Promenades dans le vieux Thiers - Journée du Patrimoine

20 septembre 2008

Visite guidée par Philippe FRABONI : Thiers et les marchands bourgeois.
Au Pirou à 15 h, devant l’Office de tourisme, la visite, qui existe depuis environ un an, réunit une quinzaine de personnes, dont CHAUNY d’Olmet. Au programme la découverte des discrets hôtels particuliers, qui témoignent de l’influence des marchands bourgeois au XVIIe et au XVIIIe siècle. Le titre seul laisse flairer la présence de TOURNILHAC (1934-2007) derrière tout ça. Ces dernières années FRABONI a fréquenté assidûment la maison place de la Halle, conscient de tout ce que pouvaient lui apporter les conversations avec notre historien. D’entrée, il annonce le rôle décisif de TOURNILHAC sur ce thème, la suite me montre qu’on peut y ajouter la participation indirecte de Me CHASSAIGNE, qui s’est délesté de plusieurs centaines de courriers commerciaux anciens auprès des archives.
Le programme comprend : quelques mots sur le Pirou, demeure seigneuriale, donc hors sujet : les bois sont datés de 1435, 1455, donc il exclut que louis II de Bourbon, mort en 1411, ait construit le bâtiment actuel. Il l’appelle l’hôtel BOULIER du CHARRIOL.
- 12 rue du Bourg, l’hôtel PIGNAT (immeuble GIBERT)
- 10 rue du Bourg, l’hôtel FAVIER (coutellerie CHABASSIERE)
- 4 rue Conchette, l’hôtel MARRY (voir Le Vieux Thiers p. 139)
- 10 rue Conchette, l’hôtel BRUGIERE
- 18 bis rue Conchette, l’hôtel DARROT, (habité avant par Thomm et Isabela BIELECRA
- 19 rue Conchette, l’hôtel RIBEROLLES, (ex-maison CHASSAIGNE).
On ne monte pas plus haut, mais on montre de loin l’hôtel DELOTZ au sommet de la rue. FRABONI parle une heure et demie, intéressant quand il parle architecture, datation, noms de famille, métiers, mais loin du sujet quand il s’étend sur le siècle d’or espagnol ou la liste interminable des articles nommés sur le tarif de douane portugais de 1826 (communiqué par Jean CHASSAIGNE). En gros ça paraît fiable.
Hôtel des PIGNAT, marchands drapiers. Rez-de-chaussée XVe XVIe siècles, étages refaits au XVIIIe siècle, avec leurs fenêtres larges à dessous en arbalète. Pour la pomme de pin du blason, plutôt que notre patois, FRABONI rapproche de la "pigna" espagnole. Il ne manque pas une occasion d’étaler son espagnol.
Hôtel des FAVIER "marchands apothicaires".. Ce ne serait pas plutôt PIGNAT ? Il distingue, pour plus de clarté, les marchands qui vendent au moins en partie leur production et les négociants, qui vendent de tout sans fabriquer. Il parle de l’utilisation ancienne de la pierre de Volvic à Thiers, coûteuse avec ses 55 km de transport, et ne met pas en doute l’ancienneté de la décoration du tympan de la porte : feuille de chêne, symbole de la solidité familiale, chiffre quatre commun aux marchands. Pas un mot des pinacles bien plus sûrs en ancienneté. Il attire l’attention sur un détail architectural : chaque extrémité de la voûte ogivale repose sur le linteau plus bas par un sommier non en croix comme souvent, mais en appui direct harmonieux. La Courbe en anse de panier du rez-de-chaussée s’arrête à un mètre ou un mètre cinquante du sol, parce que là s’ouvraient les étals de bois des boutiques. Il soupçonne que l’anse de panier de la boutique CHABASSIERE a été refaite. Il connaît l’intérieur, sa cheminée ancienne, ses portes à plis de serviette, mais nous ne verrons aucun intérieur.
Le 4 rue Conchette, porte à fronton triangulaire toujours fermée à clef, juste plus haut que l’immeuble BRAVARD, est pour lui l’hôtel des MARRY, négociants apparentés aux AUDEMBRON et BARGE. Il en a la clef et laisse entendre qu’il a acheté l’immeuble. La cour comporte à gauche un escalier de 1560, un des plus beaux d’Auvergne (dessiné autrefois par Julien QUITTARD et BIGAY) au dire des spécialistes, large escalier à paliers (une invention italienne). Il fait remarquer les deux pilastres, un à chaque étage, terminés en haut par un bout de chapiteau, dorique en bas, ionique en haut. Je photographie ces détails inédits. En face, en pierre plus claire, c’est sans doute début XVIIe, mais il a aussi avancé la date de 1535, pour savoir où ?
Maison HARLE 10, rue Conchette, c’est la maison d’Alexandre BIGAY, qui s’y était vivement intéressé, et avait trouvé dans OJARDIAS que les FEDIT avaient été propriétaires, d’où la présence éventuelle de MONTDORY. FRABONI affirme que c’est l’hôtel des BRUGIERE, futurs de BARANTE. On sait que Loys BRUGIERE, l’ancêtre, était coutelier, rue Conchette, en 1534 mais comment a-t-on trouvé dans quel immeuble ? Jean CHASSAIGNE confirme cette localisation.
On arrive ensuite à la cour de Me GUILLAUMONT, qui vient de se retirer du notariat. Pas un mot sur son immeuble ni sur les médaillons en Volvic. On regarde en face l’hôtel des DARROT, début XVIIe siècle bien que, naguère, au-dessus de la porte, on voyait la date de 1553, je crois, inscription bizarrement détruite maintenant. La maison a été vendue par l’architecte THOMAS, beau-père d’Isabela, 75 000 € paraît-il à un marchand de biens qui aurait refait l’intérieur. Quant aux fameuses toiles peintes à l’étage, que je n’ai pu voir, elles ont été roulées dans un coin, à vendre avec l’immeuble avec un supplément, ce qui n’a pas dû se faire : de part et d’autre du mur, on voit les extrémités arrachées des toiles, dit FRABONI. Quel comportement pour un architecte !
Selon lui, d’autres maisons de la rue Conchette, vers le haut, et probablement celle des DELOTZ, avaient aussi de ces toiles peintes. Du seuil de l’agence de voyages, à gauche en montant, nous nous séparons, il revient sur quelques remarques sur les maisons à pans de bois : celle où était le parfumeur Blaise, un peu de guingois, sûrement XVe siècle, dit-on, au vu de l’encorbellement très bas ; celle de GUILLOT-MARCLAND, plus haut, plus récente, (XVIIe ) avec l’encorbellement plus haut, et des fenêtres inamovibles une fois posées ; celle qui est plus ancienne a des fenêtres faciles à décheviller, qu’on peut déplacer. Sans doute celle de GUILLOT s’appuie-t-elle sur celle en pierre plus en arrière.
FRABONI pense que, sous Henri IV, on a fait très souvent rabattre les encorbellements des étages supérieurs pour éviter une étroitesse de rue favorable aux incendies, et que c’est le moment où l’on a crépi les façades à pans de bois. Quant aux colombages, il réduit l’emploi du mot aux bois verticaux et horizontaux des étages supérieurs ; en Normandie, ils sont généralisés. Impropres pour les croisillons, d’où l’impression plus générale de "pans de bois".
Au 4 rue Conchette, il suppose que la façade du fond comportait, au fond, face à l’entrée, une fenêtre à meneaux au rez-de-chaussée, dont la moitié de gauche a été cachée par la construction de l’escalier. D’où, sans doute, la date de 1535 avancée pour cette partie, 1560 pour l’escalier.
Nous avons fini par l’hôtel RIBEROLLES visité par MANDRIN. Il prononce le nom de Mathie PASCAL, cousine de Blaise, sans parler de Brémond PASCAL. Il situe quelques papeteries de ces familles, BOUCHET avant ASTIER-PRODON, RIBEROLLES avant LACROIX, et semble situer aussi RIBEROLLES à l’ancienne maison d’ADEVAH-PŒUF, là où je vois plutôt des BERGER.
Il dit un mot des BODIMENT, de la chapelle Saint-Roch, et du tableau "vœu de Louis XIII", dont rien ne dit, en fait, à mon avis, qu’il est en rapport avec les BODIMENT. C’est un reste de l’influence de Bruno.
Cet homme extérieur à Thiers s’est passionné pour la ville bien plus que la plupart de ceux qui sont passés à l’Office de tourisme, et il a fait œuvre utile. C’est sûrement à lui qu’on doit les quatre pages sur Thiers figurant dans Les Patrimoines de France, Gallimard, septembre 2009, qui font la part belle aux marchands bourgeois.

Georges Therre

À lire précédemment : Promenades dans le vieux Thiers - Maison Ytournel.

Crédits : Thiers par Théodore Rousseau, 1830, WikiArt. Cour de M° Guillaumont, Les sons de Thiers.