Un pamphlet
Mais est-ce un pamphlet ? Un pamphlet, c’est quelque chose d’important, c’est un écrit qui attaque souvent violemment une institution ou un pouvoir, éventuellement une personne. Ce que je veux développer là est plutôt un constat, un questionnement à notre époque, à notre monde. C’est envers notre Société en général que j’entretiens parfois une certaine rigueur, pour ce monde peut-être truqué et borné dans lequel nous vivons, pour ces guerres à nos portes. On entend souvent l’expression : ‘’c’était entre les deux guerres’’. Sommes-nous dans ce cas de figure ? La réponse est oui ! En Europe, il y a la guerre : en Ukraine et en Russie, de l’autre côté de la Méditerranée, en Israël et en Cisjordanie, le Liban est un pays en perdition, certains pays d’Afrique connaissent des luttes permanentes de peuples et d’ethnies et dans bien des pays, cette liste n’est malheureusement pas exhaustive.
Mais qu’est-ce qui pousse les peuples à se déchirer, à s’entretuer ? Serions-nous toujours dans un monde qui serait d’avance mort-né et dans l’attente de « la prochaine ? » Certains peuples ne sont pas guéris de leurs blessures que déjà ils entrent dans de nouveaux conflits (ou les subissent). Pour les gens de ma génération, je me souviens encore des conversations de mes parents chez des amis, c’était 6 ans après la fin de la guerre, ils évoquaient les découvertes des camps de concentration, l’horreur d’Auschwitz (entre autres lieux), les exactions des nazis et tous les témoignages des survivants et des récits des soldats, marqués à jamais par des visions et des souvenirs cauchemardesques.
Dans notre beau pays de France, les premières années de l’après-guerre furent difficiles dans les milieux modestes en particulier, pour les enfants que nous étions à la
fin des repas les desserts étaient rares et souvent maigres. Par la force des choses nous nous adaptions ; Il faut dire que l’autorité parentale n’était pas un vain mot : pour un pet de travers ou cinq lettres de trop on était remis dans le droit chemin illico ! C’était un temps où il n’était pas rare qu’on nous montra accrochée au mur la croix de guerre que le grand père avait gagnée au Chemin des Dames avec citation à l’appui ! Depuis, nos pères et grands frères avaient remis ça en changeant le bleu en kaki, passant de la Madelon à Marlène ! Mais toujours partant la fleur au fusil (enfin presque !) Nous les enfants, en suçant des bonbons (les jours de bombance) nous allions jouer du révolver, les bouchons sortant des canons : et pan et pan, c’était notre drôle de guerre, nous n’avions pas encore 10 ans ; autour de nous, il était toujours question de combats, de batailles. Certains de ceux que nous connaissions marnaient en Indochine, passant de rizières en civières, et ce, depuis fin 1946, il a fallu attendre 8 ans pour voir l’arrêt des combats pour nous mais pas pour eux hélas ! Ce conflit aura fait en son temps 500 000 victimes dont 150 000 civils, il avait débuté un an après la fin de la seconde guerre mondiale. Mais il serait injuste de ne pas mentionner que parmi ces hommes il y avait souvent de vrais héros, je dis ‘’vrais’’ car je suis aussi irrité quand j’entends les commentaires de journalistes de télé. ou que je lis les gros titres de certains journaux évoquant le « retour des héros » en parlant de champions sportifs ayant gagné la médaille ou le match et montés sur le podium ! Les mots n’auraient-ils plus de sens ? Honneur à eux, certes, mais restons-en là !
Sitôt fini, la même année (1954) ce seront les « Evénements d’Algérie », encore un euphémisme quand on connaît les meurtrissures et les horreurs occasionnées par cette guerre. Un grand nombre de nos soldats (dont mon frère) ont été plus ou moins traumatisés par ces combats (et les pratiques de cette guerre) au point qu’ils sont avares de mots pour raconter ce qu’ils virent (et parfois furent contraints de faire). « Avoir 20 ans dans les Aurès » et passé d’oued en djebel pour tomber finalement en embuscades, pour les appelés, pouvait être une terrible épreuve. Mais les blessures de guerre ne sont pas seulement physiques, elles peuvent aussi être morales en altérant gravement la conscience des combattants. Regardez autour de vous, ceux qui en furent les acteurs et sont revenus, sont-ils bavards ? vous racontent-ils ces événements dont ils furent témoins ? Non, un malaise, une pudeur viscérale s’est installée : on ne dit pas ces choses là, même longtemps après, la guerre d’Algérie cessa en mars 1962 !
Tous ces pays meurtris par la guerre lèchent encore leur cancer, le Japon, le Vietnam, l’Afrique, le Cambodge, l’Europe tout entière et tous les autres !
Le monde a tout à perdre dans la violence. Et Dieu dans tout ça me diront ceux qui ont la foi. C’est à y perdre son latin, est-il devant, est-il derrière ? Le fameux : « Dieu est avec nous », ils y croient toujours et ce, dans les deux camps ! Et puis, c’est tellement exaltant de savoir que la barrière peut s’ouvrir en chantant ! Alors, on court de Charybde en Scylla en agressés ou en agresseurs, en bons petits soldats (parfois contraints et forcés).
Nous vivons trop souvent dans un monde sceptique dominé par des envies d’hégémonie et d’impérialisme, d’intolérance, par les forces de l’argent, les banques en effet surnageront toujours par-dessus les désastres, alimentées par des commerces juteux. Je sais bien, nous avons (en principe) une sainte horreur de la guerre et pourtant nous ne cessons pas de la faire. Et pour la faire on est tiré par devant et poussé par l’arrière ! Que voulez vous, quand sur les stades on fait chanter aux jeunes gens (face à l’équipe adverse) : « Aux armes citoyens, formez vos bataillons » en leur parlant de « sang impur » etc etc. on est bien loin de l’esprit des rencontres sportives ! On pourrait peut-être garder l’air qui nous est familier mais changer les paroles, plus adaptées à ces lieux et à ces moments.
Pour autant et ne nous méprenons pas je ne suis absolument pas opposé à notre chant national, au contraire, mais pas sur le champ des rencontres sportives (qui
restent des jeux) avec ces paroles, écrivons de nouveaux mots à la gloire du sport. J’assiste comme d’autres aux cérémonies nationales et commémoratives où je suis fier de chanter à l’unisson la Marseillaise parce que c’est l’endroit. J’en profite pour dire que si je mets le drapeau de mon pays dans mon jardin j’aimerais bien ne pas être qualifié de fasciste ! (la tendance se dessine actuellement) d’ailleurs s’il existait un fanion du monde je serais preneur. De même, quand j’évoque le nom de Jeanne d’Arc, ne pas être catalogué comme faisant partie de telle ou telle tendance politique ! J’aime cette héroïne qui, en son temps, donna tout pour la France.
Comme vous avez pu le constater, chers lecteurs, ma chronique d’aujourd’hui est un peu acide ! Allez, pardonnez mon courroux, c’est simplement un billet
d’humeur, mais finalement pas un pamphlet.
Jean Paul Gouttefangeas
Crédit photo : Curieuses histoires