On installe le dernier tableau ?

Serait-ce le dernier acte de la comédie du Monde ? À entendre la musique de plus en plus insistante dans le tragique, l’explosion, le bouquet final se dessinent. La guerre bien sûr un peu partout, certains pays ont le ‘’vent en poupe’’ hélas (et si j’ose dire), ceux là sont très médiatisés et il est souhaitable que ces images que l’on nous montre et les reportages que l’on reçoit servent effectivement à ces pauvres pays accablés et détruits de jour en jour. Ces maisons d’Ukraine réduites à l’état de ruines noircies, ces quartiers entiers noircis, ces villes noircies et ces gens terrés dans les caves, noircis eux aussi jusqu’au fond de leur vie sont les signes visibles d’une fin de partie. Quand ils sortent de leurs abris (souvent en profitant du noir) c’est pour se faufiler entre des carcasses en tous genres : des camions, des chars, des bus, des voitures, tout est noir ! Où vont-ils ? Chercher à manger pour survivre. On a même vu une vieille femme arcboutée s’occuper de quelques légumes plantés à côté d’un trottoir dans ce qui était (avant) une plate bande de gazon entre les arbres ! Un peu plus loin quelques croix plantées à la hâte coiffent des ‘’tombeaux’’ de guerre. Misère, détresse d’un peuple ! La guerre ne grandit pas les hommes, elle les détruit.

Il y a d’autres conflits un peu partout dont on parle moins, pourtant tout aussi abjects et meurtriers. Les déplacements de population n’ont jamais été aussi graves, entraînant parfois les pires crises sanitaires. Ces migrations ne sont pas toujours le fruit de la guerre, la misère en est souvent grande pourvoyeuse comme la politique de certains états, sans parler d’effets dévastateurs venus des changements drastiques du climat.

Des milliers d’êtres humains (voire plus) fuient, s’enfuient de leurs régions habituelles ne pouvant plus s’y nourrir. Des pêcheurs voient leur bateau couché sur le flanc d’un sol craquelé de ce qui était autrefois un lac qui nourrissait leurs ancêtres, des générations de pêcheurs. Des exploitations minières ont pollué des régions entières, privant les habitants d’eau potable. La déforestation outrancière a chassé des peuples qui vivaient des cultures de leurs terres, c’est le même phénomène dévastateur pour les monocultures industrielles.

Catastrophe : on entend ce mot tous les jours. La plus grande est peut-être liée à l’eau. L’eau élément indispensable à la vie avec la lumière est sur le point de
manquer, elle manque déjà, elle devient rare. Il ne pleut plus suffisamment, les rivières et les lacs se vident, les réserves sous terraines aussi, les glaciers ces gigantesques réserves fondent comme neige au soleil au point de faire monter le niveau des mers. On voit déjà les conséquences de ce phénomène qui ne fait que commencer : submersion des rivages, voire des terres basses un peu partout dans le monde, effondrement des falaises côtières. Parallèlement et fréquemment les pluies qui tombent sont si violentes qu’elles ne sont que destructions apocalyptiques où aucune opposition humaine n’est opposable. Quant aux déplacements d’eau de mer (tsunamis) provoqués par des secousses tellurIques, ils sont les monstres naturels de cahots indescriptibles (qui ont toujours existé) qui ajoutent à la panoplie des désastres de la planète.

Et la température me direz-vous qu’en est-il ? Vous le savez comme moi, ça n’est pas bon non plus. On a relevé la température de 45° début avril en Espagne ! Du jamais vu. Les couches protectrices au dessus de nos têtes sont devenues, paraît-il, de vraies passoires, les filtres censés nous protéger des rayons (pourtant indispensables) du soleil n’agissent plus suffisamment ! Il va faire de plus en plus chaud : à qui la faute ?

On peut parler des feux aussi, la chaleur intense des étés provoque l’ incendie des bois et même de contrées entières, quand ce ne sont pas les maisons et leurs habitants eux-mêmes (y compris les animaux) qui malgré la fuite ne peuvent échapper à l’enfer.

Est-t-on en train de jouer le dernier acte de ce monde de plus en plus assoiffé, perturbé, déboussolé ? Est-il besoin d’ajouter autre chose à ce tableau pessimiste et catastrophique ? Non, et malgré tout d’autres catastrophes sont en route dues à notre comportement car ‘’ Le temps du monde fini commence’’ (Paul Valéry). Nous devons dés maintenant faire face au démarrage d’un nouveau monde, tout puissants que nous croyons être, le temps de cette toute puissance de la matérialité de l’existence touche à sa fin. La terre elle-même est vulnérable (mais elle s’en remettra) la planète et ses habitants sont en corrélation dans ce constat.

Parmi les défis à relever, on trouve pêle mêle : l’appauvrissement de certaines couches des sociétés, le développement des idéologies du mal, l’affaiblissement de la sensibilité et de la morale, la montée de la violence, les pandémies, l’insécurité, le manque de discernement et d’idéal, l’absence de spiritualité (quelle quelle soit). J’arrête là l’énumération de ce qui fait la fin d’une civilisation.

J’imagine déjà la réaction de certains lecteurs : mais qu’est-ce que c’est que ce charabia prophétique ? Je leur réponds que moi, un optimiste convaincu, je me rends à l’évidence je peux aussi être pessimiste car même si j’ai les oreilles un peu bouchées, je n’en ai pas moins les yeux ouverts. Je vois bien que nous nageons en eau trouble (même si elle manque), que l’énergie (y compris la nôtre propre) devient problèmatique, l’air que nous respirons (pas encore taxé) est de plus en plus vicié. Ce temps qui arrive ne se résumera pas à un passage momentané, non, il s’installe, c’est nous dans la mesure du possible qui le mettrons en place, même si nous y sommes contraints et forcés. Ce monde passé, fini, ce n’est pas pour autant la fin du monde (enfin je l’espère) c’en est un nouveau, c’est à nous de l’inventer, c’est à nous d’en dessiner le décor, le nouveau tableau et d’en écrire le contenu, parce que le monde il est tel que nous le faisons, à nous de l’inventer.

Jean Paul Gouttefangeas

En illustration, cliché pris en 1989 à Beyrout après une nuit passée sous des obus de 240, les restes du Palais présidentiel. Crédit photo Jean-Luc Gironde.