Et puis les Puys

C’est depuis le Puy de Montoncel, que m’est venue à l’esprit l’idée d’un écrit sur une histoire de Puys (ou de grüns) sur laquelle je m’appuie, pour vous rappeler quelques noms sur lesquels, en principe, on s’appuie (justement) pour les différencier les uns des autres et puis, depuis celui du Montoncel, c’est comme une envie qui m’a pris (comme un parti pris) d’évoquer en quelques mots ces volcans refroidis, qu’ils soient d’ici où de là-bas. Sur ce coup-là, j’étais transi, mais de là haut, le spectacle était si beau que j’en oubliai le froid, perché sur la hauteur du ‘’beffroi’’ qui ce jour-là avait ôté son chapeau de brume ! Alentour, dans ses atours de premier printemps, la forêt de la froidure encore encaissait les effets, les résineux les plus forts s’en sortaient et les plus chétifs (ils sont rares) émergeant des airelles se tordaient et se retordaient sous les assauts de la ventaille. Le sommet est dégagé de ses sapins pectinés, suffisamment en tout cas pour admirer sans réserve tout le reste. Victime de l’érosion, le petit plateau de la cime dont le chapeau est tombé dans l’abîme : (mnémotechnie pour placer l’accent circonflexe) n’est pas vraiment beau, bien que dégagé de ses conifères, quelques cailloux épars, une borne dite géodésique et surtout un monstrueux édicule nommé la cabane souverainement étranger en ce lieu ! Mais c’est paraît-il un refuge et nous savons tous que ‘’l’utilitaire peut mépriser le beau’’. Passée cette vue, c’est le beau qui prime dans cette vision de l’antique forêt vierge de l’Auvergne ancestrale. Toute la fatigue de la montée s’est dissipée, c’est le moment de la récompense. Finie la marche hasardeuse dans les escarpements de granite et les glissades dans les chemins boueux, ces ‘’chemins du sel’’ qui virent passer, il y a bien des années, les contrebandiers dont Mandrin qui avait rendez-vous rue Conchette à Thiers (où il fit un tabac !).

Il faut le dire, le paysage, où que se porte le regard, est d’une beauté à couper le souffle, l’assemblée des collines, la profondeur des vallons et l’aspect des forêts donnent de la majesté à ces lieux pas si éloignés du Puy Chignore. Après avoir passé des villages et des fermes aux noms charmants : Duzelier, les Roux, les Etivaux, le Carrelier et des cols : les Planchettes, la Moussière et avoir laissé près de Saint-Victor-Montvianeix le Puy Snidre, petit frère voisin du Montoncel, qui n’en a pas l’aura, (loin s’en faut) que voulez-vous on ne peut pas lutter quand on fait 55 mètres de différence (pour n’avoir pas suffisamment craché quand on était petit !), on progresse dans l’ascension. Le Puy de Montoncel est un roi, il règne sur trois départements, sa couronne culminant à 1287 mètres, c’est le géant des Bois Noirs. A l’est, il entrevoit même par temps de paix un autre souverain, le Mont Blanc à la blancheur nivéenne, c’est dire si du haut de ce Puy on fréquente la haute ! Mais ce n’est pas tout, en faisant un demi-tour, les yeux se déplacent vers le couchant, c’est encore un enchantement, la vision d’une chaîne de Puys, paysage parfois lunaire dit-on bien que l’on soit loin du Mont Lune ! C’est certain, ils accaparent le regard sans parler de leurs voisins les Monts Dore.

Ils sont si nombreux et, pour moins connaître ces ‘’étrangers’’ (par rapport aux Monts du Forez) qui, à des époques différentes, provoquèrent ce gigantesque chaos, je me contenterai d’en énumérer quelques uns. A commencer par celui qui est cher à mon coeur (ou à mon nom), le Puy des Gouttes (c’est mon préféré !), à la suite, un chapelet des dits Puys (qui en fait sont plus de dix) sur ce que l’on peut en dire et sur lesquels circule une rumeur sur leur nom et où l’on peut par facétie leur trouver un double sens.

Découvrons d’abord celui qui est au plancher, je veux dire un des plus jeunes en âge (avec ses cousins le Puy de Montchal et le Puy de Lassolas (dit le brûlé) : le Puy de la Vache, apparemment il est identique aux autres et pourtant il n’a que 7000 ans, c’est encore un bébé volcan (je précise au passage pour rassurer tout le monde, que malgré son nom, l’animal nommé ici ne produit pas de méthane !). En fanfare et parfois par grand vent, prenons une claque en escaladant le Puy de la Bannière, avant de nous réchauffer au seuil des entrailles du Puy de l’Enfer. Arrivés à ce stade, une soif nous assaille et avant de grimper sur les Puys du Grand Sault et du petit Sault, (bien remplis) bien à l’abri dans le cratère du Puy du Nid de la Poule, nous ouvrons le Puy Besace pour en extraire non pas un simple Puy Chopine mais bien un millésimé Puy de Beaune. Le plus mythique, le plus biblique au moins par le nom reste à venir, je veux parler du Puy de Salomon. Tout cela, cette Auvergne aux mamelons titanesques et chaotiques n’est que le résultat de la cogitation de dame nature après que les beautés de la mer se furent retirées de nos contrées (il y a très longtemps !). Mais la mer (soit dit en passant) même loin de chez nous, nous la portons malgré tout toujours dans notre coeur. Tout ça pour vous nommer le Puy de Mercoeur (je vous l’accorde, c’est un peu tiré par les cheveux). Avant de redescendre, en dessous du Puy des Marais, au nom bien parlant, bien qu’il y ait moins de ruisseaux et de tourbières ici que dans les Bois Noirs, on peut se rafraîchir et faire halte au Puy du Petit Suchet voire du Grand Suchet. N’ayant plus grand-chose à sortir du Puy de Montceau je vais donc le refermer à l’aide du Puy de la Coquille car déjà nous en sommes au Puy de Monchar et là je sens bien qu’il va falloir arrêter le mien ! Non sans vous avoir toutefois rappelé qu’il faut continuer à boire du vin sous ce sacré Puy de Dôme car tout cet ensemble est situé sur une chambre magmatique liquide de lave non refroidie et lors de la prochaine éruption, sa rencontre avec l’eau sera encore plus dévastatrice pour la ville si proche du Puy de Clermont, alors moins il y en aura (de l’eau) mieux ce sera !

Avouez que c’est une belle découverte qu’a faite ce savant du XVIII ème siècle. Jean Etienne Guettard quand il a découvert que ces Monts Dôme n’étaient pas des résidus de forges romaines comme on l’avait cru jusqu’alors mais bien une chaîne de Puys !

Il n’empêche que cette ‘’marque résiduelle minimale des dormants d’Auvergne’’ (comme ils disent) est aujourd’hui classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Et ça c’est formidable et mérité. C’est sûrement une fierté pour tous les Auvergnats, alors, ne changeons pas de CHAÎNE !

Jean Paul Gouttefangeas

Toutes les infos sur la Chaîne des Puys.
Merci à François-Noël Masson pour le cliché qui illustre cette chronique.