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Daniel Pouget

Ethnologue, archéologue, Conservateur de musée à 21 ans, fondateur du musée des civilisations à Saint-Rambert, conservateur des musées foréziens, écrivain, réalisateur de films documentaires, Daniel Pouget est, depuis son plus jeune âge, doté d’une soif intarissable toujours en quête de connaissance, de découvertes et d’aventures.

L’intérêt qu’il porte aux différentes ethnies les plus menacées et surtout à leurs traditions ancestrales qui, avec le temps, viendront à disparaître, l’a conduit vers différents pays et continents tels que l’Afrique, la Chine, l’Indonésie, l’Inde, l’Océanie, le Groenland, la Laponie, le Tibet.
Toujours avec l’envie de transmettre, il revient avec des témoignages : films, écrits ou dessins dans lesquels il partage, avec beaucoup de respect, les traditions de ces peuples lointains.

Daniel Pouget est natif de Saint-Etienne. Son père était plâtrier-peintre. Sa mère, secrétaire dans les bureaux de la Manufacture d’Armes à Saint-Etienne, avait deux passions : la musique et la lecture.
C’est à travers les récits d’explorateurs polaires, contés par sa mère, qu’il découvre les aventures de Jean Charcot qui le font alors rêver, et qui lui donneront, sans aucun doute, le goût du voyage, de l’aventure et des grands espaces.
Jouer avec ses camarades ne l’intéressait pas, il préférait la lecture, l’écriture et le dessin. Une fois par an, Daniel accompagnait son grand-père à Paris. Et c’est ainsi qu’à l’âge de six ans, il franchit pour la première fois la porte du Musée de l’Homme et découvrit la Vénus Hottentote qui le marqua à jamais.
À 14 ans il intègre l’École des Beaux Arts de Saint-Etienne. Le jeune homme a enfin trouvé sa voie. Dans sa jeunesse, le cyclisme a été aussi une de ses passions. Inscrit au Vélo-Club Stéphanois, il fera de la compétition et obtiendra le titre de Champion du Lyonnais.

L’entreprise paternelle connut quelques soucis financiers et Daniel fut contraint d’arrêter ses études aux Beaux-Arts pour se rendre uniquement aux cours du soir. Le temps était venu pour lui de se former à la plâtrerie peinture et de seconder son père afin d’assurer la relève. Bien que doué et ne rechignant jamais devant le travail, il n’avait aucune envie d’aller sur les pas de son père. C’est à l’âge de 16 ans qu’il quitte le domicile parental pour la capitale. Il le fait à vélo, accompagné d’André, un copain du Vélo-Club stéphanois originaire de Paris, à peine plus âgé que lui.
Des petits boulots, il en a fait ! Jusqu’au jour où il tente sa chance au Musée de l’Homme qui propose un poste d’homme à tout faire. Il se présente et c’est lui qui obtient la place. Au beau milieu de cet univers qui le fait rêver, il lui arrive de croiser Paul-Emile Victor dans le musée... Daniel ne se lasse pas d’admirer les collections du département arctique (le nom Arctique vient du grec ancien Artos qui signifie ours, en référence aux noms des constellations de la Grande Ourse et de la Petite Ourse, situées près du pôle nord céleste. Les ours polaires se trouvent uniquement sur "La Terre des Ours" en Arctique).

Comme la vie est curieuse. Quelle étoile l’éclairera ? La Grande Ourse ou la Petite Ourse ? Il ne savait certainement pas qu’une bonne étoile le guiderait et qu’il croiserait plus d’un ours blanc dans sa vie ! Et puis un jour, sur un panneau d’affichage, il vit un feuillet dactylographié mentionnant que le département arctique recherchait cinq volontaires pour aller observer une migration en Laponie. Daniel fut le seul à postuler et, bien sûr, à partir. La mission était - si l’on peut dire - "simple" : se rendre en Laponie et rédiger un rapport. Âgé alors de 17 ans, il gagne la Norvège à vélo et quatre semaines lui seront nécessaires pour arriver dans le Grand Nord ! Une fois la migration terminée, enrichi de cette première expérience inoubliable, Daniel regagne Paris et le Musée de l’Homme où il remet son rapport minutieusement rédigé et croqué. Ses talents sont immédiatement remarqués et Robert Gessain, anthropologue, l’encourage à continuer.
Daniel s’initie alors à la prise de vues, photographique et cinématographique. Avec le désir de toujours apprendre et un goût particulier pour l’art, il s’inscrit la même année à l’Ecole du Louvre en tant qu’auditeur libre, et à la formation du métier de conservateur du musée.

Après 30 mois d’interruption marqués par son service militaire prolongé, Daniel recontacte le Musée de l’Homme. Il reprend ses cours d’ethnologie et de muséologie. Entre Paris, Saint-Etienne, et ses pérégrinations aux quatre coins du Monde, le nomade est heureux !
Daniel est infatigable. Le voyage et les grands espaces sont indissociables de sa personne. Une sorte de drogue pour que l’homme se ressource et approfondisse toujours plus ses recherches. Il écrit, il filme, donne des conférences. Il s’intéresse de plus près au chamanisme, toutes cultures confondues, thème principal de plusieurs de ses ouvrages et aux différentes médecines - l’exposition présentée en 2014 au Couvent de Chazelles s’intitulait "Les guérisseurs d’Auvergne".
En 1962, il construit lui-même sa maison à Saint-Rambert. Le livreur de matériaux est un passionné d’histoire locale. C’est à cette occasion qu’il entend parler d’une jeune association, "Les Amis du Vieux Saint-Rambert", qui souhaite avant tout préserver le patrimoine local.

Daniel fréquentait toujours l’Ecole du Louvre, ce fut pour lui l’occasion de mettre en pratique les connaissances qu’il a acquises. Il achète, au coeur de la cité médiévale de Saint-Rambert, une maison du XVI° en piteux état. Mais, grâce à sa volonté et son courage, et avec l’aide de l’association, il transforme cette maison en musée.
Trois ans plus tard, la Maison du Forez voit le jour et inaugure une double exposition. Le rez-de-chaussée présente "Les trésors du passé forézien", et le premier étage "L’Art de la gravure". Celle-ci remporte un franc succès, bien d’autres suivront : "Les tapisseries des jeunes Egyptiens", "L’art roman du soleil", "Splendeurs et misères du Paris de Balzac".
En 1966, Madeleine Rousseau lui permet d’exposer plus de 120 pièces de sa collection privée "Art nègre" dans le musée rambertois. Par manque de place, suit l’ouverture du Musée des Civilisations dans l’ancien prieuré de Saint-Rambert.

Dans les années cinquante, Daniel fait la connaissance d’une jeune fille - Farah Diba - qui fréquente alors l’Ecole spéciale d’architecture à Paris. En 1971, le Grand Palais prépare l’exposition "Traditions millénaires de l’Iran" pour célébrer le 2500ème anniversaire de la création de l’Empire Perse. La partie archéologie sera exposée à Paris. La jeune étudiante en architecture, rencontrée quelques années plus tôt, est devenue l’impératrice Farah Pahlavi... C’est grâce aux liens d’amitié qui existent toujours - et à la grande surprise d’André Malraux - que notre conservateur du Musée des Civilisations à Saint-Rambert a le bonheur d’accueillir la deuxième partie de l’exposition "Arts et traditions populaires". Le musée provincial reçoit du beau monde et les visites ne cessent d’augmenter.

Il y a un peu plus de 15 ans, l’heure de la retraite est tant que Conservateur des Musées Foréziens a sonné pour Daniel. Il laisse alors derrière une une grande partie de sa vie et de ce qu’il avait créé. Une page se tourne et un long chapitre se referme.
Mais cet homme-tourbillon ne s’arrête jamais ! Après son départ de Saint-Rambert, il tombe sur un couvent abandonné à Chamelles-Sur-Lavieu ! La bonne étoile est toujours là et le voici repartie vers de nouvelles aventures ! Avec des amis, il entreprend la restauration des bâtiments.
Depuis 15 ans, anniversaire fêté en août dernier, dans le couvent de Chazelles, baptisé Cabinet de Curiosités, les expositions se suivent mais ne ressemblent pas.

L’ethnologue, archéologue, est maître des lieux et s’en donne à coeur joie pour présenter ses pièces rapportées de ses voyages. Des milliers d’objets sont ainsi mis en scène pour accueillir les visiteurs. Mais que seraient ces objets si le guide n’était pas là pour évoquer leur histoire ? Narrateur hors pair, Daniel Pouget comment, raconte, trouve toujours une petite anecdote liée à chaque objet, tableau ou sculpture, avec beaucoup d’humour. La visite est à la fois un voyage dans le temps et aux quatre coins du monde.

Comment définir cet homme ? Un humaniste, tout simplement. Un être bienveillant, attachant, généreux, plein de sensibilité, d’une extrême gentillesse et modeste malgré tout ce qu’il a réalisé. Il émane de sa personne une énergie, que je ne sais expliquer mais que j’ai ressentie. Est-ce le lieu ? Le personnage ? Peut-être le deux, je ne sais pas...
Passez de l’autre côté du versant, voyez et découvrez par vous-même l’homme et son musée.

Le Couvent - "Cabinet de Curiosités"
42560 Chazelles-Sur-Lavieu
Tél/Fax : 04 77 76 59 29
Fermeture de novembre à avril.
Visite guidée tous les dimanches à 15h.

Texte et photos Sophie Pavlic. Article paru dans CentralParc septembre 2015.

Le beau portrait consacré en 2015 à Daniel Pouget par Sophie Pavlic pour le magazine CentralParc retrace la vie peu commune d’un homme qui fut ethnologue, écrivain, conservateur de musée, « homme à tout faire » dans sa jeunesse au Musée de l’Homme à Paris. Il écrivit une bonne vingtaine d’ouvrages et réalisa deux films documentaires dans lesquels cet explorateur humaniste hors norme nous parle de sa passion.
Daniel Pouget est décédé dans la nuit du 22 au 23 octobre 2016 à Clermont-Ferrand.


Voir en ligne : Le couvent "cabinet de curiosités"