Thiers ma cité
Ma cité, tu n’es peut-être pas la plus célèbre des villes, tu n’as peut-être marqué l’histoire par de grands faits, mais tu es ma ville, tu me parles en amie, tu es ma terre et mon ciel, tu es ma plaine et ma montagne, ta vallée de pierraille par son passé, tu es ma fierté et mon orgueil, ses bruits sont mes chansons.
Ma cité, j’ai voyagé dans ma jeunesse, mais tu n’étais jamais loin de moi, même le bruit disparu des marteaux tentant de faire éclater les enclumes revenait à mes oreilles et je sais qu’il ne s’en ira pas. Les cris des enfants à l’heure des récréations, s’éparpillant comme des hirondelles dans la cour de l’Ecole du Centre sont toujours des signes de vie et d’espérance : bientôt ils seront grands ! Il suffit parfois que revienne à l’esprit un souvenir, même furtif, pour que renaisse une situation, un lieu que nous avons aimé, notre imagination fait le reste, elle procure du plaisir, parfois elle nous attriste mais souvent elle embellit la réalité en transformant le souvenir en réalité revisitée.
Ma cité aux rues et aux escaliers qui dévalent en cascades, même si parfois tu sembles un peu t’assoupir, je sais que tu vis, ton coeur millénaire est infatigable, tu es toujours portée par les artisans, les forgerons les couteliers et ces habitants qui croient en toi. Je sais que les fenêtres cerclées de métal de tes anciens ateliers éclairent maintenant des remises, des dépôts et des garages, mais l’odeur du métal brûlant, des frottes des polisseurs et celle des meules est toujours là, immortelle. Un souffle de vérité venu du fond des âges nous parle de sincérité et de beauté. Il arrive alors que nos yeux voient cette beauté, là où beaucoup ne peuvent la voir, nous sommes alors des privilégiés. Je sais maintenant qu’il y aura toujours entre nous des mots d’amour, des mots sortis et connus seulement ici, ils nous lient à jamais, inventés qu’ils furent par nos anciens, eux qui ont eu la sagesse de nous les apprendre et nous de les comprendre, des mots que nous pouvons chanter et dont on se sert parfois pour parler d’amour !
Ma cité, tu es ma mère terre, mon sol et mon port d’attache, comme pour tes habitants les bannières qui fleurissent tes rues sont nos couleurs et les fleurs de tes carrefours nos blasons. Souvenons-nous toujours des lieux aimés de nos pères : des statues de nos places, des monuments à nos morts où nous lisons des noms si familiers, des plaques de marbre appliquées sur certaines maisons, nous rappelant les noms encore de ceux qui sont tombés dans un « chant d’horreur » dont les paroles étaient : « vive la France ». Si j’évoque leur mort c’est que leur sacrifice nous a donné la vie ! Honneur à ceux-là, fauchés dans la bravoure, dont la destinée fut trop courte ! Souvenons-nous aussi des croix de chemin aux alentours, des kiosques à musique d’une « Belle Epoque » où des saltimbanques dansent parfois sans musique en nous faisant rêver malgré tout de flonflons ! Oui, souvenons- nous des fanfares, de nos défilés et de nos processions, de nos fêtes de la saint Eloi et des feux de la saint Jean pendant que d’autres priaient saint Genès. Les hommes de ces contrées dans ce pays de « presque montagne », lorsqu’ils le veulent, peuvent marcher sur les nuages ! Ils survolent alors la cité laborieuse et leur regard se pose sur les champs, là-bas vers la plaine, loin des turpitudes du monde d’en bas et de l’espace turbulent des bruits du monde.
Ma cité, derrière toi le soleil se lève et devant toi il nous offre la splendeur de son royal coucher, c’est à ces heures-là que tu apparais la plus brillante, j’ai alors une envie folle de te parler dans un face à face de vérité à toi, belle illuminée : salut, noble cité, toi la travailleuse et laborieuse, ancienne et vaillante et parfois rebelle mais si belle. Tu ne m’as jamais déçu et c’est en toi que j’ai cru. C’est depuis Pont Bas que je t’admire parfois, mais depuis le Moutier je t’aime toujours.
Ma cité, quand je parle de toi, j’aime à me perdre dans une tornade de rêves et je sais que tu me comprends et me pardonneras mes mots en turbulences, je crois à leur pouvoir, ils sont des vecteurs de vie ils nous permettent parfois de la recommencer.
Ma cité, où que m’aient porté mes voyages, c’est vers toi que je suis revenu en amoureux fidèle, je t’aimais, nous avons toujours échangé ensemble parce que nous parlons une belle et même langue : le thiernois.
Jean Paul Gouttefangeas