Chanson de Taillandier
À lire précédemment : avant-propos
L’auteur de cette chanson pour mieux se faire entendre s’en fut la chanter à quatre heures du matin sous les fenêtres dudit Taillandier. Celui-ci furieux pris son fusil et poursuivit le chansonnier jusque chez lui.
I
Le cognioussez-vous
Quel sal rachou,
Qu’y trito puri,
Que devez moisi,
Quel icrouela,
Quel igorala,
Quel icrouesaniou
Quel pudrain to viou ?
II
O couy’ no chorogno
Cheya pas itonna.
Couy le sa de mardo
Qu’y débondouna
Couy’no marmelade
Remplido de vè.
N’o re de chi sal
Dedhin l’unièé
III
Paure molhirou,
Te sé pas hirou.
Et dhin pô de jour,
Pauvre postremou,
Là grôla vendront,
Et te goloront.
Vé donc te coter
Vé donc t’obriter.
IV
I zou te conseille,
Et ne tarde pas,
Ou be lo poliço
Foro quoqui pas.
Car té sé trop sale.<
Crégeo me donc bien,
Quitto me lo viallo
Et vé t’ein bien lhin.
V
Paure écrouela,
Paure igandola,
Te sé impesta.
Zou chinti tu pas !
Ton chancre pissou
Te rugeo torjou.
Conservo tou piou
Sont de grand secou.
VI
Mâ ce que m’itonno
(Vôtri peinsa donc !)
Co’ quello chorogno
Se bouélo de ton !
O bavo ! O jaso !
Féï le précieux
Portot se faufialo
Féï l’officieux
VII
Jusqu’o vé Paris
Et se zou o dhit
Bouélavo d’avis
Qu’ayont bien précis.
Fuguet commandant
Et dhint un instant
Tot réussiguet
Quand ô conseillet
VIII
Imbi Lo Fayetto
Ayont tot gueta.
Bras dessus dessobre
Ont réglassions l’Itat
Ve lo Poudrero.
Et moun héros
Ce qu’i vous roconto
Couy de sou propos
IX
Ch’o l’ayot vogu
Couy bien einteindu
Se bien distinguer
Et se préseinter,
O chiyo ita
(Y l’ont invita)
(O être préfet)
Quet tant gentche oset !
X
Mâ, vôtri, quel homme
N’y pas aimbichou.
Ol o de fortuno
Ol y fouo hirou.
Ol y pas do nombre
De lou parvingus.
Chi’ans de mémoère
I seins convingus
XI
Quand y éront lhan
Que fogeont pim-pan
Imbi cou mortiaux
Qui ayont tant chaud !
Et son paure grand
Somblavo Satan
Sorthi de l’Einfè
Tant ôl Exot niè !
XII
Bioure quoquo pinto
Por se soulager
De casser ’no croûte.
Cou eyot fricoter
Bi in pô de fromo
Et de vieux jonot, (1)
Imbi quoqua séba
Dedhint un iclot.
XIII
Quo ou y qu’oïot crigu
Que lou o vegu
Chi malfondu,
Oneu chi cossu !
Que pôt on peinser
et s’imaginer ?
Faut vous introcer
Seins vous étonner.
XIV
Quand la cormoniolo
Se chantavo tant
Dessos Robespierro
I soffrichins tant,
Que lo guillothino
Fogeot sa fonchou
Co ’eyot l’honnête homme
Qu’eyot molhirou
XV
N’ayot be d’hirou
Co ’eyot lou autou
Do roge bonnet
Me soveigne be
Y n’avont requis
Le fé et l’oci
Et por lou poyer
Imbi de papé
XVI
Do quet brigandage
Nous soveigneins bien
Laisseins chi quell’image
Y n’ivains trop lhin.
Chi ont fouait, fortuno
Couy dam pé por iou
Le prix se succédo
Jusqu’o lou rejeton.
XVII
Paure marmiton
Imbi ton grand ton,
Et ton gentchi habit,
Et tot ton esprit,
T’o biau te signoler,
Et te préseinter,
Quand y te cognioutront
Y te chasseront.
XVIII
Chez madamo Barge
T’ont be méprisa.
Et moussieu Gourbine
T’oguet tôt chassa.
Imbi to fortuno,
Et ton éducocho,
T’o possa o lo porto
Commo un polisso.
XIX
Eh be ! Do quet ton
Que pensi-tu donc
Do quello chansou
Qu’y o mo foçou ?
Couy lo verita
Que t’o mérita
Que me féï rimer.
Salut Taillandier !
(1) Mélange provenant des fromages qu’on n’avait pu vendre, et qu’on mettait ensemble macérer dans un pot de grès, avec du poivre et de l’eau-de-vie. Lorsque la fermentation en avait fait une pâte coulante, on la vendait sur le marché à la cuillère.
Chansons patoises de la région de Thiers, recueillies par Alexandre Bigay. Première édition parue en 1926.