En traversant Thiers
Après avoir traversé le pont de Bridgnorth et plutôt que d’emprunter les ‘Chemins neufs’’ nous filerons par ‘’La Russie’’, nous ferons l’impasse sur le premier bâtiment sur la droite (ancien EDF.) qui à mon avis, ne sera jamais inscrit au nombre des Monuments Historiques, pour nous intéresser à l’un des plus beaux édifices de la ville, qui répond au doux nom de Franc Séjour. Ce que nous pouvons en voir depuis la route donne une idée très nette de ce qu’était une demeure de grande qualité à la fin du XVème siècle et par là-même des ultimes ressauts du style de la période gothique, même si l’influence de la Renaissance s’y fait déjà sentir.
Nous longeons (d’assez loin) le mur de soutènement du cimetière des Limandons mais quelle est l’origine de ce nom : du bois, des cordes ? (vous me direz on utilise bien des cordes pour descendre le cercueil en bois dans le trou !) . Et les premiers grands virages commencent. La Rue Nationale est bien parée de végétation envahissante (comme toutes les villes et villages sans parler des rivières), je veux parler de la renouée venue du Japon au moment de la guerre, véritable plaie dont nul ne sait comment se débarrasser : songez que ses rhizomes peuvent s’enfoncer jusqu’à deux mètre de profondeur ! Même si elle reste une jolie plante décorative ! Pour preuve, lorsque la faucheuse est passée, la verdure manque est c’est vilain ! Mais c’est bien connu, en toute chose il y a une mesure ! Autrement- dit point trop n’en faut ! Il faudra donc bien trouver un moyen de s’en débarrasser : c’est vrai les chèvres adorent mais il va falloir de sacrés troupeaux !
Le tertre de gauche est peu construit dans la partie basse, sûrement à cause de l’exposition plein Est et de la colline derrière, sur laquelle les constructions modernes sont perchées. Heureusement, un peu plus haut, une végétation assez rare sous nos climats apporte une touche exotique et inattendue, je veux parler d’une forêt de bananiers qu’un ‘’planteur’’ passionné a su bichonner pour arriver à ce superbe effet. Toutefois, si vous n’avez pas eu l’occasion de voir ce prodige, hâtez-vous car le bonhomme hiver va être (sous peu) sans pitié pour les gigantesques et superbes feuilles d’une plante venue d’autres latitudes ! Mais pas de nostalgie, reprenons l’avenue des États-Unis et dépassons l’arrêt de bus ‘’la Russie’’ ! L’association des noms est osée mais assez drôle ! Nous sommes à la prise du chemin des Robinsons. C’est d’ici qu’un jour, peut-être , l’avenue déviera de son tracé actuel pour aller tout droit dans la direction de Vichy évitant ainsi la traversée du centre-ville et la difficulté du virage en épingle des Grammonts.
En continuant, les habitations se succèdent pour devenir plus serrées.
Beaucoup de jardins encore malgré un terrain très pentu ce qui explique tous ces importants murs de soutènement et ces terrains aménagés en ‘’restanques’’. On imagine aisément toutes ces pentes plantées de vignes il n’y pas si longtemps, une centaine d’années peut-être, avant les grandes catastrophes qu’a pu subir le vignoble un peu partout.
Cette voie semble affectionnée par les garagistes automobiles, on en compte au moins quatre, tous dans la partie droite, il faut dire qu’en face ce serait difficile, toujours à cause de cette pente si fréquente dans notre ville. Longeons le mur d’enceinte de l’ancienne salle du patronage ‘’la Vaillante’’ qui évoque encore tant de souvenirs à de nombreux indigènes.
Quand la montée est moins rude, l’alignement des immeubles ‘’bourgeois’’ commence. Ils furent construits à la fin du XIXème siècle et tout au long du suivant. Parfois subsistent encore ça et là quelques habitations de plusieurs étages, de rapport donc, de nos jours peu occupées. Visiblement, on s’est peu soucié d’un style de construction, peu de règles d’unité si ce n’est une multitude de jardins suspendus qui agrémentent vraiment la rue. Pourtant, quelques immeubles sortent du lot : Une grande et belle villa blanche avec bow-window et terrasses, entourée d’un jardin des plus accidentés. Un peu plus haut c’est un ‘’chalet alpin’’ avec balcon et lambrequins en bordure de toit, curieusement installé transversalement à la route mais très bien restauré par le propriétaire actuel qui a su conserver l’esprit voulu par l’architecte initial. On est bien loin, pour parler esthétique du gros ‘’cube de béton d’un central téléphonique situé à quelques mètres. S’il reste de la vie dans ce bâtiment (ce que j’ignore), elle est bien secrète car vu de l’extérieur c’est ‘’mortel’’ !
En poursuivant la route, la belle villa ‘’Gilbert’’ avec son toit à quatre pentes couvert d’ardoises, agrémenté de sa frise de zinc au faîte, tant à la mode des années 1900, son jardin, ses pergolas, ses grands arbres et ses fleurs qui embellissent le quartier, en voisinage une maison beaucoup plus modeste mais qui ne le cède en rien côté verdure avec sa pergola métallique si représentative des jardins thiernois, que ce soit le long de la ‘’89’’, par la vallée ou la route de Vichy et un peu partout dans la cité. Ah ! que perdure le temps des fleurs : vision de couleurs, certes éphémères mais toujours porteuses d’espérances joyeuses, périodiquement présentes par leur renouvellement ! En parlant de nature, avez-vous remarqué, à droite en montant, cette glycine qui grimpe à l’angle d’un immeuble jusqu’à la hauteur du troisième étage, s’agrippant aux garde-corps des fenêtres : quelle énergie !
Nous arrivons à la hauteur du bâtiment devenu de nos jours l’école de musique, clos d’un beau portail bordé de piles de pierre de Volvic dont les vases ont été supprimés. Là aussi, c’est une autre chanson : entrée équilibrée : escalier à double révolution abritant une niche autrefois habitée par une Parque partie sous d’autres cieux à d’autres amours, fontaine à l’entrée d’où l’eau qui s’en échappait jadis était comme une musique de bienvenue au diapason d’une douceur de vivre. Oeil de bœuf au faîte de la façade et pavillons alentour, autant d’éléments réunis pour en faire une maison de charme.
Jouxtant cet ensemble, ce qui subsiste de l’ancien couvent des Capucins établis en ces lieux dès 1607. La révolution en sonna le glas. Même en cherchant bien, aucune trace n’est visible depuis la route. Même constat avec la résidence de la Sous-Préfecture (accès rue du champ de foire) et l’emplacement de l’ancienne chapelle intra muros devenue bureaux avec accueil du public dont l’entrée se fait par la rue de Barante. De tout cet ensemble, on a seulement retrouvé un morceau de colonne ( du cloître ? ) dans le parc (très arboré) de ce qui a été la manufacture Bargoin. Quelques vases Médicis en fonte ornent encore (de chaque côté de la rue) les piles et murs des propriétés, vestiges d’une recherche d’esthétique mais malheureusement un grand nombre a été volé.
En face, les anciens bains-douches de la ville, si célèbres qu’à quelques mètres de là, une rue s’appelle la ‘’rue des bains’’ ! Jolie maison construite dans l’air du temps à une époque où les maires n’hésitaient pas à marquer de leur nom leurs réalisations (de leur vivant) : J. Cotillon et pourquoi pas celui de l’architecte : A. Cabanie. Un temps où l’on usait de décoration et de symétrie en architecture : parements en brique et carreaux de faïence, cabochons de couleur en céramique, avec amortissements de toupies en terre cuite sur les toits, en un mot un bâtiment harmonieux d’où s’échappent aujourd’hui les cris des chérubins que l’on y dorlote !
De l’autre côté, on peut être frappé par la solidité et la qualité des grilles d’enceinte et du portail d’entrée (d’où les vases ont disparu) d’une petite maison, ma foi, bien discrète. Il faut rappeler qu’il s’agit de l’arrière (peut-être la conciergerie ?) de la Banque de France mais c’était au temps de la splendeur !
Non loin de là, en levant les yeux apparaît un bâtiment tronqué, c’est l’ancienne infrastructure (les soubassements) d’un autre couvent devenu par la suite bibliothèque et musée local et enfin détruit et transformé en parking (rue de Barante).
À la suite, nous longeons les entrepôts de l’ancien maire Antonin Chastel, transformés eux aussi en divers locaux d’exploitation au cours des décennies précédentes. À noter parmi ceux-ci, une galerie d’art ancien, installée là depuis plus d’un demi-siècle. En face encore, de beaux immeubles pour arriver à l’ancienne habitation du docteur Camille Joubert dont la rue porte le nom.
Avant d’arriver à la ‘’lumière’’ du Rempart, sur la gauche, l’embranchement de la ‘’rue haute’’ et du mur de soutènement de la Maison des Associations qui ‘’fait le ventre’’ depuis maintenant pas mal de temps : pourvu qu’il tienne encore bon ! Je n’ose pas imaginer une faiblesse ultime de sa part !
Je n’ai pas fini de traverser Thiers mais je réserve la suite pour une autre chronique, songez : le Rempart, la rue Terrasse, la place, la rue de Lyon etc. Il y a de quoi dire.
Jean-Paul Gouttefangeas
Crédit photo : Jean-Paul Gouttefangeas.