Il était une fois... 1936
C’est un parfum d’accacia perdu dans le goût sucré du Byrrh. C’est l’image volée au temps d’hommes et de femmes, le poing levé, tous étonnés de se découvrir un pouvoir.
C’est les premiers tandems et la découverte des routes nationales, les embruns de la mer enfin sentis, la chasse aux papillons ou les dîners sur l’herbe et ces paysages de cartes postales qui deviennent réalité. C’est le T.S.F. qui crache sur le buffet de la cuisine, les pantalons de golf, la gomina dans les cheveux et cet air d’hidalgo que l’on prend pour aller au bal.
L’espoir... 36, c’est un peu la veille du grand soir qui deviendrait matin avec une envie de vivre grosse comme ces défilés écrasant le pavé des rues et ce trop-plein de larmes qui se vide parce que l’émotion est là et ne se contient plus. 36, ce fut un peu de vie, de liberté retrouvées : les congés payés, la semaine de 40 heures, les conventions collectives... Et c’est de là qu’est né le mythe de cette année charnière qui, si l’on y réfléchit bien, est la véritable rupture avec le 19° siècle.
Car en ce mois de mai 1936, le pays vient d’envoyer une majorité Front Populaire au Palais Bourbon. Moins de 500 000 voix glissant du centre droit au centre gauche ont fait la différence et imposé à Matignon un homme sec, à petites lunettes rondes et grosses moustaches : Léon Blum.
Pendant douze mois, sous sa conduite, le gouvernement va écrire une des pages les plus passionnantes de notre mémoire collective en bouleversant radicalement les rapports sociaux.
Désormais, rien ne sera vraiment plus comme avant. Pourtant, on ne lui a pas fait de cadeau à Blum, lui, le juif "ce détritus humain à traiter comme tel" selon Maurras. On l’insultera, le menacera, avant de l’envoyer à Bunchenwald. Mais en 36, on ne pensait pas vraiment à tout cela.
On ne les voyait pas, ces metteurs en scène de l’Histoire qui allaient suivre, sinistres, en chemise bleue, noire ou brune. 36, les congés payés en France mais aussi le peuple éthiopien écrasé par Mussolini, Hitler jonglant avec le monde, la grève du peuple Arabe dans la Palestine sous mandat anglais et puis, de l’autre côté des Pyrénées, les camarades du "Frente popular" bien embêtés avec la grève des mineurs des Asturies. 36, c’était hier et déjà aujourd’hui.
La suite... On les as eus !
Une chronique de Jean-Luc Gironde.