Promenades dans le vieux Thiers - Juin 1982
Nous reproduisons ici, avec l’aimable autorisation de son auteur, Georges Therre, et en plusieurs épisodes, un texte intitulé "Promenades dans le Vieux Thiers".
Juin 1982
Cette semaine, j’ai fait un tour rapide de l’église Saint-Genès avec YTOURNEL, qui voulait me montrer une énorme pierre taillée découverte sans doute à l’extérieur, vers l’abside. Elle est de forme arrondie, peut-être deux mètres de diamètre, plate, pas loin d’un mètre d’épaisseur : cela me paraît, sans garantie, du quartz, ou même une sorte de granit, en tous cas pas du marbre comme disait à tout hasard YTOURNEL. Elle est visiblement taillée, et forme un seul bloc. Ce pourrait être la dalle d’un tombeau primitif ? De là à faire un rapprochement avec la "pierre de marbre" qui recouvrait le corps de saint Genès, selon Grégoire de Tours.... On a pu enjoliver à partir de là.
A l’intérieur, nous avons admiré ensemble l’autel fait par Gilles BUCHOT, dans une chapelle à gauche (Saint Sacrement), là où se trouve le Christ espagnol sur sa tête de mort. L’autel est encadré de hautes colonnes torsadées et décorées de raisins et autres motifs, dans le goût baroque ; il est très beau dans ce style. BUCHOT a fait un autre autel à Saint-Jean. Je me suis renseigné sur le mobilier qui n’a pas retrouvé sa place ; les belles stalles sculptées du chœur sont entreposées par les Monuments Historiques à l’établissement scolaire du Val-de-Dore. Les mosaïques sont déposées au Musée.
Avant-hier, en poussant la porte du Centre de Documentation du PONTEL, j’ai découvert des panneaux d’une exposition de KRISTOS et Robert BONNEMOY : les plans bien connus, un dessin agrandi par des élèves des fortifications d’après REVEL, des livres sur Thiers (dont notre album de cartes postales anciennes, 1980) et 40 photos faites par GIRONDE pour KRISTOS : rue de la Chabre, rue de la Faye, (dont la tour ronde n’aurait jamais été un ouvrage fortifié, mais une simple cage d’escalier), les murailles, où une maison près de Saint-Jean occuperait une ancienne tour, détachée sur les rochers, etc.
Dans le commentaire dactylographié sous chaque photo, KRISTOS consent à utiliser le nom "pedde" dans son sens traditionnel de passage couvert par une habitation.
8 juin 1982
Présentation de Thiers à de jeunes Berlinois.
Hier, j’ai passé plusieurs heures en compagnie de Bruno TOURNILHAC. Le matin, nous avions une heure pour passer des diapositives (celles de ma conférence de janvier). TOURNILHAC a été stupéfait en découvrant la Foire du Pré en 1878 et quelques autres photos. Je lui ai laissé commenter les photos de FRANC-SEJOUR. C’était un manoir fortifié, qui avait eu des douves, et à l’entrée de la ferme, la carte postale révèle une meurtrière encore. Il a été restauré et modifié au XIXe siècle. Et il n’y avait pas de tanneries (cf. manuscrit PRODON), celles-ci étant surtout au pont de Seychal.
Ensuite, nous avons passé l’après-midi, deux heures ensemble dans les rues avec des Berlinois fort peu intéressés, sauf leurs professeurs. Mais nous nous suffisions à nous-mêmes. TOURNILHAC avait fait l’itinéraire, d’après ses expériences, et c’est lui qui avait souhaité que nous ne nous séparions pas, alors que les organisateurs préféraient sans doute voir canaliser des groupes plus réduits. Rue Conchette, il nous a fait entrer dans l’immeuble HARLE n° 10 (ex-A. BIGAY), haute maison de pierre du XVIe siècle, avec boutiques à l’extérieur, une de chaque côté de la porte centrale gothique, les voûtes des boutiques étant très Renaissance. La cour intérieure, bien rénovée, est à peu près intacte.
Rue du Bourg, nous examinons l’immeuble FAVIER (XVe siècle. affirme-t-il) maison de marchands, même la porte le lui dit : le quatre de chiffre lui paraît un simple signe de croix, très utilisé par les marchands de tous genres. Les deux blasons de la porte lui paraissent rapportés, ce que leur très fort relief autorise à penser. D’autre part, le blason à l’endroit ne correspond pas à celui des FAVIER qui n’a qu’une étoile.
Place du Pirou, il indique, à droite de l’entrée sur la place du Palais, la porte voûtée condamnée par des pierres : c’est la maison de justice, dont le perron a sans doute baptisé le Pirou (peyro).
Derrière Saint-Genès, il se plaint qu’on a recouvert les pierres qui sont sûrement celles de l’enceinte primitive, rue Mancel Chabot. De fait, cela fait très carton-pâte. Rue de la Coutellerie, il me dit que la maison à fronton triangulaire n’était pas le siège de l’Election, comme je le croyais, mais l’hôpital, avant la construction de l’hôpital actuel, au milieu du XVIIe siècle. Le siège de l’Election serait plutôt plus haut, sans doute dans la maison de GRANGE le menuisier, à droite en descendant. Nous faisons halte devant l’Homme des Bois ; tout est décapé et a une teinte marron jaune qu’il juge affreuse, et dont j’espère moi aussi qu’elle n’est pas définitive. Plus bas, il s’exclame devant la Maison des Couteliers, dont le revêtement ocre flambant neuf peut en effet être jugé agressif, et devant les fenêtres, dont le dessin bien particulier ne me paraît en effet pas très heureux, je l’avais craint en voyant les réalisations de l’actuelle municipalité.
Nous entrons dans Saint-Genès, dont il explique l’architecture avec clarté : une église du XIe siècle, romane, construite avec deux pierres, granit et pierre de Ravel. Les chapelles sud ont été construites au XVIIe siècle en style gothique, en pierre de Ravel, d’après un ordre qu’on a retrouvé écrit par le chapitre. La chapelle la plus proche de l’ancienne sacristie, en haut à gauche, la seule non refaite lors des récentes restaurations, a dû être faite en Volvic par les ouvriers riomois, tout à fait semblable aux églises riomoises. Il fait remarquer que le vitrail principal de cette chapelle est récent sauf cinq angelots au milieu, qui sont du XVIe siècle. La coupole est la plus haute des églises romanes d’Auvergne. Depuis, on a utilisé du Volvic lors de diverses restaurations.
Nous allons ensuite par les Murailles jusqu’à l’église Saint-Jean. Juste avant, on voit une sorte de tour carrée devenue maison, peut-être la tour de Coagne de KRISTOS, toute seule sur le plan de Revel. L’église, il le confirme, serait seulement du XVe siècle, et aurait toujours été l’église des ouvriers de la Durolle. Au cimetière, nous admirons le beau tombeau néo-gothique des DECOUSON (DECOUSON serait la victime de la fameuse "chanson de Tailhandier" reproduite dans BIGAY).
Bruno veut faire classer ce tombeau fait par les CHANNEBOUX en 1849. Pour le tombeau GIRAUD-PINE, il pense que la décoration d’améthystes vient peut-être d’Olmet, la patrie des GIRAUD.
D’un escalier près de Saint-Jean, où l’on voit bien l’abbaye du Moutier, il situe le Thiers primitif, et dit qu’on a de bonnes raisons de penser que la Foire du Pré remonterait bien avant l’an mille, en fait à l’époque gallo-romaine, centre d’échanges entre la plaine de la Limagne et les Monts du Forez. Le choix du 14 septembre, fête de la Sainte-Croix, le confirmerait. Notons encore que pour la poutre de la porte Charnier et ses sculptures comme pour la dénomination du "Coin des Hasards", TOURNILHAC penche tout à fait pour l’indication d’un lupanar. Tout cela s’est terminé, sous la chaleur, devant une bière rue des Barres.
Georges Therre
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Merci à Jean-Luc Gironde pour les clichés photographiques. Autres crédits photos ; Autel Gilles Buchot, Roch Jaja. Vue de Thiers en Auvergne : église Saint-Genès par Baron, Balthazar Jean, 1788-1869, Bibliothèque numérique de Lyon. Coupole église St-Genès, Raymond Faure. Armorial de Revel, publié sur Wikipedia.