Château de Montguerlhe - Les mentions historiques
Afin de rendre cette étude la plus complète possible et d’étayer le sujet, voici, dans l’ordre chronologique, l’ensemble des mentions écrites connues sur la Châtellenie de Montguerlhe suivi de quelques commentaires et réflexions (sources et commentaires fournis par Michel Sablonnière d’après l’Abbé Guélon et des archives privées) :
Arrêt du parlement de 1312 : « les habitants de Vollore - Montguerlhe étaient obligés à la retaille envers leur seigneur, à la manoeuvre à boeufs pour ceux qui en avaient, à la manoeuvre à bras pour les autres ».
Cette mention nous indique qu’à la veille de la guerre de Cent Ans, la forteresse de Montguerlhe était approvisionnée chaque année en blé, vin et choses diverses. Après le démantèlement de celle-ci, les seigneurs successifs du lieu continueront à réclamer cette « manoeuvre » sous forme d’impôt (archive Ferrier / cens dû à la seigneurie de Montguerlhe aux 17ème et 18ème siècles).
Tous les habitants de la seigneurie étaient également soumis au droit de garde du château, droit qui fut transformé en impôt jusqu’à la révolution de 1789. Tous avaient également obligation de moudre leurs grains au moulin banal de Drulhe (procès 18ème siècle / archives Ferrier et Guerin) et étaient soumis au droit de lods sur les ventes (au 1/3 du denier). Le seigneur ayant aussi le droit de succéder aux habitants mourant « sans enfant ou lignagers de leur corps en loyal mariage ». En compensation, à la même date (1er juin 1312) le seigneur accordait une charte de franchises.
Lors d’une transaction datée de 1330, Louis de Thiers exempte les sieurs Chabanis du village de Chabanis paroisse de Vollore, de moudre leurs grains aux moulins banaux de la seigneurie de Montguerlhe, à charge pour eux de fournir « et de forger tous les ferrements dont il aura besoin pour ses moulins et autres bâtiments situés dans ses terres de Vollore, Celles et Montguerlhe ».
Pendant l’administration de la terre de Vollore Montguerlhe par Louis de Thiers un codicile à son testament daté de 1336 fait donation à Isabeau, son épouse, de la jouissance sa vie durant, d’une rente de 40 livres sur la terre de Montguerlhe.
Le 13 mars 1375, Marguerite de Vollore rendait foi et hommage au duc d’Auvergne, Louis II de Bourbon, pour le château et la châtellenie de Montguerlhe.
Guillaume VI de Vollore rend foi et hommage au duc d’Auvergne Louis II de Bourbon pour le château de Montguerlhe. Donc jusqu’à la fin du 14ème siècle, le château est encore occupé civilement et militairement.
22 août 1388 : dénombrement de la châtellenie de Montguerlhe.
21 août 1398 : Marguerite, dame de Vollore, rend foi et hommage à Jean duc de Berry et d’Auvergne pour son château de Montguerlhe et ses dépendances. Cette charte fut renouvelée en 1432.
Le début du 15ème siècle verra s’installer la contestation des droits féodaux et cela à la faveur des troubles de la guerre. Les habitants de la seigneurie de Montguerlhe (située sur une zone frontalière Forez et Auvergne) estimaient ne pas être taillables à merci et affirmaient que les charrois d’approvisionnement étaient dûs pour une seule journée et seulement dans l’étendue de la seigneurie de Vollore et Montguerlhe, excluant ainsi les longs déplacements en Limagne. Ces contestations dureront au cours des siècles suivants et ne s’éteindront qu’avec l’abolition des privilèges en août 1789.
Toujours à cette époque, une transaction avec le seigneur réduit le nombre de charrois de quatre à trois qui devront s’effectuer entre Pâques et la Saint Martin d’hiver (11 novembre) afin d’approvisionner soit le château de Vollore, soit le château de Montguerlhe.
En 1432, suite à un dénombrement des biens de la seigneurie de Montguerlhe, Marguerite de Vollore, probablement fille de la précédente, énumère les fiefs et arrières-fiefs qui étaient sous sa mouvance en sa châtellenie de Montguerlhe et qu’elle reconnaît tenir du fils du Roi de France son suzerain, à savoir :
le fief du seigneur Jean Lhausus, chevalier de la paroisse de Celles,
le fief de Pierre de Foresta,
le fief de Pierre de Celles et du Puy,
le fief de Guillaume de Vallé ou tenement de « Foresta » la Forêt, la Malaptia et la Fontbonna, paroisse de Celles,
le fief de Robinet de Chassangues,
le fief de Guillaume de Neuville, le fief des héritiers d’Alasie de l’Aire,
le fief des héritiers du défunt Louis de Bonnevie.
Sentences rendues au bailliage de Vollore Montguerlhe 1509/1516/1517 au profit d’Anne d’Amboise, dame de Vollore Montguerlhe, contre les nommés de Lignières et de Martignat, tenanciers de terres dépendant de Montguerlhe, parce qu’ils avaient refusé les quatre manoeuvres qu’ils devaient annuellement, à savoir : trois à Vollore, une à Pont du Château, Ris ou Mirefleurs, manoeuvres dues pour l’approvisionnement de Montguerlhe ce qui permet de dire qu’au début du règne de François 1er, la forteresse est encore en service.
Près de Sainte Agathe, au lieu dit Drulhe, se trouvaient deux moulins fariniers, propriété du seigneur de Montguerlhe, où chaque habitant de la seigneurie était tenu de faire moudre ses grains. De nos jours, il subsiste de cet ensemble une vaste maison et un pré qui autrefois était un étang alimentant les moulins ; celui-ci fut asséché à la révolution afin de recueillir le salpêtre recouvrant les pierres de la chaussée. De nos jours encore, lors de fortes pluies, cet ancien étang, bien qu’ouvert, se remplit quasiment à moitié.
Au 16ème siècle, le meunier obtint la condamnation de Jean Sozzedde afin qu’il fasse moudre son grain à Drulhe (1533).
En 1543, le châtelain de Montguerlhe fit également procéder à des enquêtes à l’encontre de plusieurs particuliers qui seront condamnés par la sentence du bailli de Vollore en 1545. A noter qu’il est ici fait mention du châtelain de Montguerlhe ; or ce personnage n’était autre que le représentant du seigneur, ce qui donne à penser qu’à la veille des guerres religieuses en France, Montguerlhe possédait encore une garnison (si faible soit-elle).
Pour étayer cette thèse, il est également dit dans un acte de 1552, que le procureur d’office fit condamner les tenanciers du tènement du Broulhiet à payer les cens dus et autres impositions sur les bois de la Plaine Veze, et en outre à fournir au seigneur toute la tuile nécessaire pour les châteaux de Vollore et Montguerlhe, et autres bâtiments. Cet acte nous prouve donc qu’à cette date, le château était encore debout et solide et que le seigneur envisagait des réparations ou tout simplement l’entretien courant.
Cette sentence fut exécutée car le 11 janvier 1554, les signataires du document en donnent acte (ont signé le seigneur de Vaux, le châtelain de Vollore, de Drulhe, de Dordet greffier).
1610 : dénombrement de la terre de Montguerlhe. « Château-fort inhabitable, bois, mottes, paquiers, appartenances 40 septérées ascencées, 40 quartons de blé » (soit environ 20 hectares).
A la fin du règne d’Henri IV, Montguerlhe est déjà en mauvais état et ne semble plus pouvoir assurer son rôle défensif. Comment cela est-il arrivé ? Difficile à dire car dans les guerres religieuses de la fin du 16ème siècle, les plus proches châteaux : Palladuc, Landrevie d’Arconsat, Vaux, Vollore et Courpière sont aux mains de la ligue ennemie d’Henri III et d’Henri IV. Y avait-il encore une garnison vers 1590 ? Il semblerait que ces guerres de religions furent les dernières que Montguerlhe eut à subir. Après, ce fut le déclin et l’abandon progressif.
Dès la seconde moitié du 17ème siècle, une seigneurie comme Montguerlhe ne servira plus qu’à procurer des subsides à ses possesseurs, résidant souvent à la cour du roi ; jusqu’à la révolution ils ne se privèrent pas de réclamer tous les anciens droits féodaux…
27 décembre 1675 : bail entre Jacques Lelong agissant pour le marquis de Montmorin qui ascensait pour six ans au prix de 100 livres tournois, le péage de Montguerlhe à Pierre Devaux et Antoine Chabannes jeune, couteliers demeurant au Péage de Montguerlhe. Ils devaient verser chaque année 50 livres à la Saint Jean-Baptiste, 50 livres à Noël.
En 1676, le fermier des moulins de Drulhe était, Jean Obstencias, qui s’engageait à payer le cens et autres droits et prenait en charge l’entretien des bâtiments. Il s’engageait aussi à laisser dans « le dit étang du seigneur de Montguerlhe » la quantité d’eau suffisante pour « nourrir le poisson en quelque saison que ce soit ».
En 1690, la redevance due au péage de Montguerlhe est de 4 seytols par roue de char franchissant l’entrée de la dite seigneurie.
Le château de Montguerlhe fut vraisemblablement démantelé au 17ème siècle.
Après le sieur Hermet (1661), ce furent les Ferrier qui achetèrent Fermouly et les ruines encore imposantes de Montguerlhe. Pour leurs besoins, ils contribuèrent à la ruine totale du site en en prélevant beaucoup de pierres.
Les droits perçus sur la terre de Montguerlhe consistaient en droit de four banal, moulin banal, péage, de layde (taxes sur les ventes), de banvin d’août (droit de vente du vin au mois d’août dicté par le seigneur ou son bailli), de guet, de garde, de ceytol (sciage), de rouet. Il est dit aussi dans la charte de franchises, octroyée en 1312 par Louis de Thiers que « toutes les corvées seront faites aux dépens du seigneur et de ses successeurs, lesquels pourvoiront aux frais de nourriture des hommes et des bêtes ».
L’avis de l’Abbé Guélon
Parmi les auteurs du 19ème siècle, l’abbé Guélon fut un de ceux qui étudia le mieux l’histoire de Vollore et Montguerlhe. Nous citerons ici son point de vue sur la disparition de Montguerlhe :
« A quelle époque avait été démantelé ce château fort, dont il ne reste que quelques pans de mur et une partie du donjon ? Nous n’avons pu trouver cette date. Mais la place qu’il occupait, sa double enceinte de fossés, encore très apparente, et l’ensemble des ruines, montrent que c’était une puissante forteresse plutôt qu’une habitation de plaisance.
Ces deux représentations sont des vues du Sud–Ouest. Seule une partie du mur Ouest a résisté au temps et aux hommes. Il est intéressant de les comparer avec l’essai de reconstitution au 15ème siècle ainsi qu’à la photographie des années 50.
Sur son plateau dénudé et presqu’aride, elle dominait les alentours et défiait toute surprise. Nulle part, dans le cours de ce récit, il est parlé du séjour des seigneurs dans ce château fort.
Nous émettons l’opinion qu’il dut être soigneusement conservé par ses maîtres jusqu’à Richelieu et l’ordonnance de juillet 1626. A cette époque, les châteaux forts étaient, pour la plupart, la terreur des paysans et le repaire de quelques brigands féodaux, qui bravaient la loi et la puissance monarchique. Quand l’implacable cardinal ordonna de faire disparaître ces derniers vestiges du régime féodal, plus encore pour humilier la noblesse que pour détruire les brigands, les seigneurs de Vollore, qui alors étaient des mieux notés à la cour de France qu’ils habitaient ou fréquentaient sans cesse, durent donner l’exemple de la soumission à la loi. Le firent-ils spontanément et sans retard, ou furent-ils les derniers à s’exécuter ? L’histoire le dira peut-être un jour . » (cité par l’Abbé Guélon dans « Vollore et ses environs »)
Voilà une autre hypothèse assez intéressante. L’abbé Guélon, tout comme le laisse supposer nos recherches, pense que le château de Montguerlhe demeure intact au moins jusqu’à la fin des guerres de religion (1562-1598) et peut-être qui sait jusqu’à cette fameuse ordonnance de 1626. Saurons-nous un jour la vérité sur la fin de Montguerlhe ?
« Le Vieux Thiers » d’Alexandre Bigay
Dans sa partie consacrée à Montguerlhe dans « Le Vieux Thiers » (Notes et Détails page 109), Alexandre Bigay nous fait part de son avis sur la fin de Montguerlhe.
« D’après une version qui fut longtemps accréditée, il aurait été jeté bas par ordre de Richelieu, quand ce ministre de Louis XIII ordonna, pour mater la noblesse, le démantèlement de nombreux châteaux - forts. Mais Richelieu ne fut ministre qu’en 1624 ; et déjà en 1610, dans un dénombrement, le château de Montguerlhe est mentionné comme une ruine inhabitable. Sa destruction remonte donc à une date antérieure. »
Outre la partie consacrée à Montguerlhe dans ses « Notes et Détails », Alexandre Bigay fait de nombreuses fois référence au château de Montguerlhe. Trois extraits, dans la partie « Les Origines » de Thiers, sont à souligner.
Page 22 (première mention du château de Montguerlhe) : « Durant près de quatre cents ans, la famille de Thiers à laquelle appartenait également le château de Montguerlhe fut maîtresse de la contrée à l’exception des domaines appartenant à l’abbaye de St Symphorien qui, eux, demeuraient indépendants de la seigneurie et restaient sous le seul gouvernement de l’abbé. »
Ce passage met en évidence le lien qui unit la châtellenie de Montguerlhe à la famille de Thiers. Mais ce qui est plus intéressant c’est la durée : près de 400 ans. Si Alexandre Bigay dit vrai, cela implique que le château de Montguerlhe était déjà présent au début du 11ème siècle. Où donc Alexandre Bigay a-t-il pris ses sources ? Les sources utilisées pour le « Vieux Thiers » sont listées à la fin de son ouvrage : bibliothèque nationale, archives nationales, registres du Parlement, inventaires des titres du comté de Forez, cartulaire de Savigny, archives départementales, archives municipales, Inventaires des titres de l’Abbaye du Moutier, Histoire de la maison d’Auvergne, Histoire de la ville et de la baronnie de Thiers, Etudes sur la ville de Thiers, Coutumes d’Auvergne.
Peut-être y a-t-il, parmi ces références, des sources inexploitées qui apporteraient d’autres éléments sur Montguerlhe ? En tout état de cause, cette information me semble en parfaite adéquation avec l’estimation faite sur la construction du château en pierre, c’est à dire le 11ème siècle.
Le contexte du deuxième extrait se situe vers la fin du 13ème siècle entre 1293 et 1299. Guillaume IV, seigneur de Thiers, de la fin du 13ème siècle jusqu’au début du 14ème siècle, se trouve dans une situation difficile. En effet, en raison d’un train de vie démesuré, il mit en péril tous ses biens et domaines, et submergé par une énorme dette envers un autre seigneur limousin, Géraud de Maumont. Il dut, accompagné de sa famille, quitter le château de Thiers sous la pression du neveu de Géraud.
Page 27 (5ème mention du château de Montguerlhe) : « Guillaume IV et sa femme, ainsi que le vieux Guy, son père, sans doute peu fiers des procédés qu’emploie Pierre de Maumont, ou, peut-être gênés par le bruit de leur déconfiture, quittent la ville, et s’en vont habiter leur château de Montguerlhe, dont l’isolement leur convient mieux, en ces heures tristes, que le voisinage de la cité. »
Le point intéressant ici, c’est le fait que cette famille noble ait résidé plusieurs mois, voire plusieurs années à Montguerlhe, en cette fin du 13ème siècle. En effet, ceci nous permet de constater que le château de Montguerlhe, aussi modeste soit-il, a été capable de loger une famille noble, donc qu’il a possédé un logis seigneurial, composé d’une ou plusieurs chambres, d’une cuisine, de latrines, de communs pour le personnel..., en somme un minimum de confort. Ce modeste logis, antérieur à la fin du 13ème siècle, dut avoir, pour des besoins d’éclairage, des fenêtres de style roman, c’est à dire des fenêtres géminées (divisées en deux par une colonnette) ou des fenêtres simples en plein cintre (arc roman). Les fenêtres à meneaux, comme celles de Fermouly, ne firent leur apparition qu’un siècle plus tard.
Enfin, la dernière information d’Alexandre Bigay sur Montguerlhe indique la date de passage de la châtellenie de Montguerlhe dans la maison de Vollore entre 1301 et 1304 :
Page 28 (6ème et dernière mention du château de Montguerlhe) : « Résolu à liquider tous les biens qu’il possédait dans la région, le seigneur de Thiers céda, en outre, à son frère Louis, le château de Montguerlhe, qui passa ainsi aux mains des seigneurs de Vollore et y demeura. »
Un extrait poétique
Voici, pour ajouter un brin de poésie à cette recherche, un extrait du livre « Le Maître du pain » de Madame Lucy Achalme, publié au début du 20ème siècle. Lucy Achalme, parisienne de naissance et auvergnate de coeur, vivait au château de Maubec et a écrit des pièces de théâtre, des contes pour enfants et plusieurs romans. Elle mourut en 1931 et eut des obsèques grandioses ; elle repose aujourd’hui près de son château, à Maubec (commune d’Escoutoux).
« Les murs du château puissant s’étaient écroulés, les fossés s’étaient comblés, les donjons s’étaient abattus et de tout ce passé de grandeur féodale, seule, une tour de la forteresse avait résisté à l’assaut. » (extrait page 143)
« La tour en ruine du château élevait son tronçon décapité au milieu du plateau envahi par les fougères vivaces de race altière et sauvage »... « Pareils à des menhirs, de nombreuses pierres immuables restaient debout, dans ce champ solitaire. Le temps avait négligé de les ensevelir et, soldats fidèles et immobiles, ils gardaient encore les successives enceintes comblées et nivelées, mais leur protestation restait muette et tout passant, tout curieux, tout poète pouvait aborder le vestige du château autrefois inaccessible. » (extrait page 144)
« La situation de la seigneurie était grandiose. Le pays vassal entourait le mamelon fortifié et la vallée où essaimaient les villages, l’encerclait de sa large douve délimitée par les bois noirs de l’Ermitage, de Montoncelle, la plaine bleue du Puy de Dôme et le cône décharné du Grün de Chignore. » (extrait page 144)
« L’immensité du décor s’harmonisait avec le prestige de Montguerlhe qui dominait de sa hautaine stature le pays soumis à sa puissance féodale. » (extrait page 144)
« Une brèche dans la tour formait un vaste portique, et, devant ce seuil en ruine, devant cette façade mi-écroulée, béante sur le ciel… » (extrait page 145)
Hormis le côté romanesque de cet extrait, on peut tout de même remarquer la description précise du site de Montguerlhe. Lucy Achalme nous parle de fossés, de restes d’une tour, d’enceintes successives du château et d’une brèche dans la tour qui forme un vaste portique (correspondant à l’entrée éboulée de la tour). De même, l’environnement des ruines est décrit comme un champ solitaire envahi par les fougères sauvages et couvert de pierres dressées, semblables à des menhirs... Cette description correspond tout à fait aux différentes découvertes faites lors de cette étude.
Un autre extrait troublant...
Enfin, voici un extrait du roman d’Eugène Marchand « La nuit de la Toussaint ». Eugène Marchand, romancier du 19ème siècle (1823-1861), thiernois de naissance, a écrit son roman, loin de son pays, en 1859. Dans un style moins romanesque, l’auteur nous fait une description de Montguerlhe très troublante.
« A une lieue environ, sur la gauche, la ville de Thiers, du fond du pont de Séchal escalade hardiment les roches qui encaissent la Durolle, groupe ses toits cannelés de tuiles rouges et ses légers belvédères à la base de la massive tour qui domine, et de là envoie ses longues rues dans toutes les directions éparpillant ses maisons blanches au milieu des pampres verts des vignobles qui l’entourent de toutes parts.
Enfin, par-delà, au troisième plan, s’étend l’immense plaine de la Limagne où brillent par intervalles, comme des fragments de miroir, les belles eaux de la Dore, et terminée à l’horizon par la chaîne imposante des volcans éteints de l’Auvergne.
A un quart de lieue environ de Margeride, du côté du levant, on aperçoit sur un monticule, le château de Montguerlie, qu’enveloppe en partie un triple rempart flanqué, de distance en distance, de tours énormes dont il ne reste que la base. Du milieu d’un vrai chaos de ruines se dressent encore un donjon aux flancs entrouverts portant fièrement sa demi couronne de créneaux ébréchés, et un pan de muraille si noire qu’on serait tenté de la croire carbonisée par le feu de l’enfer.
A mesure que l’on s’enfonce vers ces lugubres ruines, la montagne devient de plus en plus stérile, à peine si quelques brins d’herbe percent à travers les fentes des pierres ; bientôt cesse toute végétation, et l’on ne voit plus autour de soi que des rochers semblables à de la pierre ponce, d’un gris blanc, et si friables qu’ils s’écrasent sous les pieds.
Ce qui surprend le plus aux abords du château, c’est de remarquer dans ce sol si aride, si désolé, des traces incontestables d’immenses jardins, des fontaines sans eau, des bassins vides, des becs de jets d’eau taris, enfin de gros troncs d’arbres où la sève, depuis longtemps ne circule plus, et dont le bois, blanc et sec, comme l’amadou, se réduit en poussière sous les doigts.
Comment expliquer cette aridité, qui contraste d’une façon si étrange avec ces traces si manifestes de fécondité et de végétation ?
« - Par la disparition des sources d’eau qui arrosaient autrefois ces jardins, répond l’imperturbable savant. »
« - Mais pourquoi l’eau a-t-elle cessé de couler ? »
Le second pourquoi est presque toujours indiscret dans les sciences. Aussi je trouve tout aussi logique et bien plus intéressant d’attribuer la cause de cette aridité à la malédiction qui, au dire des montagnards, s’est attachée à tout ce qui entoure Montguerlie, depuis la mort de son dernier propriétaire, lequel (toujours selon la chronique du pays) après avoir vendu son âme, aurait été entraîné aux enfers à l’échéance du bail. L’on n’a qu’à faire l’ascension de la montagne, la veille de la Toussaint, pieds nus et un cierge allumé dans la main gauche pour voir apparaître le fantôme du maudit jetant des poignées de louis au milieu des flammes. »
Plusieurs éléments sont à retenir dans ce passage. Tout d’abord, une nouvelle orthographe pour notre château : « Montguerlie » ce qui nous indique l’existence de plusieurs orthographes.
Montguerlhe nous est présenté sur un monticule, entouré en partie par une triple enceinte. La troisième enceinte est mise en évidence ici et l’auteur ne manque pas de noter qu’elle entoure seulement en partie notre forteresse ; c’est aussi ce que l’on peut observer aujourd’hui au Nord et à l’Est.
Une chose nouvelle apparaît néanmoins. Cette enceinte est décrite comme flanquée, à intervalle régulier, d’énormes tours dont il ne reste que la base. Aujourd’hui, il ne reste aucune trace significative sur le terrain de ces fameuses tours qualifiées d’énormes. On peut noter tout de même, à certains endroits, le long du tertre, des tas de pierres éboulées mais rien ne prouve qu’ils sont les restes de tours ou de l’enceinte. La présence éventuelle de ces tours de flanquement dans la troisième enceinte modifierait profondément l’image que l’on peut avoir de Montguerlhe puisqu’elles entraîneraient un système de défense élaboré et puissant, nécessitant la présence d’une garnison importante, pour défendre chacune de ces tours. L’auteur a-t-il inventé ces tours de flanquement pour le besoin de son roman ou a-t-il simplement retranscrit la réalité ?
L’auteur nous fait part également de la présence d’un pan de muraille carbonisé, de couleur noire. Le château aurait-il subi un incendie ? Ce pan de mur est vraisemblablement le mur Ouest encore debout. Aujourd’hui, les restes de murs de Montguerlhe ont une couleur grise plutôt claire.
Enfin, une dernière chose troublante apparaît dans cet extrait : la présence des restes d’immenses jardins, de fontaines, de bassins et de becs de jets d’eau. Cette description est assez étonnante mais elle ne semble être que pure fiction. En effet, Montguerlhe fut un château militaire, conçu uniquement pour défendre la région et servir de dissuasion aux envahisseurs. Il n’a pas été construit dans un but de résidence seigneuriale, luxueuse, avec jardins, fontaines et bassins. De plus, la présence de becs de jets d’eau impliquerait un système de canalisations complexes ce qui paraît inimaginable : Montguerlhe ne ressemble pas à Versailles. L’auteur parle peut-être de l’abreuvoir et des divers points d’eau découverts à 300 mètres au Sud-Ouest de la ruine ? Difficile de voir en ce lieu d’anciens jardins et fontaines. Les sources légendaires de Montguerlhe jaillissent à nouveau.
Cet extrait possède certainement des éléments réels sur Montguerlhe mais la fiction du roman a dû l’emporter dans certains passages. Restons tout de même prudents dans notre analyse car Montguerlhe n’a pas fini de nous livrer tous ses secrets.
Ensuite Eugène Marchand nous parle du donjon (la tour maîtresse carrée) aux flancs entrouverts portant sa demie couronne de créneaux ébréchés. Encore un nouvel élément : la tour possède une partie de son sommet avec ses créneaux en mauvais état ce qui voudrait dire, si l’auteur décrit la réalité, qu’au milieu du 19ème siècle, la totalité du flanc Sud était encore debout ; avant 1859, les restes de cette tour étaient donc de 7 à 10 mètres plus haut qu’en 1904.
L’avenir ?
Parler d’avenir pour un château qui fait partie du passé depuis fort longtemps peut paraître paradoxal. Pourtant j’ai envie d’y croire.
L’avenir réservé par beaucoup à ces ruines, c’est de laisser le temps et la nature accomplir leur inexorable destruction et de mettre à terre définitivement le mur Ouest encore debout. D’ici quelques années, on peut même penser que l’ensemble, ne présentant aucun intérêt si ce n’est pour quelques nostalgiques de la pierre dont je fais partie, disparaîtra sous la broussaille et le chaos, ou que les hommes, avides de profit, finiront par planter au sein même des ruines, des conifères. Au bout de quelques années, Montguerlhe ne sera plus qu’une mention dans quelques archives oubliées…
Après l’énoncé de ce « brillant » futur, j’ai envie d’espérer à un meilleur destin, voire à une résurrection. Tout d’abord, la première des choses est de convaincre le propriétaire du château qu’il faut réagir, et vite. Evidemment, le propriétaire seul ne pourra pas faire grand-chose. Il faut donc créer une association de sauvegarde des ruines. Peut-être l’association Escotal… qui, avec d’autres associations, pourront se réunir et additionner leur force. Peut-être même qu’un engouement de la population environnante naîtra pour ces ruines. Au vu des discussions engagées avec le propriétaire et la conjoncture du moment, on envisagera ou non l’achat de celles-ci. A ce stade, il faut trouver une source de financement importante : les dons, les communes, la ville, la région, l’état… Seules des personnes motivées et passionnées pourront passer cette étape et pour intéresser d’éventuels partenaires, la constitution d’un dossier sérieux et complet est primordiale.
Une fois tout ceci réglé, pourront se mettre en place des fouilles par un organisme agréé, sous la tutelle d’un archéologue professionnel. Elles permettront de mettre à jour la totalité des fondations du château, la présence éventuelle de salles souterraines, peut-être la mise à jour d’objets (pièces de monnaie, armes, poterie, bibelots, etc.). Cette campagne de fouilles pourra s’accompagner d’une campagne de restauration et de sauvegarde des murs encore debout et en fonction du résultat obtenu, diverses actions pourront être envisagées : création d’un mini musée dans un des villages proches qui regrouperait les découvertes faites lors des fouilles.
En rêvant un peu, on pourrait penser reconstruire partiellement à l’identique certaines parties du château, rebâtir une partie des enceintes et de la tour carrée. En tout cas, le site pourrait considérablement être mis en valeur afin de devenir un lieu attractif pour les habitants de la région et pourquoi pas pour les touristes : chemins balisés, panneaux d’informations, bancs, espaces verts… Des visites du site en direction des scolaires et des personnes intéressées pourront aussi être organisées. En tout cas, il faudra veiller à ne pas dénaturer le lieu.
Cette vision future du château peut sans doute faire sourire mais l’espoir fait vivre… Prenons l’exemple d’André Kristos et regardons le résultat de ses convictions et de sa volonté. Qui aurait pensé, il y a 15 ans, que la Vallée des Rouets, deviendrait un lieu incontournable de la région thiernoise ? Les cartes postales de 1904 et 1932 nous prouvent que le château de Montguerlhe était, dans ces années, un lieu visité et apprécié.
Sa sauvegarde et son avenir dépendent de nous tous...
Conclusion
Thiers - Montguerlhe fut une route très importante pendant de nombreux siècles. S’il est quasiment certain que ce chemin existait déjà au 10ème siècle, on peut penser que son origine est plus lointaine : mérovingienne, voire gallo-romaine.
Cet axe, portion de la route Clermont - Lyon, permettait le transit d’hommes et de marchandises. On peut imaginer pèlerins, marchands, paysans, voyageurs, religieux, seigneurs et soldats arpentant ce chemin pentu.
L’importance stratégique de cette route entraîna la construction d’un point fortifié permettant d’en contrôler le flux : ce fut Montguerlhe. Le château actuel, en pierres, fut bâti vraisemblablement aux alentours du 11ème siècle. Existait-il à l’époque, sur le site de Montguerlhe, les bases d’une forteresse plus ancienne en bois, elle-même construite sur les fondations d’un oppidum ? Peut-être, un jour, aurons-nous la réponse ?
Montguerlhe connut son apogée entre le 11ème et le 15ème siècle, avec peut-être un dernier coup d’éclat militaire lors d’une bataille contre les Anglais pendant la guerre de Cent Ans. L’arrivée du canon à poudre dans les deux derniers siècles du Moyen Âge signa l’arrêt de mort des vieilles forteresses bâties vers l’an mille. Pourtant le château traversa indemne cette interminable guerre comme l’attestent les approvisionnements et l’entretien régulier au 16ème siècle, mais comme beaucoup, Montguerlhe perdit, avec le temps, son importance militaire : toutefois il joua, au moins jusqu’à la fin du 17ème siècle, un rôle économique en servant de péage aux voyageurs et fut vraisemblablement démantelé au 17ème siècle.
Un jour, soit à cause du délabrement avancé du château, ou simplement parce que le tracé de la route Thiers - Lyon fut modifié, le château de Montguerlhe n’eut plus aucun intérêt pour personne et fut laissé à l’abandon. Il devint donc, entre le 18ème et le début du 20ème siècle une carrière à pierres pour l’ensemble des habitants des environs. Les cartes postales du début du 20ème siècle montrent que ce site fut, au moins jusqu’à la deuxième guerre mondiale, un lieu de curiosité et un endroit « touristique », le but de nombreuses promenades du dimanche.
La suite est moins glorieuse. Avec la fin de Fermouly, puis l’exode rural de l’après seconde guerre mondiale, le site de Montguerlhe fut couvert d’une plantation de résineux. La végétation envahit le site et les ruines, les intempéries achevèrent de mettre à terre les restes du château et les arbres, en grandissant, cachèrent la vue du site aux habitants et aux promeneurs.
Aujourd’hui, à l’aube du troisième millénaire, le château de Montguerlhe n’est plus connu que par un nombre restreint de personnes et un nombre limité d’entre elles est capable de le localiser.
Pour le promeneur, un peu rêveur...
Ô, promeneur, ne sois pas déçu ! Tu ne vois en moi que tas de pierres et broussailles. Tu as fait tant d’efforts pour me trouver à travers ce dédale de chemins et de bois et mon triste spectacle te désole ; tu t’attendais certainement à mieux. Mais comme tu es venu me voir, je vais te raconter mon histoire...
Regarde les restes de mon mur Ouest et imagine le nombre d’aurores et de couchers de soleil qui m’ont caressé durant ce millénaire. Perché sur mon plateau, j’en ai subi, des intempéries, des averses grignotant mon mortier et déchaussant mes pierres, tous ces orages et cette foudre qui venait frapper ma tour. J’en ai connu, des hivers rigoureux, des tempêtes de neige qui ont recouvert mes murs, sans parler des vents glaciaux qui sifflaient dans les fissures de mes enceintes ! J’en ai vu, des nuits étoilées et des nuits noires. Combien de fois j’ai conversé avec la lune sur ce satané temps qui passe ! Les étés, parlons-en : des chaleurs interminables où le soleil cognait sur mes pauvres pierres !
Et les hommes, ces être bizarres, ceux-là même qui m’ont créé ont fini par m’abandonner un beau jour, me trouvant trop vieux et inutile. Ce sont eux qui sont venus me démanteler et se servir de moi comme d’une vulgaire carrière. Et tous les jours qui ont suivi, j’ai écouté ce bruit insupportable de mes pierres qui tombent une à une ou par pan entier.
Pourtant, j’en ai vu, flâner des rêveurs ! Je me souviens de ce jeune romancier nommé Eugène, de cette charmante Lucy, de ce brillant Alexandre et plus récemment du curieux Jean-Luc et du pensif Michel... Et tous ces anonymes, qui, lors d’une promenade, sont venus me voir, moi la mystérieuse ruine. Et ces petits garnements qui sont venus jouer dans mes ruines, se prenant pour des chevaliers en armure et n’ont fait que prendre plaisir à accélérer mon hémorragie. Aujourd’hui, je suis aveugle, je ne peux plus voir ma seigneurie entourée par cette forêt. Même mon nom, ils l’ont déformé : certains m’appelaient Montguerhe, d’autres Montgurlhy ou bien Montgerlhie ou encore Montguerlie... Pourtant je m’appelle Montguerlhe, « le mont d’où l’on peut guetter ».
Toi le rêveur qui m’écoute, approche-toi un peu, touche mes pierres, fait un effort et elles te parleront ... Autrefois, j’étais un château puissant : du haut de ma montagne, je dominais la région. Ma tour maîtresse carrée et mes trois enceintes me donnaient belle allure et imposaient le respect à toutes les seigneuries environnantes. Je me souviens du passage, il y a bien sept siècles, de Guillaume IV, accompagné de sa femme et de son père Guy qui avaient trouvé en mes murs tranquillité et sécurité. Et un siècle plus tard, si seulement tu avais vu comme j’ai contenu les assauts de ces diables d’Anglais pendant cette guerre interminable. Je me rappelle aussi, quelques années plus tard, l’illustre Charles VII qui, à l’issue de cette maudite guerre était passé au pied de mes enceintes pour rejoindre Celles. J’en ai vécu, des guerres et des conflits, devenant tantôt auvergnat, tantôt forézien ; cette frontière avait une sacrée bougeotte… !
Et sans parler de ces générations d’hommes et de femmes que j’ai vu se succéder. Tous ces enfants que j’ai ensuite connu vieillards...
Ah, tu es toujours là, mes vieilles histoires ne te lassent pas. Je suis vieux et fatigué et l’avenir me paraît incertain. Pourtant, je m’accroche encore au milieu de ma forêt, espérant qu’un jour je reverrai à nouveau mon pays. Merci à toi promeneur d’avoir rompu un moment ma solitude. Tu devrais rentrer, car la nuit tombe vite dans ces bois sombres. Tu sais, j’ai encore beaucoup d’histoires à raconter, alors, à bientôt...
Remerciements, bibliographie et références dans le diaporama
Cette chronique est la dernière. Brochure éditée par Escotal sur "Le château de Montguerlhe" Auteur : Laurent Mosnier.
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