La Commune, elle souffla aussi à Thiers - 13 : interrogatoire de Chauffriat

À lire précédemment : Le procès : interrogatoire de Vedel

Suite de l’audience du 22 août

D. Vous passez pour un homme laborieux et économe ; à ce point de vue vous méritez des éloges, vous ne fréquentez ni les cafés ni les cabarets. Mais en politique, vous passez pour un homme exalté, et vous ne perdez jamais l’occasion de manifester les opinions que vous partagez avec Chomette, avec lequel vous avez subi une condamnation à deux mois de prison pour une fabrication illégale de poudre ?
R. Je regrette de ne pouvoir donner des explications suffisantes pour prouver que ce procès ne s’est pas passé comme cela aurait dû être. Nous avons été condamnés sur la déposition d’un témoin qui ne méritait pas d’être cru, et qui est mort où il était digne de finir, sur un fumier.
D. L’accusation dit que vous êtes le complice de l’insurrection par menées et excitations ?
R. Je suis l’ennemi du désordre. Je blâme ces mouvements de la rue.
D. Vous vous avouez avoir assisté à des réunions ?
R. Oui, mais pas plus de moi de tous ceux qui y ont assisté, il n’y a rien à dire. Ces réunions étaient loin d’être mauvaises.
D. Vous avez distribué des journaux ?
R. J’ai reçu des journaux pour le compte de M. Chomette ; c’est lui qui les a fait adresser chez moi ; il en a pris la responsabilité. Je les ai reçus par obligeance et payés pour son compte ; j’étais dépositaire au même titre que le voiturier qui me les livrait.
D. Mais sachant ces journaux saisis, vous auriez dû vous abstenir de continuer à les recevoir ?
R. Quand je su qu’ils étaient saisis, je le dis en effet à Chomette, et il écrivit à Lyon pour en faire cesser l’envoi, ce qui eut lieu.
D. Ces journaux furent saisis à l’arrivée deux ou trois jours, mais le 18 vous précédâtes la saisie en allant vous-même les chercher au bureau des messageries et en les emportant dans votre tablier. Il y avait donc là une intention. Vous en avez de plus distribué gratuitement, et en distribuant des journaux dont la devise était : la République ou la mort, l’accusation pense que vous suscitiez l’émeute.

L’accusé entre dans d’assez longues explications pour établir qu’il était simple dépositaire des journaux reçus pour Chomette, et rien de plus.

D. Non-seulement vous assistiez aux réunions, mais vous avez même prêté un local pour l’une d’elles ?
R. Oui, Monsieur, des réunions comme celles-là, j’en voudrais voir jusque dans les villages, car c’est par là que le peuple s’instruirait.

Les interrogatoires sont achevés. Ils ont été conduits par l’honorable président avec une impartialité, une longanimité et une patience dignes d’être notées.
Un fait à remarquer dans ces interrogatoires, c’est la satisfaction qu’ont mise tous les accusés à les prolonger par d’interminables discours. Tous voulaient assurément poser pour de beaux diseurs, et il faut avouer que la plupart se sont exprimés avec une présence d’esprit, une habilité et une assurance qu’on rencontrerait rarement chez des gens de leurs conditions. Assurément nous ne prenons pas notre point de comparaison en y comprenant les trois derniers accusés, Chomette, Vedel et Chauffriat, qui ont, Chomette surtout, une instruction et une intelligence reconnues.

Il y aurait bien d’autres remarques intéressantes à faire sur l’ensemble de ces interrogatoires ; il y a des concordances frappantes sur certains points, des coïncidences curieuses ; mais nous gènerions par des réflexions personnelles l’œuvre de la défense et il est de notre devoir de rester dans le narré des faits.

À suivre : audition des témoins : Antoine Planche

Merci à Georges Therre pour nous avoir confié ces documents.