blason changeait.
© Daniel JURIC 12/2020
Commentaire : le choix de la deuxième couleur représentée ici est l’or car il semblerait que bien que les couleurs soient partiellement effacées ; c’est celle qui figure sur la clef de voûte de l’église.
On retrouve ce blason sur le piédestal d’une croix du village de Chamerlat.
A l’origine il devait provenir de la maison forte du village du Château.
Le deuxième sert de clef à la voûte de la chapelle nord.
Les armes sont celles de la famille du Lac (de Puydenat ?),, le troisième fief de Courtesserre, situé à quelques centaines de mètres de l’église, au sud, dans le vallon, à l’extrémité de la rue du champ de l’Eglise :
« D’azur à la fasce d’or ».
Il est cerné par un tortil (4) de chevalier.
© Daniel JURIC 12/2020
D’après le chanoine J B Fouilloux (1839-1918) « il ne faut pas aller chercher le berceau des du Lac du Monte(i)l, au fief du Lac paroisse de Courtesserre comme l’a écrit le chanoine Audigier (1659-1744) mais bien au Montel même qui s’appelle primitivement le Lac … »
Blason des seigneurs du Lac du Montel :
« D’or, au chevron de gueules, accompagné de 3 fermaux d’azur, sans ardillons »
© Daniel JURIC
Statuaire : les statues des saints à Saint-Martin de Courtesserre sont : Saint-Joseph, Saint-Antoine, Sainte-Marthe, Sainte-Sarah, Saint-Vincent, Saint-Jean.
D’autres ont disparu : Saint-Fiacre, Saint-Sébastien, Sainte-Anne et Saint-Martin.
Certains saints ont une relation privilégiée avec Courtesserre :
Saint-Jean le Baptiste, patron de l’Ordre des Hospitaliers.
Saint-Martin, patron des églises de Courtesserre et de Courpière qui est représenté, le plus souvent, dans sa figuration équestre qui évoque sa charité.
Saint-Fiacre, patron des jardiniers. Il est représenté tenant une bêche.
Saint-Georges, le patron des chevaliers, des cavaliers. Il est représenté à cheval terrassant le dragon.
Saint-Vincent de Saragosse dit « le diacre », patron des vignerons. Il est représenté, tenant dans sa main droite une grappe de raisins
Sainte-Flore : Peu de gens connaissent cette sainte qui est la patronne de l’Ordre des Hospitaliers de Malte mais qui n’est pas présente dans l’église de Courtesserre.
Née à Maurs, dans le Cantal en 1312. Elle entre au couvent des moniales de l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem devenu Ordre de Malte, qui est un des rares couvents de femmes de cet Ordre de moines-soldats.
Elle a été une des toutes premières femmes religieuses dans l’Ordre.
Elle a voué sa vie aux malades, aux voyageurs, et aux pèlerins démunis, à l’hospice de Beaulieu dans le Quercy.
On peut la voir, représentée au XIX eme siècle, avec son image de cire, sa robe rouge sous son manteau noir décoré de la croix de Malte, dans une châsse de l’église d’Issendolus dans le Lot.
© page 37 du Grand livre des saints de Jacques Baudoin.
Porte de l’église
Intérieur de l’église
GLOSSAIRE de la quatrième partie :
- (1) Chapiteau : élément de forme évasée qui couronne le sommet d’une colonne. L’accent est mis sur son ornementation.
- (2) Cul-de-lampe : tout support en encorbellement qui n’est pas un corbeau. Ornement qui est comme le dessous d’une lampe d’église.
- (3) Ache : Plante ombellifère employée dans la décoration architecturale du Moyen-Âge. L’ache à grosses feuilles est utilisée en héraldique.
- (4) Tortil : sorte de bourrelet en forme de torsade d’enroulement d’étoffe. Utilisé en héraldique.
- (5) Vidame : titre de noblesse. Personne qui perçoit les redevances d’un seigneur ecclésiastique.
BIBLIOGRAPHIE générale :
ADAM Adrien (abbé) : notes manuscrites. Archives départementales du Puy-de-Dôme.
BAUDOIN Jacques : - Culte et iconographie en Occident Jacques Baudoin, éditions Créer 2006.
BOY Michel : Les noms de Lieux de l’arrondissement d’Ambert et de ses abords, Chroniques Historiques du Livradois-Forez, Hors-Série N° 48 GRAHLF, 2013.
DROUOT Lucien : Notes et documents pour servir à l’histoire du Livradois, de Vallorgue, et des pays de la vallée de la Dore, VI, GRAHLF, 1998.
DROUOT Lucien : Notes et documents pour servir à l’histoire du Livradois, de Vallorgue, et des pays de la vallée de la Dore, XII , GRAHLF, 2008.
DROUOT Lucien : Notes et documents pour servir à l’histoire du Livradois, de Vallorgue, et des pays de la vallée de la Dore, XVI, GRAHLF, 2014.
GRAHLF : Chroniques Historiques du Livradois-Forez, N° 20 1998.
GRAHLF : Chroniques Historiques du Livradois-Forez, N° 21 1999.
GRAHLF : Chroniques Historiques du Livradois-Forez, N° 23 2001.
PINOY Janine : L’église Saint-Martin de Courtesserre , 2004.
PINOY M & J : Coutesserre, église et commanderie – DVD 2009 – A.R.E.C (*).
RIESTAP Jean-Baptiste : Armorial Général de Riestap 2 volumes 1884 et 1887
ROBILLON Raymonde : Culhat : De la préhistoire à nos jours, 2015
STEINBRECHER Bernard PASSELAIGUE Louis : La Belle Epoque de la Dore en pays de Thiers, Editions de la Montmarie, 2006.
VALAUDE Paul : Le pays thiernois N°27, été 2003
- (*) L’association pour la Restauration de l’Eglise de Courtesserre A.R.E.C. a été déclarée en sous-préfecture de Thiers, le 20/10/2006. Elle porte le N° 2317.
ARCHIVES :
Cadastre napoléonien Courpière 1810 :
Tableau d’assemblage, cote 55 FI 291
Feuille Chamerlat, cote 55 FI 302
Feuille Laudan, cote 55 FI 303
Feuille du Château , cote 55 FI 304
Feuille de Courtesserre, cote 55 FI 305
- Les originaux sont consultables aux archives départementales du Puy-de-Dôme et sur le site internet des archives départementales et en Mairie de Courpière (service de l’urbanisme).
Les trois précédentes parties :
Courtesserre ou Curta Serra : une bien belle histoire …
Courtesserre ou Curta Serra : la commanderie du Château
Courtesserre ou Curta Serra : château et chapelle de Laudant
Conclusion
Nous espérons que cette promenade en quatre épisodes dans l’histoire de l’ancienne paroisse de Courtesserre, commune de Courpière, vous fut aussi agréable à lire qu’elle le fut, pour nous, à rédiger.
Courtesserre est un de ces lieux que l’on traverse le plus souvent rapidement, sans y prêter la moindre attention. Et pourtant, c’est notre propre histoire qui est là, cachée dans une église, les ruines d’un château, d’un vieux pan de mur…
Quelle richesse nous avons dans ces petits coins que l’on croit perdus et sans histoire !. Il suffit seulement de s’arrêter.
Courtesserre fut notre premier choix parce qu’il y a bien longtemps, le bruit avait couru que des habitants de la Commanderie, nom initialement donné au village du Château, avaient entrepris des fouilles pour retrouver un trésor : des quilles et deux boules en or cachées dans un mystérieux souterrain qui disait-on, lors des veillées, reliait la maison forte au château de Boissonnelle, et au château de Mauzun.
Cette légende, on la retrouve aussi, dans la région, notamment à Olmet, au château de la Faye.
Bien entendu, nous n’avons pas trouvé le trésor des Templiers qui continue à alimenter les chroniques et que certains cherchent encore mais nous avons retrouvé Courtesserre.
Il reste cependant une interrogation en suspens : pourquoi les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, au Bas Moyen-Âge, ont-ils installé une Commanderie « chef » dans ce coin reculé de l’Auvergne « côté soleil levant », loin des grandes voies de communication dans une région ou la terre est qualifiée de peu fertile ?
Mystère…
Cette « saga » qui demande énormément de travail de recherche, de témoignages, d’iconographie …, nous comptons la renouveler pour d’autres communes, lieux-dits, de notre belle région.
Si vous nous faites confiance, vous en apprendrez de belles sur le Livradois-Forez !
Merci à :
Lucien Drouot Docteur ès-Lettres, Président du GRAHLF
Bernard Deubelbeiss illustrateur
Michel Guillaumont aquarelliste
Daniel Juric héraldiste
Atlantique Messan Adjointe, en charge du Patrimoine à la mairie de Courpière
Edith Bagel de Courtesserre
Raymonde Robillon de Culhat