Thiers en plein dedans

Mais quelle balade ! Variée, esthétique, artistique, historique et de surcroît culturelle. J’avais déplié devant moi un grand plan papier de la ville en posant le doigt au hasard sur les 23 sites protégés de notre cité thiernoise. Il ne faut pas penser que monument historique veut dire datant de Mathusalem, que nenni, prenez par exemple le Monument aux morts situé dans le jardin des Grammonts, eh bien il date du XXème siècle (inscrit en 2019). On doit cet ouvrage aux talents conjugués de l’architecte Gabriel Deroure et du sculpteur Joanny Durand qui surent accoler avec bonheur le monument aux escaliers préexistants, donnant ainsi une monumentalité et une solennité supplémentaires à l’ensemble. Et l’usine du May (rue J. Claussat), fermée en 1960, dont la construction ne date « que » de 1895 et qui a été inscrite en 2002, c’est aussi un bâtiment jeune qui rappelle encore les rasoirs Saint Joanis, mais qui est surtout un précieux témoignage de l’architecture industrielle de la fin du XIXème siècle (bien qu’à cet emplacement existât un bâtiment dès 1476). On admire encore l’harmonie des façades apportée par les séries de fenêtres en anse de panier et par sa balustrade ajourée, le tout planté sur l’étroite rive de la Durolle. Les Forges Mondière, toujours dans ce même quartier de la vallée, très proches de la précédente usine, figurent à l’Inventaire supplémentaire depuis 2002. Dans ces murs ont dû passer d’innombrables ouvriers qui, depuis le rouet installé au XVème siècle, ont successivement forgé, estampé, puis fabriqué du papier (de renom) jusqu’en 1880. Passée cette date, des couteliers investissent à nouveaux les lieux. Curieusement, on a aussi débité du bois à cet endroit et enfin, en 1901, l’usine redevient une forge. Un jour de 1984, à la fin de la journée de travail, on annonça à tout le personnel que tout était fini, que l’usine fermait définitivement ses portes. Cette décision si brutale pour tous les employés eut pour conséquence (sur le plan matériel) de figer tout le contenu des ateliers, et aussi incroyable que cela puisse paraître, rien n’a bougé depuis. Les turbines, outils, poulies, présentoirs, pilons et autres machines à découper sont suspendus dans leur mouvement, comme hors du temps depuis bientôt 40 ans.

La belle porte maintenant donnant sur la rue Grenette (au 8) de la maison dite du duc de Lauzun (inscrite en 1926). Ce personnage de l’histoire de France la reçut de la duchesse de Montpensier (la Grande Mademoiselle), à la fin du XVIIème siècle. Il n’y mit jamais les pieds et la revendit en 1714. La porte date du début du XVIIème siècle, comme toute la façade de la maison qui, elle, fut bâtie un siècle plus tôt et fut la propriété de riches nobles Thiernois, la famille Odansson. Cette dernière donna dans le négoce du papier et des produits de la tannerie, elle possédait aussi un « pied à terre » aux Horts et un moulin à papier sur la Durolle. Cette belle porte architecturée et très classique est un bel exemple d’entrée monumentale. À l’origine, la façade principale se trouvait rue du jardin des Cœurs (rue des sapeurs-pompiers) ce qui est maintenant devenu l’arrière de la maison. Quelques mots sur la rue Grenette, nommée ainsi parce qu’autrefois elle menait depuis le quartier de l’église jusqu’à une halle (aux blés ?) la grenette étant la graine. J’ai connu un marchand de graines dans cette rue (pas au Moyen-Âge !)

Le château des Horts, dominant la ville et la plaine, ancienne forteresse née sans doute au XIVème siècle a conservé sa belle allure extérieure. Son nom vient peut-être de sa position élevée entre deux failles géologiques ou d’une source d’eau vive aux alentours qui aurait permis de créer des jardins, d’où le nom issu du latin hortus signifiant justement jardin. Un second château (ruiné) s’appelle les Horts, il est situé dans les Pyrénées Orientales. Le nôtre a été inscrit aux Monuments historiques en 1976.

Une église, classée celle-là dès 1846, ce fut même le premier édifice thiernois à bénéficier de cette protection : Saint Genès, son ancienneté, (commencée au XIème siècle) et l’ampleur de son chœur, la beauté de ses chapiteaux, ses chapelles gothiques, son orgue de 1853, toutes les qualités architecturales de ce bel édifice ne sont plus à démontrer. La façade sud montre quelques beaux aspects romans alors que celle de l’ouest souffre grandement des transformations du XIXème siècle et de la fragilité de l’arkose (sa pierre de construction).

Toujours dans le centre historique, me voici maintenant le doigt posé sur la maison dite des sept péchés capitaux. On en connaît une autre, à Pont-à-Mousson, construite un siècle plus tard, au temps de la Renaissance, un duc de Lorraine y résida, le cardinal de Guise, un des plus grands prélats de Cour et l’un des plus riches ! Mais je m’égare, notre maison de Thiers n’a rien à voir concernant son architecture ni dans sa destinée. Construction assez modeste du XVème siècle cependant, ses sculptures sont beaucoup plus « parlantes » en étant plus triviales. Pour tout dire, je les trouve splendides ! C’est un témoignage de l’expression crue du Moyen-Âge. Je ne vais pas énumérer les péchés capitaux, vous les connaissez tous ! On en parle déjà au IVème siècle, la liste en fut systématisée au XIIIème siècle par saint Thomas d’Aquin.

Un autre regard qui me fait sortir de la ville, le château des Champs, sous ce joli nom se cache une grosse maison rectangulaire flanquée d’une tour, implantée de façon dominante, tournée vers la plaine et la chaîne des Puys. La bâtisse fut édifiée au XVIIème siècle et seule la porte de la tour bénéficie d’une inscription aux Monuments Historiques en 1926.
Vu la longueur des descriptions de nos monuments thiernois protégés, je vais replier la carte pour aujourd’hui, mais je vous promets de l’étaler à nouveau pour continuer de vous parler encore de ce qui fait aussi le grand intérêt de notre cité, en m’efforçant de ne pas trop transformer cette chronique en « dépliant touristique », même si on permet aux touristes de la lire !

Fin de la première partie...

Jean Paul GOUTTEFANGEAS