Histoires vécues à Thiers

La voiture de Bernard Sanchez au milieu de nulle part

Au début des années 80, Bernard Sanchez était propriétaire du Café du Théâtre où se retrouvait une bonne partie de la jeunesse thiernoise : concerts, musique d’ambiance, restauration, boissons diverses, c’était LE lieu emblématique où l’on se retrouvait pour passer un bon moment et notamment draguer ! C’était un lieu de liberté extraordinaire. Bernard était (et est encore) un personnage hors du commun. Drôle, commerçant dans l’âme, généreux…. Un jour, lui vient l’idée de s’acheter une rutilante Lada 4X4, une voiture tchèque tout terrain (il y en avait très peu à l’époque) sur laquelle tout le monde lorgnait. Un dimanche, en début d’après-midi, on voit arriver Bernard bien dépité qui demande à la bande qui était là, accoudée au comptoir, de venir lui donner un coup de main pour sortir la fameuse Lada embourbée dans la nature. Nous voilà tous partis, pantalons serrés, tous chaussés de santiags, pour le village des Garniers où nous attendait la Lada. Bernard nous conduit alors sur un petit chemin et entre dans les bois. On marche, on marche et tout à coup on voit le 4X4 entre des arbres, immobile. On s’aperçoit alors qu’il n’y a pas de traces de roues, que la voiture semble posée au milieu de nulle part. On essaie de la pousser et bien sûr, avec nos bottes de cowboys on se casse tous la gueule. Impossible de la sortir : elle ne passe pas entre les arbres sauf au risque de la rayer. Et elle n’a aucune rayure ! Décision est prise, d’appeler un engin agricole pour la tirer avec un câble, ce qui fut fait avec moult précaution. Aucun d’entre nous n’a encore compris comment Bernard avait fait pour arriver là ! Et le pire, c’est que lui non plus ne se souvenait pas de ce qui s’était passé ! On a tous décidé de mettre ça sur le compte des extra terrestres. C’était - et ça reste- la seule explication plausible. De mémoire, il a ensuite très vite revendu la Lada…

La Tarzan du musée

Toujours à la même époque, je faisais les photos pour le bulletin municipal de la Ville de Thiers. J’avais installé, avec la complicité de Jacques Ytournel, un labo photo dans une pièce de l’ancien musée de Barante où Jacques avait son bureau d’archiviste. En fin de journée, nous partions ensemble et seul Jacques avait la clef. Un soir, j’appelle Jacques. Pas de réponse. Je descends au rez-de-chaussée et constate que la porte est fermée à clef : Jacques m’a oublié Pas de téléphone fixe, personne dehors… Ne désirant pas passer une nuit au musée, même en compagnie des toiles de Prosper Marilhat, je jette mon dévolu sur une longue corde qui servait d’appui dans l’escalier en colimaçon. Je la coupe, en garde une longueur d’une dizaine de mètres, l’attache solidement à une rambarde et me décide à descendre tel un alpiniste. La fenêtre donnait juste en face de la Banque de France où un gardien assurait la surveillance. C’était la panique, si jamais le type m’apercevait suspendu à une corde sur la façade du musée, j’avais droit, au mieux à un comité d’accueil par les fonctionnaires de police, au pire à une mise en joue par le gardien. Par chance, il se mit à faire sa ronde et avec souplesse (à l’époque) je pus descendre et aller chercher Jacques pour que l’on enlève la corde car n’importe qui pouvait entrer dans le musée, il n’y avait qu’à saisir la corde. Jacques était mort de rire et moi fou de rage. Finalement tout se passe bien, personne n’a rien vu … Sauf que moi, trop heureux de cette aventure, je m’en vais la raconter à un copain journaliste à l’agence de La Montagne située près du Central. Il m’écoute en hochant la tête et me disant, « C’est pas vrai, dis-moi que c’est pas vrai … »
Le lendemain, dans la page de Thiers du quotidien La Montagne, un petit encadré intitulé Le Tarzan du Musée relatait mes exploits. Cette petite confidence me coûta quelques apéros et quelques moqueries bien amicales. On me demandait ce que j’avais fait de Cheeta, le chimpanzé… Je crois que c’est ce jour-là que j’ai décidé de devenir journaliste : avec la carte de presse, on ne paie pas souvent l’entrée dans les musées… encore moins la sortie !

Jean-Luc Gironde

Crédit photos : Jean-Luc Gironde et Georges Therre