La soupe au potiron

Commencez par lancer une invitation à la maison à vos amis, ils savent que c’est bon, soyez certains que tous vos ‘’potes iront’’. C’est la saison des potirons en attendant celle des marrons (ça ne sera pas long). Allez au jardin derrière la maison (ou chez ‘’Foin frais’’) pour récupérer le héros de la fête. Méfiez-vous, il est lourd, moi qui deviens un peu balourd, ça m’a déjà joué des tours ! Sans aller dans des excès et des records, un bon potiron chez nous fait dans les cinq kilos mais je sais aussi que certains ‘’excentriques’’ atteignent une tonne, voire plus !

C’est une ‘’grosse légume’’ du potager, à n’en pas douter. Admirez avant destruction totale la beauté des formes arrondies, ses belles couleurs orange, rouge, vert généreuses, pulpeuses, sensuelles et cette peau douce et brillante si agréable à caresser entre les replis bombés à souhait. Ah beauté de la nature ! Une vraie communion entre légume et humain juste avant l’ultime sacrifice !

Dès la découpe de la ‘’bête’’ l’épreuve commence, non pas qu’elle se débatte mais elle a la peau dure et la couenne épaisse. Arc- boutez vous, faites face courageusement, et muni d’un grand couteau ayant toutes ses dents, portez l’estocade dans les chairs pour atteindre le cœur, puis en vous servant des deux mains, une pour trancher, l’autre pour appuyer, découpez en quartiers. Je vous rassure il n’y aura pas de cris de la victime. Mais tout de même, à ce stade attention, il peut y en avoir un venant du bourreau : une glissade, un dérapage de la guillotine et à défaut de la tête (ce serait exceptionnel), c’est un doigt qui peut tomber. L’action suivante consiste à éviscérer tout le mou qui toujours se trouve à l’intérieur, c’est comme ça, c’est l’ordre des choses. C’est de consistance un peu filandreuse, bourrée de petites navettes blanches et visqueuses en diable que vous pouvez conserver en vue de les griller pour un apéritif. Tous les goûts sont dans la nature ! Il faut bien reconnaître pourtant qu’elles sont bourrées de vertus et surtout de zinc si utile à notre organisme et aussi de vitamines. Si vous êtes cardiaques, mangez les toutes (pas forcément à l’apéro) au risque de vous endormir (momentanément !) car c’est aussi un somnifère. Vous pouvez aussi les réserver en vue de la reproduction de l’espèce l’an prochain, la petite graine (c’est bien connu), bien placée peut donner des résultats très probants.

Nous voilà arrivés au déshabillage de la citrouille. Ça devient charnel ! Là, j’utilise le terme de citrouille, ne sachant lequel des deux noms vous avez choisi, d’ailleurs ils sont confondus très souvent, même s’ils ne sont pas de la même espèce, ils sont distincts et cependant cousins et de la même famille et on n’est pas si loin de la courgette et de la courge spaghetti. Ce nom de citrouille, que l’on doit à la couleur jaune, dérive de citron (parfois orange) elle est sphérique avec des côtes très anguleuses. Mais revenons à la découpe, avec précaution, l’une après l’autre, couchez sur la planche (c’est là qu’il y a le plus de boulot) chaque portion sur le côté et tranchez dans le vif et sur le pourtour pour séparer la peau de la chair. La cucurbitacée étant amplement écorchée, vous la coupez en dés sans vous la jouer par avance car ça n’est pas terminé.

En fonction du nombre de convives qui ont répondu favorablement à l’appel de la ‘’potironnade’’ ambiante, vous choisissez le faitout qui transformera le dur en mou dans l’eau salée en une vingtaine de minutes. Si le cœur vous en dit vous pouvez ajouter des aromates des herbes etc.... D’ailleurs à ce sujet pendant toute la préparation de l’appareil essayez de travailler seul, dans votre cuisine sinon les bons conseils vont fuser à qui mieux-mieux et très vite vous aurez une tête comme une citrouille !

Quand c’est cuit, il faut écrabouiller (mixer en langage moderne). Pour la consistance c’est à convenance : épais, liquide, compact ou un délicat velouté.

Dans le cas où vous avez préparé tout ça un peu à l’avance, au dernier moment vous remettez un petit coup de chaud sans faire bouillir, vous ajoutez trois cuillérées à soupe d’huile d’olive et un demi verre de vin blanc (ça ne mange pas de pain) du poivre et du sel (avouez que cette recette n’en manque pas).

Une bonne ambiance règne dans la salle à manger, ils tapent dans leurs assiettes, (de vrais enfants !) ils ont faim, à cet instant, il ne faudrait rien avoir dans la citrouille pour ne pas les contenter.

Dans une mise en scène un tantinet solennelle, tenant la soupière fumante dans vos mains, approchez-vous de la table, non sans avoir auparavant ajouté l’indispensable crème fraîche car le meilleur dans cette soupe c’est la crème !

Et voilà pour ce petit voyage dans la sphère des potirons. Il est amusant de se souvenir que c’est nous les humains qui avons fait perdurer l’espèce en les cultivant amoureusement. Songez qu’après le grand chaos (il y a longtemps), qui vit la disparition des dinosaures et autres mastodontes géants (herbivores) diplodocus, etc. la pousse de ces plantes n’était plus assurée. En effet, ce sont eux qui dispersaient les précieuses graines de manière très naturelle à la différence de nous qui n’utilisons pas ce procédé !

Bon appétit à tous les bénéficiaires de la recette.

Jean-Paul Gouttefangeas