Philibert Du Croc : un diplomate français du XVIe siècle
Philibert du Croc tient son nom du fief du Croc, actuellement le Cros, seigneurie à côté de la ville de Thiers en Auvergne. Il est le fils aîné de Gilbert du Croc, qui s’est illustré dans les armées royales, notamment lors de la campagne de Naples de 1528, où il mourut. Sa mère est Philippe de Sailhans, d’une illustre et ancienne maison d’Auvergne.
Introduction
LA FAMILLE DU CROC
Tout à côté de la ville de Thiers, en Auvergne, le Croc 1 était une petite seigneurie, qui, au milieu du XVIIe siècle, ne comportait que le château, avec ses dépendances, vingt séterées de terre, trente ouvrées de prés, cent ouvrées de vignes et cinquante séterées de bois taillis, plus une dime rapportant annuellement 26 livres 13 sous 4 deniers, vingt et un setiers et deux quartons de seigle et huit setiers et deux quartons et demi d’avoine 2 . Ce fief a donné son nom à une famille dont les représentants ont maintes fois rempli des fonctions importantes, soit dans l’Eglise, soit auprès des rois de France.
Dès la fin du XII°e siècle, en 1195, nous trouvons un Girard, ou Giraud, de Cros 3 , archidiacre de Clermont 4, qui devient archevêque de Bourges en 1209 et meurt en 1218 5.
Un siècle après, Pierre de Croso, est chanoine de Clermont, puis de Paris ; devenu évêque de Clermont en 1302, il meurt le 25 septembre 1304 6. Il avait prêté serment en septembre 1302, en présence d’Adémar de Gros. En ce qui concerne ces deux personnages, ils paraissent bien avoir appartenu à la famille qui nous intéresse, car la Gallia Christiana, tout en donnant à l’évêque de Clermont le nom du Gros, ajoute en une note marginale : « Aliqui tamen legunt du Croc. »
En 1309, un Pierre de Grozo est notaire au diocèse du Puy 7.
En 1384, Pontius de Crotis est chanoine de Notre-Dame du Puy 8 ; et un peu plus tard, en 1417, semblable fonction est remplie par Pierre 9.
Du côté laïc, les renseignements abondent, grâce, entre autres documents, aux preuves fournies par plusieurs du Croc pour entrer dans l’ordre de Malte, et aux titres produits par devant M. de Fortia, intendant d’Auvergne, lors de la recherche de la noblesse, en 1666 ; si bien que la généalogie de cette famille remonte, sans lacune, jusqu’à la fin du XII° siècle 10.
Au vrai, dès 1219, on rencontre un Pierre de Croc, chevalier, cité dans une charte de croisade. Mais c’est là tout ce qu’on sait de ce personnage et il faut attendre à 1284 pour trouver l’origine de la filiation suivie. A cette date, Chatard, seigneur du Croc, damoiseau, transige avec le chapitre de Thiers, relativement à la dîme de sa terre du Croc et pour d’autres dîmes situées dans la paroisse de Saint-Remy 11.
D’après ce que nous avons vu plus haut, touchant la consistance de la seigneurie du Croc, il s’agit bien ici d’un ancêtre de Philibert. Chatard eut trois fils : Pierre ; Hugues, cité comme damoiseau en 1320 ; et Amblard, qui vivait, ainsi que Hugues, en 1328.
Pierre du Croc rend hommage pour sa maison et motte d’Alcros, paroisse de Thiers, le mercredi, fête de Saint-Hilaire, 1305. À sa mort, il ne laissait qu’une fille, Marguerite, dame du Croc, dont la tutelle fut exercée par ses oncles, Hugues et Amblard, lesquels firent hommage en son nom pour la maison et motte de Grozo, le jeudi après la Toussaint 1328.
Cette Marguerite du Croc épousa, avant 1335, Pierre [ou Perrot] Bedoc [ou Berloc], damoiseau, qui fut substitué aux noms et armes de la famille du Croc et qui rendit hommage, pour son hôtel du Croc, le dimanche après la fêle de l’Annonciation 1335 12.
La généalogie se poursuit ensuite de façon continue, et nous n’y insisterions pas autrement si les documents ici publiés ne permettaient d’ajouter quelques précisions nouvelles à ce qu’on sait par ailleurs.
Le grand-père de Philibert, Martin du Croc, avait épousé Anne-Marguerite de Chandorat de Mons, petite-nièce de Jean de Chandorat, évêque du Puy 13. M. Gaston de Jourda de Vaux, à qui nous devons ces détails 14, ajoute qu’il était dit aussi Berloc. Les preuves de Malte fournies pour Guillaume du Croc, en 1562, spécifient qu’il était aussi appelé Bedot, ce qui nous fixe une fois de plus sur l’inutilité phonétique du c final pour Bedoc comme pour du Croc.
C’est avec Martin du Croc que paraissent disparaître les dernières traces de la famille alliée des Berloc ou Bedoc.
Aucun de ses fils, en effet, ne voit joindre l’appellation à son titre : ni Antoine du Croc, écuyer, qui fut gouverneur de la vicomté de Valerne 15 en 1524 ; ni Geoffroy du Croc, chevalier de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur de Charriers ; ni, à plus forte raison, le fils aîné, Gilbert, qui allait auréoler le nom du Croc d’une solide réputation militaire. Qu’il ait été marié, dès 1513, avec Philippe de Saillans, issue d’une vieille famille d’Auvergne, et que divers contrats nous le fassent mieux connaître que ses auteurs, là n’est pas le point important. Il paraît bien, en effet, que, selon la tradition familiale, il suivit de bonne heure les armées royales, au point de devenir, un jour, un vieux routier des Guerres d’Italie, fort apprécié lors de la
campagne de Naples de 1528, où il mourut. Sa réputation était bien assise et les chroniqueurs n’ont garde de l’oublier. C’est Vieille ville 16 racontant que, le comte Philipin étant menacé d’une attaque de la part de Hugues de Moncade, Lautrec lui envoie « quatre cents arquebusiers lestes et bien choisis, sous la conduite de M. du Croq, vieil capitaine gascon et fort expérimenté » ; les quatre cents reviennent cinquante et victorieux. C’est Martin du Bellay 17, exposant les suites funestes de cette expédition : « Et mesmement y mourut le seigneur de Lautrec, le seigneur du Croq ».
À suivre : La vie de Philibert du Croc
1 Actuellement, le Cros, château, à trois kilomètres environ au nord de Thiers, dominant la route nationale de Moulins à Nîmes. Voir : Carte au 1/80.000e .
2 Dénombrement du 20 juillet 1675. Le fief relève de la baronnie de Thiers, alors entre les mains de Mademoiselle de Montpensier. La dîme s’étendait sur les paroisses de Saint-Genest et de Saint-Jean de Thiers, du Moûtier de Thiers, de Dorât, Escoutoux, Orléat, Bulhon, Vinzelles, Paslières et Saint-Remy, toutes paroisses aujourd’hui communes de l’arrondissement de Thiers, au département du Puy-de-Dôme. (Arch. dép. Nièvre, 2 F, fonds du Bourg de Bozas).
3 Retenons que le c final ne doit pas se prononcer dans le nom propre, pas plus que dans le nom commun. Le nom du diplomate est orthographié du Cro dans la lettre de Gonnor (6 novembre 1558, document n° V) ; et, dans les preuves de Malte de Guillaume du Croc, on trouve à plusieurs reprises la forme du Cros. La graphie Cros est d’ailleurs adoptée par les auteurs de la carte au 1/80.000 e pour désigner non seulement le château de la famille du Croc, mais encore un écart de Thiers, à deux kilomètres nord-est de la ville.
4 Gallia Christiana, tome II, colonne 273. En parcourant la Généalogie de la maison du Croc, du chevalier de Courcelles, on remarquera que plusieurs membres de cette famille furent chanoines de la cathédrale de Clermont.
5 Gallia Christiana, tome II, colonne 63
6 Chevalier (U.), Répertoire des sources historiques du Moyen-Age. Bio-bibliographie, n. éd., Paris, in-4°, 1905-1907, v° Pierre du Gros. — Gallia Christiana, tome II, colonne 283 et note
7 Gallia Christiana, tome II, colonnes 241 et 242, instrumenta.
8 Gallia Christiana, tome II, colonne 415.
9 Gallia Christiana, tome II, colonne 754. — Dans ce relevé, nous laissons délibérément de côté, en raison de leur origine limousine, Jean de Gros et les deux Pierre de Gros qui, au XIV° siècle, furent tous trois cardinaux. (Chevalier, Bio-bibliographie, V° Gros).
10 Nous suivons ici la généalogie donnée par le comte H. de Chabannes (Preuves pour servir à l’histoire de la maison de Chabannes. Supplément, II, Dijon, Imprimerie Jobard, 1921, in-4°, pages 597-008), d’après celle qui a été publiée par Gaston de Jourda de Vaux (Les Châteaux historiques de la Loire, tome II, page 216).
11 Saint-Remy-sur-Durolle, Puy-de-Dôme, arrondissement de Thiers, chef-lieu de canton. — Le renseignement est donné par le chevalier de Courcellcs : Généalogie de la maison du Croc (extraite du tome X de l’Histoire généalogique et héraldique des pairs de France...), Paris, 1829, in-4°, page 1.
12 L’Histoire de la maison de Chabannes renvoie sur ce point aux archives de M. André de Viry. — Nous laissons les dates sous la forme même donnée par les auteurs qui nous les ont fournies : leur détermination, en effet, présente quelques difficultés qui ne pourraient être résolues qu’en présence des documents originaux.
13 Gallia Chrisliana, tome II, colonne 725.
14 Généalogie reproduite dans l’Histoire de la maison de Chabannes.
15 M. de Jourda de Vaux écrit Valerne ; le chevalier de Courcelles indique Valence.
16 Édition Petitot, l re série, tome XXVI, page 37.
17 Édition Buchon, page 433. D’après l’Histoire de la maison de Chabannes, Gilbert du Croc aurait été lue au siège de Naples ; cependant, Martin du Bellay semble indiquer de façon fort explicite qu’il mourut de l’épidémie qui sévit au camp des Français à la fin du mois de juillet 1528.
À suivre : la vie de Philibert du Croc
Philibert Du Croc : un diplomate français du XVIe siècle / par Paul Destray, avec une préface de M. Ch.-V. Langlois. Texte édité en 1924 disponible sur Gallica.