La lumière à travers les volets

Apparus dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle- celui des Lumières- les volets à battants sont une véritable curiosité lorsqu’ils comportent des percements par lesquels passe la lumière. Ils sont nombreux sur notre territoire : on les appelle joliment des jours.
Très souvent ils s’inspirent des enseignes utilisées sur les cartes à jouer. C’est ici un cœur découpé dans le bois pour mieux éclairer l’intérieur. Là, un pique ou un trèfle ou un carreau comme un jeu de cartes* qui semble posé sur la planche. Mais ces délicates ouvertures, représentent aussi des symboles héraldiques comme par exemple l’hermine, une fourrure utilisée en Bretagne qui apparait sur le clocher de l’église de Notre Dame de Rocamadour à Camaret sur Mer dans la presqu’île de Crozon (Finistère), ville glorifiée en fin de banquet pour son célèbre curé ! Parfois, les découpes sont empruntées à l’architecture et à la défense des châteaux moyenâgeux. On trouve ainsi des meurtrières ou des archières. Au-delà de son intérêt fonctionnel, l’utilité de ces beaux jours n’est pas clairement établie. D’aucuns pensent qu’il s’agissait, dans les villes et les villages, d’un moyen de prévenir des incendies… Allez savoir. C’est en tout cas fort joli et très poétique : un cœur transpercé par la lumière du jour, avouez qu’il y a pire pour commencer sa journée !

Et pour ceux qui veulent en savoir plus sur les particularités de notre habitat, on peut se plonger dans le texte de Marc Prival «  Maisons paysannes de France  » paru en 1984 et dans lequel on lira cette introduction sur « les cœurs de lumière ».

Quand il cogne à mes volets, le soleil n’en finit pas de se multiplier, sans redondances mais avec caprice et variété, selon les tamis à lumière que j’ai disposé entre lui et moi. Il franchit avec véhémence le cœur du volet, découpe nette dans le bois de sapin. Un deuxième cœur, plus pâle, se détache sur la vitre, décalé u premier selon l’incidence des rayons et l’heure de la journée. A l’intérieur du volet, dix centimètres plus bas, il y a le reflet du cœur de la vitre. Sur les rideaux de dentelle se découpe un quatrième cœur, encore plus violent que le premier, tramé par les dessins du fil. Dans le couloir, par terre, encore d’autres taches de lumière, répliques de la première. Dans les chambres, les rideaux de couleur transforment ces cœurs en rouge, bleu ou orange, toujours avec la fine résille de la dentelle en ombre .

Les principaux symboles utilisés pour l’ajourage :

Le cœur, le pique, le trèfle, le carreau :
Les enseignes, tirés de la symbolique des cartes à jouer sont les principaux motifs utilisés pour l’ajourage des volets battants.
Jean-Pierre SEGUIN Conservateur à la Bibliothèque Nationale dans son excellent ouvrage : le jeu de cartes, édité en 1968, (aujourd’hui épuisé,) nous en dit plus sur l’origine des enseignes des cartes à jouer :
« Les premières enseignes italiennes, espagnoles, françaises ou allemandes furent celles du tarot (le père de tous les autres jeux) : bâtons, deniers, coupe et épées (…) Dans la seconde moitié du quinzième siècle, elles cèdent la place aux cœurs, grelots, feuilles et glands (…). »

Pour compléter le journal le Progrès a mis en ligne en 2019 un article : « Ce que symbolisent les cartes à jouer »

- Le cœur, auparavant la coupe ou le calice, représente le clergé et ses ecclésiastiques, considérés comme des hommes bons.
- Le pique (l’épée ou la feuille), s’apparente au glaive, l’arme des chevaliers, l’attribut de la justice.
- Le trèfle, comme le bâton ou le gland, sont associés aux travailleurs de la terre. Par extension, il symbolise aujourd’hui la chance.
- Enfin, le carreau (denier ou grelot), dont le motif initial était un écu, fait référence aux marchands, à l’argent et à la richesse. 

En Bourgogne, certains historiens locaux disent que les contrevents (volets) servaient de porte-bonheur. Si un heureux hasard vous a fait croiser ces superbes ouvertures, n’hésitez pas à nous envoyer une photo en mentionnant la commune ou elles se trouvent. "Jour après jour, les amours mortes n’en finissent pas de mourir » comme chantait Gainsbourg !