Règles et statuts de la Jurande des maîtres couteliers chapitre I

A lire précédemment : La coutellerie thiernoise de 1500 à 1800 - Préface

Histoire de la coutellerie thiernoise
Chapitre premier
Règles et statuts de la Jurande des maîtres couteliers
1582, 1614 et 1743

I.

L’origine de notre coutellerie se perd dans la nuit des temps. La phrase est banale, mais, historiquement parlant, elle est exacte. Impossible d’assigner une date certaine à l’introduction de cette industrie dans notre ville de Thiers. Tous nos documents, registres des délibératoires des conseils de ville, actes des paroisses, minutes des anciens Notaires, etc., tout finit, ou pour mieux dire, tout commence avec le XVI° siècle. Or, à cette époque, nous trouvons cette branche de notre commerce en pleine activité.

Si vous demandez à un Thiernois à quelle époque remonte notre coutellerie, il vous répondra infailliblement : "Au XVI° siècle". Nous pouvons hardiment dire que c’est là une erreur évidente. Elle provient sans doute de ce que nos couteliers ne formèrent un corps d’état qu’à partir de cette époque. Mais cette circonstance prouve, à elle seule, que déjà la coutellerie avait chez nous une extension grande, une importance bien établie.

Sans prétendre, comme tant d’autres, faire remonter leur noblesse (nobilitas, ce qui est connu, renommé) jusqu’aux croisades, nos couteliers peuvent, à bon droit, se dire de vieille souche.

Dans un fragment du terrier de la baronnie, qui porte la date de 1474 et 1477, que nous possédons, nous trouvons les noms de plusieurs costeliers ; et comparativement aux autres professions que cet ancien titre mentionne, nous voyons que les couteliers forment le quart environ du total des manans et habitans de la ville de Thiers y désignés. Il est possible qu’en réalité ce chiffre soit plus élevé, puisque notre document ne comprend qu’une partie de la ville.

Quoi qu’il en soit, on peut admettre aujourd’hui comme certain que, dès le XV° siècle, Thiers était une ville de commerce et de fabrique. Il faut bien admettre encore que si, au XV° siècle, les couteliers formaient une part aussi nombreuse de notre population, ce développement de notre industrie n’avait dû se manifester que progressivement, par degrés. En sorte qu’il n’y aurait pas exagération sans doute à faire remonter l’origine do notre coutellerie au XIV°, peut-être même au XIII° siècle.

Notre existence communale remonte à l’an 1272, grâce aux privilèges accordés à notre ville par Guillaume VIII, son seigneur. N’est-il pas logique de penser que ces libertés municipales durent imprimer à notre commerce, affranchi des entraves seigneuriales, une certaine activité ? Un autre indice vient d’ailleurs donner plus de poids à notre opinion.

Vers le milieu du XIII° siècle, quand la baronnie de Thiers passa au financier Crozat, et plus tard à sa fille la comtesse de Béthune, ces nouveaux seigneurs voulurent faire rendre à leur terre tout ce qu’elle était susceptible de rendre. Ils élevèrent le prix de leur ferme ; et, naturellement, le fermier, ayant à donner plus, chercha à percevoir davantage. On compulsa donc les terriers, et notamment « un ancien terrier dit de Chazeaux, écrit en latin et en lettres gothiques », en vertu duquel on crut pouvoir exiger, notamment, un droit « sur les fers et aciers » débités à Thiers. Les prétentions du seigneur parurent exorbitantes et nouvelles. La ville engagea un procès long et dispendieux qui se termina par un arrêt du parlement de Paris, favorable à Mme de Béthune.

Nous ne connaissons pas le terrier de Chazeaux ; mais son existence ancienne, et contemporaine de l’octroi des privilèges accordés à la ville, n’était pas contestée au cours du procès. Or, si réellement ce droit « sur les fers et aciers » était mentionné dans ce titre, nous pouvons dire que la coutellerie Thiernoise existait au XIII° siècle.

... Mais trêve à ces hypothèses, et rentrons dans le domaine des faits acquis, puisqu’ils sont confirmés par des documents certains.

Au mois de mai 1582, sous le règne d’Henri III, par lettres-patentes, les couteliers de Thiers furent appelés à former un corps d’état, une communauté, ou, pour mieux dire, une maîtrise, soumise à certaines règles particulières, légalement reconnues, à l’exemple des maîtrises de Paris et de Châtellerault, déjà existantes.

Si la charte originale a disparu, comme tant d’autres, de nos archives municipales, à l’époque de notre Révolution, nous pouvons du moins donner à nos lecteurs la connaissance de ce code de la coutellerie, édicté par Henri IV et confirmé en 1614 par Louis XIII, grâce à un document « imprimé en 1744 par Paul Boutaudon, seul imprimeur du roy à Clermont-Ferrand. » Nous l’avons découvert dans un sac de Procureur, parmi les pièces produites par la communauté des couteliers dans un procès au Parlement contre l’un de ses membres, pour contravention aux règles du métier.

Voici la teneur de ce document :

« -Règles et statuts pour le règlement du mestier et artizage de coustelerie, en la ville et mandement de Thiers, accordez par la commune délibération des maistres cousteliers de la dite ville et banlieue sur l’exécution des lettres de Chartres du roy Henri III du mois de mai 1582, nouvellement compilées et réformées sous le bon plaisir et autorisation de Sa Majesté et autres qu’il appartiendra et confirmées par lettres patentes du roy Louis XIII du mois de septembre 1614. »

ARTICLE Ier

« Premièrement : que chascun an, et le lendemain de Sainct Eloy, qui est le vingt sixiesme juin, seront esleus par les maîtres cousteliers ou la majeure partie d’iceux, assemblés à l’issue de la messe que les baisles de la confrérie de Sainct Eloy font dire et cellébrer à tel jour en l’église de Sainct Jean du Passet, huict visiteurs ; scavoir quatre pour la ville, et autres quatre pour ceux qui sont hors la ville et mandement du d. Thiers ; les quels auront la charge de faire garder et entretenir les règles et statutz du d. méstier, et visiter tous les ouvrages de tous les maislres qui y sont dans lad. ville paroisse et mandement, pour tenir la main à ce* que la marchandise soit loyalle et de la qualité requise. Lesquels anciens maistres, qui sortiront hors de la charge lad. année, seront soigneulx, comme estant de leur devoir, de faire prester le serment au cas requis par devant monsieur le chastellain juge ordinaire des lieux aux autres huict maistres nouvellement nommés, pour estre réceus en leur lieu et plasse et eux deschargés de leurs dittes charges.  »

II

« Feront les dits maistres visiteurs et dellégues, tous les mois, et davantage si faire se doibt selon l’exigence des cas, leur Visitation, et pour témoignage d’icelle appelèrent l’un des apparans voizins de celui qu’ils visiteront, entre les mains duquel sera mis et séquestré l’ouvrage prétendu mal faict. Feront aussi signer le procès-verbail de la d. prinse aud. voisin, et en bailleront coppie à celluy qu’ils auront vizité, sur peine de nullité des saizies et rapport et de tous despens domages et intérêts.  »

III

« Laquelle Visitation sera dès le même jour, si faire se peult, ou le lendemain, pour tout le jour des prinses qui seront faites dans la ville, el pour le regard du village dans trois jours pour le plus, rapportée en justice si l’affaire le mérite, pour estre promptement et sur le champ faict droict, après avoir ouy sommairement les parties et tesmoins si besoing est, sans régler les parties en forme de procès ordinaire. »

IV

« La table de plomb et Matricule, dans laquelle sont immatriculées et plaquées les marques de tous les maistres cousteliers, demeurera en dépôst en la maison du plus ancien et premier maistre qui sera habitant de la ville, afin d’y avoir recours quand besoing sera ; laquelle table fermera soubs cinq clefs qui seront deslivrées et gardées par les autres jurés de la ville et deux du village et mandement ; et ne s’ouvrira le dit plomb qu’une fois l’année, et ce à chascun premier jour de may pour y placquer et engraver les marques des maistres qui auront esté reccus l’année précédente, si n’est qu’il survient quelque cause urgente et nécessaire pour faire la dicte ouverture.  »

V

« Et ne permettrons les dits maistres visiteurs que ceux qui seront receus ayent des marques semblables ou approchantes de celles des outres maistres cousteliers, ains seront distinctes et séparées et différentes les unes des autres, sans qu’il soict loisible à aucun des dits maistres de battre ny contrefaire les marques des autres, sur peine de faux, amende arbitraire et confiscation des marchandises qui seront marquées de marques contrefaites suivant les dites lettres de Chartres.  »

VI

« Tous jeunes hommes qui vouldront apprendre le dit mestier, et acquérir le degré de maîtryse en icelluy, seront tonus de faire leur aprenlissago durant le temps de cinq ans, sans que les maistres sous lesquels ils feront icelluy les en puissent dispenser ou diminuer le dit temps en faveur des prix extraordinaires et excessifs qu’ils leur pourroient faire payer pour leur dit aprentissage, pour à quoy esviter l’on n’aura auscun esgard aux obligations d’aprentissage si elles ne sont faictes et passées en présence d’un des maistres visiteurs de la dite année et insérées dans un registre particulier qui à cet effet sera tenu par le plus ancien ou premier maistre visiteur de la dite ville ; et le temps de cinq ans pour les aprentissages ne commencera à courir que dès le jour que les obligations seront inscriptes dans ledit registre, et ce pour esviter les fraudes que les maistres commettroient en la réception de leurs aprentifs ; lesquels bailleront pour leur droit d’entrée audit mestier trois livres, employantes au divin service ; de laquelle somme les maistres qui recevront lesdits aprentifs demeureront responsables envers les baisles du dit mestier, sauf leur recours contre les dits aprentifs.  »

VII

« Lesquels feront le dit aprentissage soubs un mesme maistre, ou sa vefve exerceant le dit mestier, sans intermission si les maistres ou vefves ne déceddent durant icelluy, auquel cas ils achèveront leur aprentissage soubs un autre maislre, sur peine d’estre déclarés deschus du droit do maitrize, duquel aprentissage les dits maistres seront tenus de leur bailler acquit passé par devant notaire, ou acte publique à la première requeste qui leur en sera faicte, sur peine de quinze livres d’amende. »

VIII

« Et si les dits aprentifs viennent à interrompre leur aprentissage et quitter leurs maistres sans cause légitime, tels aprentifs ne seront receus et mis en besogne par autres maistres à peine de trente livres d’amende tant contre cellui qui les recebvra que contre les d. aprentifs. »

IX

« Nul des dits maistres ne pourra recepvoir et tenir qu’un aprentif qui sera prins de la ville ou mandement dudit Thiers, et ores qu’ils soyent deux ou trois maistres demeurant en une mesme, boutique ne pourront qu’avoir un aprentif et frapper une seule marque en leurs ouvrages tant qu’ils demeureront par ensemble, à peine d’amende arbitraire ; sans en ce comprendre les pauvres orphelins de l’hôpital de la Trinité qui seront colloques à la réquisition des recteurs du dit Hostel-Dieu par ordonnance du Juge et de l’advis des maistres
visiteurs du dit estat.
 »

X

« Lesquels aprentifs oultre le temps de leur aprentissage seront tenus servir leurs dits maistres ou autres dudit mestier trois ans, et en feront apparoir comme dessus auparavant qu’estre receus à la maitrize.  »

XI

« Et après faisant apparoir par obligation et certificat d’avoir accompli et parachevé leur aprentissage et service, pourveu qu’ils ayent atteincts l’aage de vingt quatre ans, seront receus à faire chefs-d’oeuvres par les maistres visiteurs à la première sommation qui leur en sera faicte, lequel chefs- d’oeuvre se fera, tant de ceulx de lad. ville que mandement, en la maison et boutique de l’un des maistres visiteurs d’icelle ditte ville en présence desdits maistres. »

XII

« Ledit chef d’oeuvre ou expériance sera à forger, esmoudre, et garnir, ou, pour le moins des trois en faire deux, qui est de forger et garnir, ou forger et esmoudre, et à leur choix, et en chascune desdittes deux sortes d’expériance ; il travaillera une journée entière en présence desdits maistres visiteurs, et pour faire les dittes preuves de leur suffizance seront tenus prendre leur fer ou acier à la barre affin que la capacité de celluy qui voudra estre receu soit mieux recogneue. »

XIII

«  Ne seront prins pour lesdittes réceptions ny exigé aulcuns deniers fors la somme de dix sols à chascun des maistres visiteurs pour chascun jour qu’ils auront assisté à visiter lesdits chefs d’oeuvres et expériance desdits compaignons, et la somme de cinq livres pour les droits anciens et accoustumés qui sera mize dans la bource commune affin d’estre employée de l’advis du corps commung dudit mestier aux affaires nécessaires et charitables d’icelluy.  »

XIV

«  Les fils des maistres dudit artizage qui désireront parvenir à ladite maitrize n’auront plus grand privillége que les autres aprentifs, si ce n’est qu’ils pourront estre receus à l’aage de vingt-un ans, pourveu qu’ils ayent travaillé quatre années durant audit art et mestier aveq leurs pères ou aultres maistres dudit mestier, duquel service ils feront apparoir par certificat comme dessus tant en entrant que sortant, et de ne payer que cinquante sols pour leurs dittes réceptions qu’est la moitié de cinq livres que les autres compagnons seront tenus do bailler pour les droits d’entrée dudit estât, et la somme do trente sols pour leur droit d’entrée audit mestier employable au divin service lorsqu’ils feront eur aprentissage sous la puissance de leurs pères ; demeurans pour le surplus astraints et subjets aux susditles règles, ainsy et de mesme que les aultres compaignons et aprentifs dudit mestier.  »

XV

« Nuls maistres ne pourront faire travailler, fabriquer et frapper de leur marque en quelque façon que ce soit ailleurs que en leur dommicille, à peine de confiscation des ouvrages marqués de leurs marques qui se trouveront avoir esté faicts ailleurs que en leur dit dommicille et d’amende arbitraire, sauf et réservé l’esmoullure qui n’est comprise aud. article..  »

XVI

« Ne pourront lèsdits maistres envoyer leurs aillmelles au rouhet pour icelles faire esmoudre qu’elles ne soyent suffisamment marquées de leur marque, à peine de confiscation et d’amende arbitraire ; pareillement lesdits esmouleurs ne recepvrons les allemelles qu’elles ne soient marquées de la marque de celluy qui les leur baillera à peine d’en répondre en leur nom propre et privé. »

XVII

« Ne pourront aussy nuls maistres cousteliers et esmouleurs recepvoir aulcuns ouvrages de coutellerie étrangère et faicte hors la ville et mandement, pour les laver, esmoudre et façonner à la façon des ouvrages faicts en lad. ville et mandement, que ce ne soit par la permission des maistres visiteurs, sur peine de confiscation desdits ouvrages et d’amende arbitraire. »

XVIII

« Les Vefves des maistres pourront contignuer ledit art et mestier et faire frapper et marquer leurs ouvrages des marques de leurs feus maris ; tant qu’elles demeureront en viduité seuilement, et pourveu qu’elles ayent des enfants de deffunts leurs maris. »

XIX

« S’il survient quelque différent entre lesdits maistres visiteurs, leurs serviteurs ou aprentifs, il sera vuidé amiablement par lesdits visiteurs sans estre sallariés si faire se peut, si non auront recours au juge ordinaire, lequel y procédera sommairement, y appelés deux ou trois desdits visiteurs si besoing faict.  »

XX

« Et attendu le grand nombre des marques desdits maistres couteliers, et qu’il est difficile d’en faire de nouvelles qu’elles ne soyent semblables ou approchantes, seront soigneulx lesdits maistres visiteurs de chercher et s’enquérir des marques qui seront en vente affin d’icelles faire achepter par les nouveaux maistres, lesquels ne pourront faire engraver de nouvelles marques dans ledit plomb que au préalable celles qui se trouveront en vente ne soient vendues.  »

Telles étaient les dispositions de ce code primitif de la coutellerie thiernoise. Pour le rendre aussi complet que possible, il convient d’insérer ici, à la suite du document ci-dessus visé, certaines mentions spéciales que nous trouvons dans les lettres-patentes du 9 janvier 1668 portant réunion des hôpitaux de la Trinité, de la Charité et des pauvres étrangers en un seul et même établissement appelé Hôpital-Général, et contenant le règlement de cette maison.

Nous lisons dans ce document :

« Parce qu’il est important pour les magnufactures que les administrateurs (de l’Hôpital-Général) y appellent des artisans qui montreront auxdits pauvres leurs arts et métiers, affin que ceulx qui y auront esté choiziscy portent aveq plus d’affection, nous voulions et ordonnons qu’après avoir travaillé six ans et recogneus avoir bien instruit lesdits pauvres en leurs art et mestier, ils puissent estre prézentés par lesdits administrateurs au juge ordinaire et procureur fiscal, sellon que par les arrêts et règlements, recognoissance desdits arts et mesliers leur est attribuée, pour estre receus maistres es dits arts et mestiers auxquels ils y auront vaqué et instruit lesdits pauvres, comme réputés suffisans et capables.
Comme aussy voulions que lesdits administrateurs leur puissent prézanter lesdits pauvres qui auront esté ainsy instruits es dits arts et mestiers et y auront servy pareil temps de six ans pour estre pareillement receus maistres, tenus et réputés suffizans et capables, sans faire par eulx, ny par ceulx qui les auront instruits, aucun chef d’oeuvre, banquet, don et frais au tel cas accoustumés : et en conséquence jouyront des privilléges frranchizes libertés d’yceux arts et mestiers : sans touttefois que de ceulx qui auront esté instruits desdits pauvres ou des autres il en puisse estre prézanté plus d’un de chascun art et mestier chascun an.
Que si ledit hospital venoit à estre surchargé des enfants qui y seront receus, pourront lesdits administrateurs les mettre en mestier chez les maistres aux
meilleures conditions quy ce pourra pour lesdits enfans, sans que lesdits administrateurs soyent tenus de payer aulcune chause pour le brevet ou petites lettres d’aprentissage qui seront délivrées auxdits enfans.
 »

Ainsi les lettres-patentes de 1668 introduisaient un nouveau mode d’arriver à la maîtrise en dehors des conditions habituelles, au profit d’une certaine catégorie de personnes. Elles confirmaient d’ailleurs, quant à l’apprentissage des enfants des hospices, l’usage consacré déjà par les statuts que nous connaissons.

Enfin, il ne faut pas oublier que, outre ces moyens d’arriver à la maîtrise, les Rois s’étaient réservé le droit de créer directement en vertu de leur bon plaisir un nombre déterminé de maîtres dans les communautés des arts et métiers établies dans le royaume, à certaines époques mémorables de leur règne, telles que : avènement, sacre, mariage, naissances de princes, etc., etc.

Pour être plus complet encore, disons, d’après ce qui résulte pour nous de tous les documents compulsés un peu partout, que l’élection des maîtres jurés-visiteurs avait lieu tous les ans, à l’époque indiquée, dans la salle du Saint-Esprit, dans une assemblée générale des maîtres couteliers, en présence d’un Notaire qui rédigeait l’acte constatant cette élection. Nulle assemblée ne pouvait avoir lieu sans la permission verbale du châtelain. Outre les quatre maîtres visiteurs pour la ville, on en élisait quatre pour la banlieue divisée à cet effet en quatre circonscriptions ainsi dénommées :

  • Quartier de Mambrun ou du haut de Thiers,
  • Quartier de Celle,
  • Quartier de Saint-Remy,
  • Et quartier de Paslières.

Après l’élection des maîtres jurés visiteurs avait lieu celle des conseillers du métier, dont les attributions ne sont définies nulle part. Nous savons seulement qu’ils étaient au nombre de douze, y compris les quatre maîtres visiteurs sortants, lesquels, pendant l’année qui suivait leur sortie de charge, recevaient, de droit, ce titre honorifique.

On élisait encore deux auditeurs des comptes que devaient rendre les officiers sortants de charge ; enfin, chaque année, à la même époque, et par le même acte, avait lieu l’élection d’un baile de la confrérie de Saint-Eloy ; et, de temps à autre, sous le nom de Baile des garçons, celle d’un maître chargé plus spécialement de représenter les compagnons et apprentis du métier, quelquefois aussi on nommait un porte-bannière de Saint-Eloy.

II.

L’état de choses créé, ou plutôt confirmé, par les statuts de 1582 et de 1614, se maintint jusques en l’année 1745. A cette époque intervient un nouveau règlement des ouvrages de quincaillerie et de coutellerie qui se fabriquent dans la ville de Thiers et lieux circonvoisins, par lettres-patentes données à Versailles le 24 décembre, de ladite année ; enregistrées in extenso dans le registre des délibérations de l’hôtel de ville ; et qui doivent trouver naturellement place dans notre ouvrage. Ces lettres sont ainsi conçues :

« Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes verront, salut :
Les précautions prises par les anciens règlements pour les ouvrages de quincaillerie qui se fabriquent en la ville de Thiers et lieux circonvoisins n’étant point suffisantes pour établir la règle et le bon ordre dans cette fabrique, et assurer la bonne qualité desdits ouvrages, il a paru nécessaire d’y ajouter de nouvelles dispositions et d’y pourvoir par un nouveau règlement.
A CES CAUSES, de l’avis de notre conseil, qui a vu et examiné ledit règlement de ce jourd’huy contenant trente quatre articles cy attachés sous le conlre-scel de notre chancellerie, nous avons par ces présentes signées de notre main, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, confirmé et autorisé, confirmons et autorisons ledit règlement pour les ouvrages de quincaillerie et coutellerie qui se fabriquent dans la ville de Thiers et lieux circonvoisins, voulant qu’il y soit gardé, observé et exécuté de point en point, selon sa forme et teneur. Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenans notre cour de Parlement à Paris que ces présentes ils aient à faire lire, publier et registrer et le contenu en icelles garder, observer et exécuter selon sa forme et sa teneur : car tel est notre plaisir. En témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes données à Versailles le vingt-quatrième jour de décembre de l’an de grâce mil sept cens quarante-trois, et de notre règne le vingt-neuvième. Signé Louis ; et plus bas : par le Roy : Phelypeaux. Vu au conseil : Orry ; et scellées du grand sceau de cire jaune.
 »

Suit la mention de l’enregistrement au Parlement du 2 juillet suivant.

« RÈGLEMENT »

« ARTICLE PREMIER. — Les maîtres couteliers de la ville de Thiers et lieux circonvoisins seront tenus de faire leurs lames de quincaillerie d’acier de Rives et autres de bonne qualité. Leur fait Sa Majesté défenses d’y employer aucuns mauvais aciers ; comme aussi aux Marchands et à tous autres d’en vendre et exposer en vente d’autres que des quartés ci-dessus, à peine contre les uns et les autres de confiscation et de deux cents livres d’amende.

II. — Fait aussi Sa Majesté défenses aux maîtres couteliers de contrefaire la marque des autres maîtres, à peine de confiscation de leurs marchandises marquées desdites marques contrefaites, de deux cents livres d’amende, et les maîtres, pris en contravention, d’être déchus pour toujours de leur maîtrise et du commerce de la quincaillerie.

III. — Il est enjoint au Juge de la ville de Thiers de procéder incessamment, si fait n’a été, à la réformation des marques dont chaque maître de la Jurande se sert pour marquer ses ouvrages, conformément à l’arrêt du conseil du onze juillet 1750. Ordonne, Sa Majesté, que les marques ainsi réformées et celles qui seront approuvées avec leurs anciennes figures seront frappées sur une table d’argent, qui demeurera en dépôt au greffe de la Justice de Thiers, et sera enfermée dans une caisse sous trois clés, dont une restera entre les mains du Procureur d’office et les deux autres en celles des deux premiers visiteurs.

IV. — Pour prévenir tous les inconvénients qui peuvent naître de la ressemblance qui se trouve entre plusieurs anciennes marques, ordonne, Sa Majesté, au Juge de Thiers, en procédant à ladite réformation, de supprimer, de l’avis du Procureur d’office, toutes celles auxquelles il ne sera pas possible de faire assez de changement pour qu’elles ne puissent pas être confondues avec d’autres marques ; à la charge néanmoins par le maître dont la marque sera conservée, et qui aura donné lieu à ladite suppression, de dédommager les propriétaires des marques ainsi supprimées, suivant l’estimation qui en sera faite par experts nommés sur-le-champ ou pris d’office sur le refus des parties d’en convenir à l’amiable ; dont il sera fait mention dans les procès-verbaux de réformation desdites marques ; et seront les ordonnances rendues en conséquence par ledit Juge, exécutées par provision et sans préjudice de l’appel.

V. — Fait Sa Majesté défenses auxdits maîtres couteliers, et à tous autres de la jurande, de faire à l’avenir aucunes lames de quincaillerie, sans y employer de l’acier, même sous prétexte que lesdites lames leur auroient été demandées sans aucun mélange d’acier, à peine de confiscation, de deux cents livres d’amende et d’être pour toujours déchus de la maîtrise. Fait pareillement défenses à tous Marchands et Colporteurs d’en vendre et acheter sous les mêmes peines de confiscation et de deux cents livres d’amende...

VI. — Ne pourront lesdits maîtres couteliers de la ville de Thiers et de la campagne faire monter, à l’avenir, leurs ciseaux sans être marqués de leurs marques à l’endroit ordinaire, qui est sur les lames, ni les marquer sur le talon, c’est-à-dire, sur la partie de la lame où l’on pose le clou, s’ils ne sont pas aussi marqués sur les lames, à peine de confiscation et de cent livres d’amende tant contre les fabricants que contre les Marchands et Colporteurs qui s’en trouveront saisis.

VII. — Ne pourront aussi, lesdits maître ;, couteliers, envoyer leurs lames de quincaillerie de quelque espèce qu’elles soient à l’Émouleur, qu’elles ne soient
suffisamment marquées, à peine de confiscation et de cent livres d’amende.

VIII. —Fait Sa Majesté défenses aux Èmouleurs de recevoir lesdites lames qu’elles no soient marquées de la marque de celui des maîtres couteliers qui les leur donnera, à peine de répondre en leurs propres et privés noms desdites confiscations et des amendes prononcées par l’article cy-dessus.

IX. — Fait pareillement Sa Majesté défenses aux-dits maîtres couteliers de faire marquer leurs lames de quincaillerie hors de leurs maisons, comme aussi de confier le coin de leurs marques à leurs forgerons et à leurs trempeurs, à peine de confiscation et de cent livres d’amende.

X. — Dans le cas où la partie des marques qui resterait empreinte sur les lames après l’émouture, auroit quelque ressemblance à d’autres marques, lesdites lames ainsi effacées ne pourront être remises aux maîtres qui les auront fabriquées, que du consentement de ceux, aux marques desquels lesdites marques effacées pourroienl ressembler, lesquels maîtres auront le choix d’en permettre la remise à ceux qui auront fabriqué lesdites lames ainsi effacées, ou de les garder pour leur compte au prix qui en sera réglé sur-le-champ et sans frais par le Juge de Thiers, en présence et de l’avis du Procureur d’office, comme aussi des jurés visiteurs qui auront saisi lesdites lames.

XI. — Fait Sa Majesté défenses aux martinaires d’étirer le fer de la façon et figure de l’acier ; comme aux marchands, aux couteliers, et à tous les autres de le vendre et exposer en vente ainsi étiré, à peine contre les uns et les autres des contrevenans de confiscation et de cent livres d’amende.

XII. — Défend aussi Sa Majesté à tous marchands de fer et d’acier, d’exploiter par eux-mêmes et de faire exploiter pour leur compte aucuns martinets ou moulins à étirer le fer et l’acier, comme aussi de stipuler, par quelques actes et sous quelque prétexte que ce soit, avec les locataires desdits martinets ou moulins, aucune préférence pour l’étirage du fer et de l’acier de leur commerce particulier, à peine de cent livres d’amende. Enjoint Sa Majesté au Juge de Thiers d’y tenir la main, et de taxer sans frais les droits d’étirage, dans le cas où les martinaires voudroient abuser du besoin que les commerçans et fabriquans de quincaillerie pourraient avoir de leur travail.

XIII. — Ordonne Sa Majesté que tous les propriétaires des marques anciennes de la quincaillerie de là ville de Thiers et lieux circonvoisins ; qui ne sont point couteliers, seront tenus de vendre leurs marques à ceux des particuliers qui auront acquis la maîtrise et qui désireront d’acheter lesdites marques ; et en cas de contestation sur le prix de la vente desdites marques, veut Sa Majesté que l’estimation en soit faite par des arbitres dont on conviendra par devant le Juge de la ville de Thiers, sans frais ; et cependant fait défenses aux propriétaires desdites marques anciennes qui ne sont point maîtres couteliers, de les prêter à aucuns ouvriers, à peine de deux cents livres d’amende et de confiscation des marchandises qui se trouveront marquées de ces marques prêtées.

XIV. — Lesdits couteliers seront tenus de procéder tous les ans, à compter du premier décembre jusqu’au 15 dudit mois, à la nomination de huit jurez visiteurs, mais de manière que d’année en année, il en reste toujours quatre anciens pour instruire les nouveaux ; lesquels jurez entreront en exercice au premier janvier de chaque année, et prêteront le serment sans frais devant le Juge de Thiers de bien et dûement exercer leur commission.

XV. — Seront tenus lesdits jurez visiteurs de faire la visite chez les autres maîtres couteliers, comme aussi chez les émouleurs et martinaires, tous les quinze jours, et plus souvent s’ils le jugent à propos, de dresser des procès-verbaux de contravention, et de les remettre dans les vingt-quatre heures entre les mains du Procureur d’office, pour sur ses conclusions être prononcées par le Juge de Thiers les confiscations et autres peines encourues par les contrevenans.

XVI. — Ordonne Sa Majesté aux marchands en gros et en détail de la quincaillerie, même aux marchands étrangers qui viennent en la ville de Thiers acheter do la quincaillerie, et à tous fabriquais, émouleurs, martinaires et ouvriers de la jurande, de souffrir la visite de l’inspecteur des manufactures et des jurez visiteurs dans leurs boutiques, magasins et autres lieux de leurs maisons, où ils peuvent recevoir et acheter des ouvrages en contravention, et cela sans délai, à la première réquisition qui leur en sera faite, à peine en cas de refus sur les procès-verbaux qui en seront dressez, de deux cents livres d’amende, et de plus grande peine s’il y échoit ; seront tenus lesdits jurés de se faire accompagner du Juge ou du Procureur d’office lorsqu’ils seront en visite chez lesdits marchands.

XVII. — Les lames de quincaillerie qui auront été saisies seront déposées au greffe de la Justice de Thiers, dans le jour que la saisie en aura été faite.

XVIII. — Aucuns particuliers ne pourront être admis à faire leur apprentissage, qu’ils n’ayent au moins douze ans accomplis : ordonné Sa Majesté qu’ils seront tenus, avant d’entrer chez leurs maîtres, de passer brevet, en présence du premier Juge de Thiers, du Procureur d’office, et de deux jurez visiteurs en exercice, et que lesdits brevets seront ensuite enregistrés dans le registre qui sera tenu à cet effet par les jurés visiteurs, en payant dix sois auxdits jurés visiteurs, et trois livres aux bailes de leur confrérie, pour être employés aux divins offices ; duquel droit de confrérie les émouleurs et les forgerons seront exceptés ; et au défaut de brevet et d’enregistrement, il ne pourra y être suppléé par aucuns autres actes ni procédures équipolentes ; faisant Sa Majesté défenses de recevoir aucune preuve par témoin, pour établir que l’aspirant est en état d’être reçu à la maîtrise.

XIX. — Tous les registres de la communauté desdits maîtres couteliers, dont les feuillets seront cottés et paraphés sans frais par le Juge de la ville de Thiers, seront tenus à l’avenir sur papier non timbré ; les actes de nomination des jurés visiteurs seront aussi faits et transcrits sur papier non timbré.

XX. — Le temps de l’apprentissage sera de cinq années consécutives, pendant lesquelles l’apprentif sera tenu de demeurer chez son maître et. de le servir fidèlement ; et en cas que quelques apprenlifs viennent à quitter leurs maîtres avant le temps desdites cinq années accomplies, sans une cause légitime, ils n’acquerront aucun droit pour parvenir à la maîtrise, et leurs brevets seront et demeureront nuls et rayés du registre desdits jurez visiteurs.

XXI — Après les cinq années d’apprentissage, les apprentifs seront encore obligez, avant de pouvoir être admis à la maîtrise, de travailler pendant trois années en qualité de compagnons chez un maître ou de la même jurande ou d’autres jurandes du royaume, duquel service il sera justifié, savoir, pour ceux qui auront travaillé dans le mandement de Thiers par la déclaration des maîtres qu’ils auront servis, et d’un juré visiteur de chacune desdites trois années, et pour ceux qui auront travaillé dans d’autres jurandes par des attestations en bonne forme.

XXII. — Dans le cas où les apprentifs seront fondés à porter leurs plaintes contre les maîtres qui les maltraiteraient, les nourriraient mal ou les employeroient à des ouvrages étrangers à leur métier, ordonne Sa Majesté au Juge de Thiers de décider sommairement et sans frais sur les plaintes desdils apprentifs ; et s’ils se trouvent dans le cas de changer de maître, ledit Juge le permettra, en ordonnant que le temps que lesdits apprentifs auront déjà employé chez leurs premiers maîtres sera compté sur celui qu’ils doivent employer à leurs apprentissages, dont il sera fait une note sur les brevets par ledit Juge ou par le Procureur d’office.

XXIII. — Lorsque les apprentifs auront fait apparoir qu’ils ont accompli et achevé le temps de leurs apprentissages et services en qualité de compagnons, ils seront admis à faire le chef-d’oeuvre en présence des quatre jurez visiteurs en exercice, et de quatre autres maîtres couteliers qui seront choisis par le Juge de Thiers pour être présents audit chef-d’oeuvre ; l’approbation de trois de ces quatre maîtres choisis sera nécessaire pour la validité dudit chef-d’oeuvre, outre celle des quatre jurez visiteurs : enjoint Sa Majesté au Juge de Thiers d’être présent aux travaux desdits chefs-d’oeuvre, sans frais.

XXIV. — Il est fait défenses aux maîtres couteliers reçus sur un chef-d’oeuvre de couteaux, de fabriquer à l’avenir des ciseaux, comme aussi à ceux reçus sur un chef-d’oeuvre de ciseaux, de fabriquer des couteaux, à peine de confiscation et de deux cents livres d’amende ; sauf à tel desdits maîtres couteliers à demander d’être admis à faire un nouveau chef-d’oeuvre de l’espèce d’ouvrage dont il n’aurait pas fait lors de sa réception à la maîtrise.

XXV. — Les fils de maîtres, qui auront demeuré et travaillé jusques à l’âge de vingt ans accomplis chez leurs pères ou chez leurs mères veuves, faisant fabriquer de la quincaillerie, seront réputez avoir fait leurs apprentissages, et pourront être reçus au chef-d’oeuvre, sans avoir travaillé comme compagnons chez d’autres maîtres, en justifiant par la déclaration des jurés visiteurs en charge, qu’ils auront travaillé effectivement, au moins pendant six ans, chez leurs pères ou mères veuves, en payant la moitié des droits réglés pour la communauté et pour la confrérie, conformément à l’article XIV dés anciens statuts.

XXVI. — Les veuves des maîtres couteliers, jouiront des droits de leurs maris, et pourront continuer de faire fabriquer dé la quincaillerie, tant qu’elles resteront en viduité, et qu’elles vivront avec leurs enfants, ou l’un d’eux, sans pouvoir néanmoins avoir d’autres apprentifs, que ceux qui auraient commencé*leurs apprentissages sous leurs défunts maris ; et au cas qu’elles se séparent volontairement de tous leurs enfants ou qu’elles se marient, elles seront déchues desdits droits et privilèges de la maîtrise.

XXVII. — Les apprentifs qui seront reçus maîtres seront tenus de prêter serment pardevant le Juge do Thiers, comme aussi de se faire inscrire dans le registre ou tableau des maîtres couteliers, et de retirer les actes de leurs inscriptions, signés des Juges et des gardes jurez, en payant pour les droits desdits Juges six livres dix sols, pareille somme pour la communauté, et huit livres aux jurez visiteurs pour le temps qu’ils employent au chef-d’oeuvre et à la réception.

XXVIII. — Les sommes qui seront payées pour l’enregistrement des brevets, pour les droits de réception à la maîtrise et pour les amendes, seront reçues par les jurez visiteurs en charge, lesquels en tiendront registre paraphé par le Juge : ordonne Sa Majesté que lesdites sommes seront employées aux affaires de la communauté desdits maîtres couteliers, et que lesdits jurez en rendront un fidel compte, au plus tard dans trois mois après leur exercice, sans frais, en présence dudit Juge, des nouveaux jurez visiteurs et des quatre plus anciens maîtres nommez par ladite communauté, à peine de deux cens livres d’amende qui ne pourra être remise ni modérée sous quelque prétexte que co soit ; ordonne en outre que lesdits jurez sortant de charge remettront les deniers qui se trouveront en leurs mains aux autres jurez visiteurs qui leur succéderont, ce qui sera exécuté d’année en année.

XXIX. — Défend Sa Majesté aux jurez visiteurs de prendre ni recevoir des apprentifs reçus à la maîtrise aucuns présents, ni autres et plus grands droits que ceux fixez par le présent Règlement, pour quelque cause et sous quelque prétexte que co soit, à peine de restitution et de deux cents livres d’amende ; comme aussi auxdits apprentifs de donner aucuns repas aux jurez visiteurs ou aux autres maîtres couteliers, à peine de nullité de leurs réceptions.

XXX, — Les maîtres couteliers et ouvriers, habitons des lieux situez à cinq lieues de la ville de Thiers, reconnoîtront ladite ville pour le chef-lieu, et le Juge de Thiers pour le juge de tout ce qui concerne la police de leur fabrique ; ils souffriront aussi les visites de l’inspecteur des manufactures et des jurez visiteurs de Thiers, aux peines portées par l’article XVI du présent Règlement. Ordonne Sa Majesté que ledit Juge de Thiers connoîtra privativement à tous autres juges des différens mus et à mouvoir, tant entre lesdits couteliers et les ouvriers, qu’entre lesdits marchands et les couteliers, pour raison de saisies, contraventions aux règlements, ou autres matières concernant la police de ladite fabrique ; leur en attribuant pour cet effet, Sa Majesté, toute juridiction et connoissance,, et icelles interdisant aux juges desdits lieux, à peine de nullité de leurs jugements. Ordonne en outre que les procez seront instruits et jugez sommairement par ledit Juge de Thiers à l’audience, et où il y aurait quelques pièces à voir, ou que les différens fussent de nature à ne pouvoir être décidez sur-le-champ, les pièces seront mises sur le bureau, pour être lesdits procez jugez sons appointemens, procédures ni autres formalités de justice, et sans que pour quelque cause que ce puisse être, ledit juge puisse recevoir aucuns droits, sous prétexte d’épices ou vacations, ni le greffier aucuns autres droits que les deux sols seulement par chaque feuillet des sentences qu’il expédiera.

XXXI. —Les lames des couteaux et ciseaux dont la confiscation aura été ordonnée seront brisées sur une enclume, en présence de l’un des Juges de Thiers et des jurez visiteurs.

XXXII. — Les amendes qui seront prononcées pour les contraventions faites au présent règlement, seront appliquées, savoir : un tiers au profit de Sa Majesté, un tiers au profit du corps des couteliers de Thiers, et l’autre tiers au profit des pauvres de l’Hôpital de ladite ville de Thiers.

XXXIII. — Ordonne Sa Majesté que les peines portées parle présent règlement seront prononcées, sans qu’elles puissent être remises ni modérées, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit, à peine par ledit Juge de Thiers de répondre en son propre et privé nom des amendes et confiscations qu’il auroit dû prononcer.

XXXIV. — Le présent Règlement sera inscrit et enregistré tant sur le registre de la Justice de Thiers que sur celui de l’Hôtel-de-ville, publié et même affiché dans toutes les paroisses limitrophes de la ville de Thiers : ordonne au surplus Sa Majesté que les anciens statuts de ladite jurande seront exécutés en tous les points auxquels il n’est point dérogé parle présent Règlement.  »

À suivre : Règles et statuts de la Jurande des maîtres couteliers chapitre II - I. Appréciation de ces deux règlements. — II. Atteintes passagères portées aux privilèges de la Jurande à diverses époques.

Monographie imprimée, éditée à Clermont-Ferrand en 1863. Texte disponible dans intégralité sur le site de Gallica.