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La collégiale Saint-Genès

Le nom primitif "Thiern", "Tchié" ou "Tjern" (suivant les auteurs), voudrait dire en celte "Maison du Chef" (Paul Bechon : Thiers, capitale de la celtique - 1947) ; cette traduction est donnée dans de nombreux ouvrages. Hermosh Andrieu, dans son livre Histoire de la ville et baronnie de Thiers cite "Thiers autrement Thiern, signifie Maison du Chef, Chef-lieu de canon... On y délibérait sur la situation du pays, on élisait le chef de guerre, on arrêtait les plans de campagne".

On suppose qu’un camp gaulois devait être installé dans un lieu proche de l’église du Moûtier au débouché de la Vallée de la Durolle. Cet endroit était le plus propice à l’installation d’une "tribu", car il est adossé au versant ouest abrupt de la montagne, protégé des vents du nid par l’éperon où est installée actuellement la vieille ville et surélevé par rapport à La Durolle pour ne pas redouter ses crues répétées, et donc à l’écart des terres marécageuses de la plaine mais cependant proche du franchissement de ce cours d’eau par un gué sûrement tout proche.

Nous ne connaissons pour ainsi dire rien de ce village mais nous trouvons autour de Thiers des rochers ou blocs de granite qui sont, par certains, qualifiés de Mégalithes. Paul Bechon en parle dans son livre et essaie de les relier entre eux ou de définir leur position par rapport à un système de délimitation ou d’éléments cosmiques : d’autres les identifient comme des lieux de culte.
Cette cité fut sûrement rasée puis reconstruite plusieurs fois au même endroit, suivant les vicissitudes de la guerre, au début, entre tribus rivales puis contre les Romains.

Thiern devient Castrum Tigernum, et devait être installée au même endroit que la cité gauloise. Dans l’ouvrage d’hermosa Andrieu Histoire de la Ville et Baronnie de Thiers - 1878 ce dernier écrit : "Joignant la ville de Thiers, à l’est, s’ouvre un passage à travers les montagnes. C’est à l’entrée de ce défilé que se trouvait construit le Château de Thiers".
Il va plus loin dans ses superpositions en écrivant "Sous le gouvernement de l’Empereur Posthumius, chef militaire des Gaules en 257, empereur en 261, le monde européen commençait à s’ébranler... Les nobles Gallo-Romains possédaient des lieux de refuge, des forteresses dans les montagnes. Les châteaux féodaux dont les roches sont hérissées, plus tard, au X° siècle, ont pour la plupart une origine Gallo-Romaine".

Le château auquel il fait allusion n’est pas celui du camp à l’entrée du défilé mais un autre qui sera un des points de départ de la ville haute sur l’éperon rocheux (de nos jours, ces éléments sont invérifiables).

Pendant ce temps, la religion chrétienne s’étendait et s’introduisait en Auvergne. Elle fut jalonnée par de nombreux martyrs. À Thiers, au VI° siècle, il existe deux sanctuaires mentionnés par Grégoire de Tours. L’un dans la plaine, l’autre su l’éperon rocheux.
Au Moûtier, les reliques de Saint Symphorien, Martyr d’Autun en 180, sont apportées par un disciple sur le "saint autel du Château de Thiers, en Auvergne, laquelle est construite en pièce de bois" (Grégoire de Tours, Le livre des Martyrs). Vers 532, Théodoric (Thiers 1er, fils de Clovis), s’empara du château qui fut brûlé. Selon la légende et par miracle, la chasse et les reliques qu’elle contient sont épargnées par le brasier et "brillent comme un astre au firmament" (Grégoire de Tours). Il est certain qu’au VIII° siècle, Aldebert, évêque de Clermont, fonde un monastère bénédictin dans le quartier du Moûtier. Il sera dédié à Saint Symphorien au cours des siècles. En 1011, l’abbaye est affiliée au puissant ordre de Cluny.

C’est durant ce VI° siècle qu’Avit, évêque de Clermont, fit bâtir une nouvelle église sur la colline en mémoire de la découverte miraculeuse de la sépulture de Saint Genès faite par un paysan. Le martyr de Genès est placé au III° siècle, sous l’empereur Aurélien.
L’installation de ce nouveau lieu de culte est liée à une légende rapportée par tous les auteurs mais relatée la première fois par Grégoire de Tours :

(La légende des Martyrs - Chapitre LXVII)
"Tout récemment, dans la partie du territoire de cette cité auvergnate qui avoisine le bourg fortifié de Thiers, le Saint du lieu, Saint Genès, se manifesta de la manière suivante : il arriva qu’un pauvre homme ayant assez savoir l’oeil sur ses boeufs, dont il se servait pour son labourage, les perdit ; en vain, il les demanda et les chercha de tous côtés. Impossible de les trouver. La nuit suivante, un homme apparut, et lui dit : "Va par le chemin qui conduit à la forêt et tu trouveras tes boeufs que tu cherches, tout auprès d’une dalle de marbre, occupés à paître une herbe épaisse. Après les avoir attelés à ton chariot, emporte le marbre et place-le sur la sépulture qui est au bord du chemin. Moi, qui te dis ces choses, je suis Genès, et ce tombeau est celui où j’ai été déposé dans des vêtements blancs après avoir quitté ce monde par le martyre".
Notre homme, s’étant levé au point du jour, retrouve ses boeufs auprès de la pierre indiquée et fit ce que lui avait ordonné la vision. Et cela ne fut pas sans miracle car cette pierre qui était si énorme qu’à peine elle eût pu être remuée par plusieurs paires de boeufs, deux boeuf suffirent à la porter. Aussi, bien des malades se rendent à cet endroit, y font des offrandes et recouvrent la santé. Avit, l’Evêque du pays, apprenant cela, construisit une vaste basilique sur le tombeau du Saint, la dédia et y institua une fête, où une grande foule du peuple vient aujourd’hui porter des offrandes et repart, comme nous l’avons dit, avec la santé. Avit donna un nouvel éclat à cette basilique en y déposant des reliques de Saint Genès d’Arles.

Saint-Genès serait le fils d’une femme d’Orient qui l’aurait confié à Saint-Sirénat. D’après les écrits du livre Le vieux Thiers d’A. Bigay, Saint Sirénat en fit un chrétien ; "Mais à peine le nouveau disciple suffisamment instruit, venait-il de recevoir le baptême qu’il tomba entre les mains des ennemis de l’apôtre. Convaincu d’être chrétien, et s’étant refusé à trahir la retraite de son Maître, l’ néophyte fut condamné à mort".
D’autres prétendent que ce Genès était originaire de Thiers et avait été converti par Sirénat dans la ville même. Mais l’office du Saint donne la première version. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il fut décapité par un soldat romain.
Le lieu de cette exécution serait un rocher plat sous le cimetière Saint-Jean, à l’heure actuelle englobé dans une usine au Creux de l’Enfer.
"Ce lieu était un lieu de dévotion. En 1875, le clergé se rendait encore en procession à ce rocher le jour de la fête patronale de St-Genès". (A. Bigay, Le Vieux Thiers).

Fondée en 575 par Avit, l’église fut ruinée et remplacée au XI° siècle par l’édifice actuel. C’est en 1016 que Guy II, seigneur de Thiers, dota St-Genès d’un chapitre de chanoines. Ses successeurs firent restaurer la collégiale en 1107.
Au XVII° siècle, elle connut des heures douloureuses à l’occasion des Guerres de religion. Elle fut prise par les Huguenots en 1568 et ne fut sauvée que grâce à l’intervention d’un marchand de Thiers, Benoît Allègre, qui acheta le départ des protestants. Il semble que ce soit à cette occasion que le clocher qui surmontait la croisée du transept disparut.
Au XVI° et XVII° siècles, elle fut agrandie par l’adjonction de chapelles latérales édifiées par des particuliers ou des confréries religieuses. Les chanoines imposèrent aux constructeurs le style gothique. A cette époque de grosses réparations furent exécutées à l’intérieur suite à l’effondrement d’un pilier.
Il semble que la Révolution n’altéra pas l’édifice. Au milieu du XIV°, l’accès est modifié et le porche couvert de la façade ouest est supprimé. De nouvelles orgues furent construites entre 1853 et 1863.

Cette église romane possède la plus grande coupole de la région qui couvre une surface de 101 m2 - ce qui est remarquable pour une construction de cette période. À l’origine, la nef principale devait être couverte d’une toiture, remplacée plus tard par la voûte actuelle sur croisée d’ogives.
Le 6 août 1863, au moment où l’on remettait en place le buffet d’orgue, on découvrit à environ 60 cm du niveau actuel, des pavements de mosaïques du milieu du XII° siècle. Grâce à l’intervention du curé ils ont pu être sauvegardés en partie. Ces pavements sont ornés de cubes de mosaïques noirs, blancs, rouges, verts et gris, de plaquettes de marbre, blanches ou rouges, et de morceaux de verre antique parsemés dans le pavement. Une bordure extérieure encadrait, sous forme de tapis, un ensemble d’une trentaine de médaillons dont seule une quinzaine a été répertoriée. Dans les médaillons sont figurés des personnages "amour" à califourchon sur une outre, des animaux : un basilic accompagné des lettres BA, un paon, un lion, la partie antérieure d’un éléphant. Cette composition qui se présentait comme un tapis déroulé devant la porte d’entrée est, en fait, une représentation du monde.

Cinq des panneaux vont être installés prochainement dans une des chapelles de la collégiale.
Alors trop petite pour accueillir la population croissante de la ville qui connaissait une très grande activité économique, les chapelles latérales furent édifiées à partir de 1520. L’une des plus anciennes est située au bout de la partie nord du transept. Elle est surprenante par ses sculptures et son aspect élancé. Les médaillons de la voûte représentent les autre Evangélistes et les quatre vertus cardinales. La clé de voûte porte les armoiries de la famille qui l’a fait édifiée. Une peinture endommagée orne le dessus de l’autel. Elle représente le couronnement de la Vierge et rappelle le passage des Huguenots en 1568.
Les trois autres chapelles furent construites dans la première moitié du XVII° siècle. Dans la partie sud, deux chapelles furent édifiées en "pierre de Ravel". Au XVII°, la troisième chapelle, dite chapelle du Saint Sacrement, a été décorée de boiseries remployées. Elle possède un autel baroque monumental encadré de deux sculptures. L’une représente Saint Genès portant la palme de martyr et l’autre Saint Etienne de Muret, issu des seigneurs de Thiers au XI° siècle et fondateur de l’ordre monastique des Grammont.
Le mobilier, considérable sous l’ancien régime, a été dispersé au moment de la Révolution. Aujourd’hui il n’en reste que peu de choses...

Illustrations
Église Saint-Genès de Thiers, 2 janvier 1851

Façade sud de l’église Saint-Genès

Interieur église Saint-Genès

Cathédrale de Thiers gravure de 1848, auteur inconnu

Vidéo : Apparition de Saint Genest à Saint Étienne de Grandmont, réalisée par la WebTv Livradois Forez
Ce tableau restauré depuis peu représente l’apparition de Saint Genest à Saint Étienne de Grandmont survenue à Thiers.
Saint Étienne de Grandmont, fils du vicomte de Thiers est confié à 12 ans au doyen du chapitre de Paris. Lorsque celui-ci est nommé évêque de Bénévent en Italie, Etienne le suit. Après sa mort, en 1078, il rentre à Thiers, renonce à tous ses biens et gagne la forêt de Muret où il mène une vie de grande austérité dans la solitude des hommes et la présence de Dieu.
Au bout de quelques temps, des disciples le rejoignent et cette petite communauté d’ermites quitta Muret après sa mort et s’établit à Grandmont dans le Limousin.

Article paru dans CentralParc décembre 2012. Texte Sophie Pavlic d’après la thèse d’architecture de Michel Combronde, et informations communiquées par Jérémy Rousset, Guide conférencier de l’Office de Tourisme Thiers Communauté.