Secret Perdu

La plupart des Thiernois se souviennent de ces plats en terre gris-noir, qui affectaient une forme de cuvette circulaire tronconique, avec un bec court et évasé ; On les désignait sous le nom de "casses", et ils servaient à faire cuire au four du riz ou des pommes de terre.
Ces "casses" avaient la propriété de se bonifier à l’usage. Après un certain temps de service, elles devenaient complètement noires, et elles conféraient une saveur succulente aux aliments qu’on y préparait.
Les gourmets qui en possèdent encore, feront bien de veiller avec soin à leur conservation, car s’il leur arrive de les briser, ils ne pourront plus maintenant les remplacer.

Le secret de leur fabrication est perdu.

Qu’un tel fait ait pu se produire en plein XXème siècle, cela semble paradoxal, et pourtant c’est la vérité. La production de ce genre de poterie, qu’on fabriquait à Lezoux depuis l’époque gallo-romaine et peut-être même antérieurement, a cessé de façon brusque à la suite de la guerre de 1914-18.

Et voici comment :

Ces récipients de terre noire, "casses", "biches", "cuviers", "chaufferettes", etc. étaient la spécialité du village de Bourois, aux environs de Lezoux. Les potiers de la ville s’y approvisionnaient pour servir leur clientèle, mais ne servaient, en somme, que d’intermédiaires pour cet article.
Cependant, un jour, quelques semaines avant la guerre, la maison Bompard, voyant qu’il n’existait plus dans le village, que deux hommes au courant de cette fabrication, voulut parer à leur disparition possible, en organisant dans ses propres ateliers le malaxage, le tournage, et, surtout, la cuisson de cette terre. Car c’était dans la manière de la faire cuire que résidait le secret.
Le patron s’entendit avec les deux potiers à ce sujet, et il fut convenu qu’une fournée spéciale serait préparée et qu’une fois prête, ils viendraient montrer comment il fallait en conduire la cuisson.
On tourna donc le nombre de vases nécessaires pour garnir l’intérieur du four, et lorsque ces vases furent suffisamment secs, on pria les deux ouvriers de venir.

A ce moment même, l’ordre de mobilisation générale vint tout bouleverser.
Les deux potiers partirent dès les premiers jours. Ils ne revinrent pas.

Avec eux avait disparu le secret donnant son aspect et ses qualités à ce genre de poterie.

Ce fut en vain qu’on s’efforça de le redécouvrir en tâtonnant, en essayant des combinaisons diverses. Peine perdue. On ne retrouvera pas le moyen d’obtenir les fameuses "casses" noires.

Et c’est ainsi qu’en plein vingtième siècle se perdit le secret d’une fabrication archimillénaire.

Georges Therre

Merci à Daniel Groisne qui a la chance d’en posséder une en parfait état, qui lui a été donnée par son père, Pierre Groisne, et qui vient des arrières grands-parents GROISNE. Cette casse était utilisée pour faire cuire les pommes de terre au four, les tripes etc…
Ci-dessous les photos de sa « casse » de famille, ainsi qu’une rare carte postale ancienne d’un potier de Bort l’Etang. L’arrière arrière arrière grand-père de Daniel Groisne, qui s’appelait aussi Pierre Groisne, décédé à Thiers en 1873, était potier à Lezoux et habitait Place de la porte Neuve lors de la naissance de son fils François GROISNE, le 05/01/1825.
On peut s’apprendre à rêver et à supposer que, peut-être, lui-même, a-t-il fabriqué des casses et….pourquoi pas celle là !

Article publié par Georges Therre dans le bulletin 2008 de la Société des Etudes Locales. Il s’agit d’un article sur les ’casses’, plat en terre noire avec un bec court et évasé fabriqués par les potiers de Lezoux dont la technique de fabrication ancestrale a aujourd’hui disparu.