Jupiter et l’infiniment petit

Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête.  
(Albert Camus. La Peste)

Il a pourtant un nom bien rafraîchissant ce vilain virus qui a proprement assommé notre pays et dont les conséquences humaines et économiques ne s’annoncent guère réjouissantes. Mauvais Karma pour Jupiter* qui se trouve bêtement confronté à un ennemi … insaisissable, une bestiole invisible appelée tout d’abord Corona. Une très sale bestiole qui pénètre en nous par effraction et qui aura réussi en quelques semaines à bousculer les certitudes et la morgue d’un aréopage de gens suffisants, sûrs d’eux, raides dans leurs certitudes. Et dont la bulle dans laquelle ils étaient enfermés, vient d’éclater ! Jeudi dernier avec une posture toute churchillienne - on n’était pas loin du fameux « du sang, de la sueur et des larmes » - le Président a annoncé la fermeture sine die de tous les établissements scolaires et, par une étrange illumination, a pris conscience de l’efficacité de notre système de santé n’hésitant pas à rendre hommage aux « héros en blouses blanches ». Les mêmes qui depuis des années réclament les moyens pour simplement faire leur travail. Et là, miracle ! Le Président nous parle de situations de rupture, à plusieurs reprises il a prononcé ces mots :« quoi qu’il en coûte ». Mais bon sang, c’était donc possible de trouver de l’argent, d’oublier les objectifs budgétaires ? On avait l’impression de voir un homme découvrir que nous étions mortels, qu’il n’y avait au fond, de richesse que d’hommes, qu’il fallait avant tout penser à préserver la vie, replacer l’humain au centre de la réflexion politique… Il aura fallu une catastrophe pour comprendre cette évidence ? Hallucinant ! Et vendredi, comme s’il avait « La mort au trousse » le Premier ministre a annoncé la fermeture de tous les lieux publics « non indispensables » tout en maintenant les élections municipales. On n’y comprend plus rien. Les gens se ruent dans les supermarchés, dans le métro à Paris, on ne se regarde plus, on s’observe…Le moindre éternuement suscite la suspicion. La ville grande et belle d’habitude n’est plus la « cité heureuse ». C’est étrange cette sensation de ne pas savoir, de devoir se contenter des communiqués annonçant l’évolution de l’épidémie, de rester pendu aux infos que l’on nous distille, d’entendre ces grands docteurs –et tous les soignants qui ne ménagent pas leur peine- nous demander de faire attention, très attention. Que nous ne rêvons pas, que nous ne regardons pas un film à la télé. Ce qui se passe est vrai.
Sinon, Jupiter aurait dégainé le 49.3 et l’on ne parlerait plus du Covid.19 !

* Jupiter à l’Elysée était le titre de la Une du Point du 8 juin 2017

Une chronique de Jean-Luc Gironde.