L’Ordre Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem…mais pas que !

Pèlerins, croisés, ordres religieux-militaires au Moyen-Âge, en Europe occidentale et au Moyen-Orient

Mes recherches documentaires pour écrire « la bien belle histoire » sur le web’zine Escout’Moi Voir m’ont conduit à m’intéresser à l’ordre religieux et militaire à l’origine de l’installation d’une commanderie « chef » et de la construction de l’église Saint-Martin au Bas Moyen Âge, dans la paroisse de Courtesserre, commune de Courpière.

Cet ordre, c’est celui des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem que l’on confond très souvent avec celui des Templiers.

Je me suis intéressé aux autres ordres, à leur origine, leur zone d’influence, leurs signes de reconnaissance réels ou supposés.

Pour réaliser ce travail de synthèse, j’ai consulté des ouvrages d’historiens médiévistes reconnus. (cf la bibliographie)

PÈLERINS, CROISÈS, ORDRES RELIGIEUX MILITAIRES

Chronologiquement, au Haut puis au Bas Moyen-Âge, les pèlerins, les croisés, puis les ordres religieux militaires ont été des acteurs majeurs de l’histoire, en Europe Occidentale et au Moyen-Orient.

Ils ont utilisé des signes de reconnaissance ou emblèmes pour montrer leur appartenance à une communauté, qui, avec le temps, ont été codifiés.

1- LES PÈLERINS

Au XIème siècle le pèlerinage de Jérusalem connaît un essor considérable supplantant celui de Rome.
On a coutume d’appeler les pèlerins qui se rendent à Rome sur les tombeaux de Saint-Pierre et de Saint-Paul : « romieux »
Le pèlerinage à Jérusalem est toléré par les autorités musulmanes. On a coutume de désigner les pèlerins sous le nom de « paumiers » en référence à la branche de palmier qu’ils déposent sur l’autel de l’église de leur paroisse, à leur retour.

Le troisième des grands pèlerinages est celui de Compostelle.

Les pèlerins, « jacquets », de retour de Compostelle, en Galice, « jacquets », arborent la coquille, en signe de reconnaissance et pour prouver le succès de leur entreprise.

Elle est, le plus souvent, accrochée sur leurs vêtements.

Bien avant d’être l’emblème des croisés, la croix, cousue sur les vêtements est un insigne de pèlerinage employé dans tout l’Occident.
Dans l’imagerie, le pèlerin est le plus souvent représenté avec son ample manteau, son grand chapeau. Il se déplace avec son bâton, le bourdon (1), et sa besace (2), et accessoirement sa calebasse (3) dont certaines étaient fixées sur le bourdon.

2- LES CROISÉS

La croisade, contrairement au pèlerinage qui relève d’une démarche pacifique, peut être considérée comme une entreprise militaire.

Le pèlerinage, au Saint sépulcre est devenu difficile voire impossible après la prise de Jérusalem par les musulmans à la fin du XI ème siècle.

Le pape Urbain II lors du concile de Clermont, en 1095, lance l’appel à la première croisade, bien qu’il n’en prononce jamais le nom.

Le pape incite son auditoire à s’engager devant Dieu en prononçant un vœu et en manifestant, aux yeux de tous, ce vœu par le port de la croix :

« Portez-la sur vos épaules, qu’elle brille sur vos bannières et sur vos gonfanons  ». 
Ses auditeurs entendent le message et répondent par un enthousiaste
« Dieu le veut ».

Chaque croisé est libre d’arborer la croix de son choix. Elle a pris toutes les formes et toutes les couleurs.
La plus utilisée paraît avoir été une croix latine simple, de dimensions réduites, découpée dans une étoffe de couleur rouge et cousue sur l’épaule gauche de la tunique ou du manteau du pèlerin.
On ne la voit jamais sur la poitrine du croisé, même quand c’est lui qui a pris l’initiative de sa fabrication et de sa pose.
Un tel emplacement est une invention de l’imagerie romantique du XIX ème siècle. 

Héraldique :

Les historiens médiévistes s’accordent à dire que les armoiries sont apparues dans la première moitié du XII ème siècle et qu’elles ne sont en rien dues aux croisades.

Elles ne sont donc pas présentes sur les équipements des chevaliers lors de la première croisade, peu fréquentes lors de la deuxième, elles se répandent largement durant la Troisième.

3- LES ORDRES MILITAIRES RELIGIEUX

La plupart des ordres militaires religieux sont apparus avec les premières croisades bien que certains le soient antérieurement.
Les ordres militaires religieux élèvent des établissements destinés à recueillir et à protéger les pèlerins qui s’acheminent vers les lieux saints, exposés à toutes sortes d‘épreuves et de mauvais traitements.
Leur appartenance se manifeste par l’habit, le sceau, les représentations sur les équipements militaires (bannière, gonfanon(4), étendard, boucliers, caparaçon(5)) etc.

Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem :

L’Ordre militaire et religieux des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, est apparu autour de 1100, à Jérusalem, peu après la première croisade. Frère Gérard, qui en est à l’origine, serait né vers 1047 dans la région d’Amalfi (*) en Italie.

Les Hospitaliers portent, à l’origine une croix grecque, ou une croix de Malte rouge, sur leurs vêtements blancs qui rappelle les origines de l’ordre.

Des commerçants de la cité d’Amalfi, que leurs affaires menaient à Jérusalem se sont installés dans un nouvel hôpital . Ils auraient arboré cette croix dont on attribue l’origine a la république maritime Amalfitaine.

Une étude de Guillaume de TYR et, après lui, Jean MABILLON, nous précise que les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem possédaient déjà plusieurs domaines dans le Midi de la France, longtemps avant la fin du XI ème siècle et que, par conséquent, la fondation de l’Ordre est antérieure, à Frère Gérard et à la première croisade.

Ordre des Templiers :

De l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean se détache bientôt un rameau : l’Ordre des Templiers avec un but plus exclusivement militaire.

Ils portent la croix pattée en rouge ou noir sur leurs vêtements blancs.

A sa tête Hugues de PAYENS qui obtint en 1120, du Pape HONORE II et du concile de Troyes, l’approbation de son entreprise.

Au début du XIV ème siècle les caisses de l’état sont vides et les Templiers sont de plus en plus riches. Enguerrand de MARIGNY, Conseiller du roi et Trésorier Royal, indique à celui-ci cette source inespérée de revenus que constitue le trésor des Templiers.

En 1306, pressé par le roi de France Philippe le Bel, le pape CLEMENT V demande à Jacques de MOLAY, Grand maître des Templiers, d’accepter la fusion de son Ordre avec celui des Hospitaliers. Cette fusion des deux ordres militaires est souhaitée depuis plus d‘un quart de siècle par les papes et les conciles.

Jacques de MOLAY refuse.

Le vendredi 13 octobre 1307 les Templiers sont arrêtés. Jacques de MOLAY ne réussit pas à sortir vainqueur de la procédure inquisitoriale lancée contre l’ordre.

L’ordre est supprimé en 1312, et l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem hérite de leurs biens, sauf ceux sur lesquels Philippe le Bel a mis la main.

Jacques de Molay meurt le 18 mars 1314 sur un bucher, sur l’île aux Juifs(*), île aujourd’hui disparu, ensuite dénommée île des Templiers, à l’ouest de l’île de la Cité à Paris, en même temps que Geoffroy de CHARNAY Précepteur de Normandie.

Sur le bûcher on lui attribue cette phrase restée célèbre :

«  Pape CLEMENT, Chevalier Guillaume de NOGARET, Roi PHILIPPE avant un an je vous cite à paraitre au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment : maudits, maudits, vous serez tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races. ».

Après la chute de Saint-Jean d’Acre en 1291, l’ordre des Hospitaliers se replie sur Chypre, puis sur Rhodes, appelés chevaliers de Rôdes depuis 1309, puis chevaliers de Malte de 1530 à nos jours.

Attention : la forme et la couleur de la croix portées sur les vêtements, décrits ci-après, sont celles de l’imagerie du XIX ème siècle. La représentation peut varier de celles utilisées à l’origine (cf conclusion).

Les autres Ordres :

Les Hospitaliers et les Templiers sont les ordres les plus connus. D’autres ordres apparaissent, à la même époque, dans leur sillage, au Moyen-Orient et en Europe :

- Ordre de Sainte-Marie des Teutoniques, reconnu ordre hospitalier en 1191, plus connu sous le nom d’ordre des chevaliers teutoniques. Ils portent une croix latine ou grecque noire sur leurs vêtements blancs.

- Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, ou ordre des hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem, est un ordre hospitalier fondé à Jérusalem au XI ou XII ème siècle, pour accueillir les pèlerins atteints de la lèpre. Il ouvrira ses portes aux croisés et chevaliers lépreux pendant les croisades nommés Lazarites. Les membres de l’ordre arborent une croix de Malte verte.

- Les Antonins : chanoines hospitaliers de Saint-Antoine, fondés en France aux environs de 1095. Sont devenus ordre de chanoines réguliers en 1298. Dissous en 1777, ils sont réunis à l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Les Antonins portent la croix de Saint-Antoine ou « tau ».

- Les chevaliers et chanoines de l’Ordre des Hospitaliers du Saint-Esprit, ordre fondé en 1180, à Montpellier par Guy de Montpellier. Les chevaliers et chanoines portent une croix à double branche horizontale ou croix patriarcale latine.

- L’Ordre Equestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, confrérie armée. L’ordre porte les armoiries attribuées au Royaume latin de Jérusalem, qui sont d’argent à la croix de Jérusalem d’or, mais avec l’émail de gueules, couleur de sang.

- L’Ordre de Saint-Thomas d’Acre : fondé lors de la troisième croisade, il ne recruta que des chevaliers anglais. Ses effectifs ne furent jamais très élevés. Ils portent une croix grecque simple blanche et rouge.

- L’Ordre de Livonie(****)  : est un Ordre de chevalerie représentant la branche autonome de la confédération de Livonie de l’ordre des Chevaliers teutoniques dans les pays baltes. Ils portent une croix grecque noire sur leurs vêtements blancs.

Ordres nés de la Reconquista : nom donné à la reconquête de la péninsule ibérique occupée par les Arabes :

- L’ Ordre de Santiago : ou ordre de Saint-Jacques de l’Épée est un ordre militaire et religieux catholique. Les membres de l’ordre portent la croix de Saint-Jacques de Compostelle rouge.

- L’Ordre de Montjoie : Il est créé en 1175 dans le royaume d’Aragon par un noble qui trouvait trop douce la règle de l’Ordre de Santiago. Il doit son nom à la colline où les premiers croisés ont aperçu Jérusalem. Il était initialement chargé de protéger les pèlerins en Espagne.
Les membres de l’ordre portent la croix de Malte : partie un : blanche sur fond rouge et partie deux : rouge sur fond blanc.

- L’Ordre de Calatrava : fut fondé en Castille pour aider à repousser les Maures. Ses membres portent une croix de gueule fleurdelisée noire puis rouge.

- L’Ordre d’Alcántara : est un ordre militaire hispanique fondé au XII ème siècle. Les membres de l’ordre portent une croix fleurdelisée verte.

LES DIFÈRENTES REPRÉSENTATIONS DE LA CROIX

La croix est un symbole très ancien, utilisé bien avant le christianisme.

Ci-après une liste des croix utilisées comme emblèmes des ordres militaires religieux :

- Grecque : est la forme la plus simple des croix ou chacune de ses quatre branches forme un rectangle de même dimension, placé dans le prolongement direct d’une autre branche et perpendiculaire aux deux autres.

- Latine : croix grecque dont la branche longitudinale est plus longue. Variante croix latine pattée.

- de Malte : ou croix de Saint-Jean est une croix à huit pointes qui, à l’origine, était le symbole de la république maritime Amalfitaine.

- Pattée : croix grecque dont les bras sont étroits au niveau du centre et larges en périphérie.

- Tau : ou croix de Saint-Antoine, lettre T de l’alphabet grec.

- de Saint-Jacques de Compostelle, croix grecque dont le bras horizontal est orné de fleur de lys, le bras vertical représente une épée.

-  Fleur-de-lysée ou fleurdelisée : croix grecque dont les extrémités se terminent en fleurs de lys.

- Tréflée : croix grecque, avec des trèfles aux extrémités de chaque branche.

- Patriarcale : est une variante de la croix latine. Elle comporte une petite barre, dite traverse, horizontale, au-dessus de la principale, connue actuellement sous le nom de croix de Lorraine.

- Orthodoxe : variante de la croix patriarcale. Elle comporte une traverse oblique.

- De Jérusalem : croix grecque dont chaque branche se termine par une béquille ou un tau. Elle est complétée par quatre petites croix grecques dans chacun des quadrants.

Nous pouvons compléter cette liste par d’autres formes de la représentation de la croix :

- L’ânkh ou croix du Nil, croix ansée des Egyptiens, une des formes les plus anciennes connues retrouvés sur des hiéroglyphes.

- De Saint-Pierre : croix latine inversée.

- De Saint-André : croix grecque dont les branches de longueur égale peuvent relier les angles d’un carré. Elle évoque la lettre X.

- De Saint-Georges : croix grecque dont la branche latérale est plus longue.

- Ancrée : croix grecque dont les branches se terminent en forme d’ancre

- Pommée : croix grecque dont les branches se terminent en forme de pomme.

- Swastika : croix aux bras égaux s’infléchissant selon un angle droit et tournés tous dans le même sens, habituellement le sens des aiguilles d’une montre.

CONCLUSION

La consultation de l’imagerie médiévale est souvent déroutante quant aux choix des couleurs et des emblèmes représentés, que ce soit pour les pèlerins, les croisés et pour les ordres religieux et militaires.

Ce n’est qu’à partir des XVI ème et XVIII ème siècle, et surtout au XIX ème siècle, que les illustrateurs prennent la liberté d’attribuer à chacun des couleurs, des emblèmes spécifiques différents en signe de reconnaissance et d’appartenance à une communauté.

Comment ne pas terminer notre propos par une interrogation :
Qu’en est-t-il de l’origine de la croix blanche sur fond rouge représentée sur le drapeau de la Confédération helvétique et dans son prolongement celui de la Croix Rouge, que l‘on doit à Henry Dunant où les couleurs sont inversées ?

BIBILOGRAPHIE

Barral I Altel Xavier : Compostelle, le grand chemin– Découvertes Gallimard N° 174 – 1993.
Baudoin Jacques :
- Grand livre des saints- Editions Créer – 2006.
- Croix du Massif Central –Editions Créer – 2000.
Demurger Alain :
- Croisades et croisés au Moyen Âge – Champs histoire – 2010.
- Moines et guerriers. Les ordres religieux-militaires au Moyen Âge – L’univers historique Seuil – 2010.
Galimard Flavigny Bertrand : Les Chevaliers de Malte. Des hommes de fer et de foi –-Découvertes Gallimard N° 351 – 2000.
Pastoureau Michel  :
- Figures de l’héraldique – Découvertes Gallimard N°284 - 2013.
- Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental – Points Histoire - Editions du Seuil – 2014.
Pastoureau Michel : Rouge, histoire d’une couleur – Points – Editions du seuil – 2020.
Pernoud Régine  : Les Templiers chevaliers du Christ - Découvertes Gallimard N° 260 -1995
Tate Georges : L’Orient des Croisades – Découvertes Gallimard N° 129 – 1991.

Magazine L’histoire : Le temps des croisades N° 47- juillet août 1982.
Magazine Les collections de L’HISTOIRE : Le temps des croisades – trimestriel février 1999.

LIENS UTILES :

Les différents types de croix et leur signification
Quelle est l’origine du drapeau suisse ?
Les croisades : sources, images et histoire
Histoire des Templiers

REPÈRES GEOGRAPHIQUES

(*) Île aux Juifs : île aujourd’hui disparue, ensuite dénommée île des Templiers, à l’ouest de l’île de la Cité à Paris.
(***) Amalfi : est un port italien de la province de Campanie qui se situe sur le golfe de Salerne en mer Tyrrhénienne.
(****) Livonie : a été donné pour la première fois par les croisés et pèlerins allemands aux régions conquises sur la côte de la mer Baltique (région de Riga Estonie).

GLOSSAIRE  

(1) Bourdon : bâton noueux souvent terminé par un pommeau.
(**) Besace : ou sac porté en bandoulière, qui contient l’argent ou le pain. Elle a eu plusieurs noms au cours des siècles dont celui d’escrepe.
(3) Calebasse : gourde qui est, à l’origine, une plante séchée de la famille des cucurbitacées : courges, citrouilles ou une outre.
(4) Gonfanon : ou gonfalon (en ancien français, confenons) est un morceau d’étoffe quadrangulaire, comme la bannière, ou terminé par des pointes. Il est attaché à la hampe ou au fer d’une lance.
(5) Caparaçon : pièce de tissu d’ornement et ou de protection, recouvrant les chevaux lors des cortèges ou des combats.