Celui qui ...
Celui qui revint sur ses pas, celui qui ne partit pas. Pris de remords peut-être ou manque de courage, voilà une tenaille difficile.
Celui qui lisait, celui qui ne savait pas lire. Mais n’est-ce pas plutôt un manque d’intérêt, plus grave une absence de désir ?
Celui qui marchait la tête haute, celui que l’âge plia. Force du temps, force des choses, tout prendre mais ne pas se courber, lutter, rester droit : vite dit.
Celui qui vivait dans l’ombre, celui qui cherchait la lumière. Quitter le désert, aller vers le beau.
Celui qui racontait des histoires, celui qui faisait semblant d’y croire. Les deux ont du mérite.
Celui qui parlait d’amour, celui qui essayait d’écouter. Y croire toujours, à l’amour, pour toujours.
Celui qui parlait aux chevaux, celui qui en avait peur. Suivre la barrière, doucement, murmurer en espérant l’échange. C’est possible.
Celui qui visa le cœur, celui qui ne tira pas. Pourtant, le fusillé tomba. Des deux du peloton, lequel sera puni dans l’absolu, le soldat obéissant ou celui dont le coup ne partit pas ?
Celui qui allait à confesse, celui qui allait à la pêche. Tous les pêcheurs ne se ressemblent pas, question d’amorçage sans doute. Tenter de supprimer les arêtes ou aller directement à ce qui est agréable.
Celui qui était fidèle, celui qui ne voyait que l’autre côté de la barrière. Le toujours plus dans un domaine où l’on peut pourtant tout avoir.
Celui qui avoua, celui qui ne parla pas. Honneur à celui-là qui, dans la résistance, trouva le trépas.
Trouvons le pardon pour celui qui, dans la douleur et les tourments, ne résista pas.
Celui qui aimait, celui qui ne comprenait pas. Quand l’amour n’est pas réciproque, c’est comme le courant alternatif, on ne peut s’aimer l’un après l’autre, sinon ça clignote.
Celui qui ‘’fauchait’’ du blé, celui qui n’en avait pas. Résultat d’un comportement de manque qui peut se traduire par s’accaparer ce que l’autre possède. Ah si la fortune était partagée, chacun pourrait choisir sa misère là où elle fait moins mal !
Celui qui jura, celui qui se parjura. Relaps est l’état de celui-là. Le serment, de nos jours, est devenu rare, il n’en est que plus précieux.
Celui qui voyageait loin, celui qui allait encore plus loin, seul dans sa cellule. Le voyage intérieur est sans limite, encore faut-il en trouver le chemin.
Celui qui avait de l’ambition, celui qui n’y voyait qu’un sentiment inutile, comme une caricature de l’idéal. Pourtant, en toute chose, il y a une mesure.
Celui qui allumait une bougie, celui qui maudissait l’obscurité. C’est bien connu, la lumière ne peut surgir que dans l’obscurité, c’est là qu’est l’espérance.
Celui qui cherchait le chemin du bonheur, celui qui pensait que c’était simplement continuer à désirer ce que l’on possède.
Celui qui attendait le plus beau jour, celui qui savait que c’était aujourd’hui.
Celui qui, aveugle, voyait, celui qui était sourd entendait. Ce n’est pas toujours avec les yeux que l’on voit ni avec les oreilles que l’on écoute. Mais quel don de la nature quand tout marche dans l’ordre.
Celui qui était le dindon, celui qui n’en était que la farce. On fait ce que l’on peut.
Celui qui aimait les chats, celui qui lâchait les chiens, à chacun son point de vue.
Celui qui était sur un petit nuage, celui qui ne comprenait rien à la météo.
Celui qui courait au dehors de la vie, celui qui croyait que c’est au cœur de l’être qu’habite la Vérité.
Celui qui s’habitue à la barbarie, celui qui, bienheureux, n’a pas ce ‘’courage’’.
Celui qui marchait droit, celui qui empruntait un chemin biscornu, peu importe, la droiture n’a pas de chemin précis, l’important est de ne pas dévier du plus juste.
Celui qui parlait de défaites, celui qui parlait d’un nouveau jour. Une bataille perdue ne veut pas dire que la guerre l’est.
Celui qui parlait de l’automne de la vie, celui qui parlait de souvenirs. Il est un temps où la nostalgie s’insinue, c’est là qu’il faut se souvenir de ce qui était beau et rêver de ce qui peut l’être encore en acceptant que c’est dans l’ordre des choses.
Celui qui avait les yeux grands ouverts, celui qui voyait avec le cœur. D’où vient le beau regard ?
Celui qui louait la mémoire, celui qui disait que c’était une science mais celle des ânes.
Celui qui savait s’arrêter, celui qui, dans ce fait, ne voyait que du mou et de l’affaibli. Marquer un temps d’arrêt, c’est comme refaire le plein des sens ! Le carburant est nécessaire.
Celui qui marchait sur l’eau, celui qui n’avait pas de pot ou plutôt celui qui buvait la tasse !
Celui qui n’y voyait que du bleu, celui qui voyait rouge.
Celui qui gobait la lune, celui qui voyait trente-six chandelles, à chacun sa croyance, sa source de lumière.
Celui qui mâchait son frein, celui qui ne monta pas le cheval, tant celui-ci piaffait d’impatience.
Celui qui enfilait des perles, celui qui avait perdu le fil.
Celui qui marchait sur l’eau, celui qui était sur un petit nuage, la grâce peut se nicher partout.
Celui qui bâfrait, celui qui jeûnait, que remplir en premier : l’estomac ou l’esprit ? C’est pourtant facile de choisir.
Celui qui, en bon boucher, affûtait sa feuille, celui qui, doux comme un agneau, meuglait comme un veau.
Celui qui se distinguait, celui qui se noyait, est-ce que savoir nager change tout ?
Celui qui cultivait un petit jardin, celui qui misait tout sur un bonheur intellectuel.
Celui qui croyait au mythe de l’âge d’or, celui qui croyait à celui du bon sauvage.
Celui qui pensait, celui qui rêvait, celui qui créait, celui qui travaillait, celui qui pleurait, celui qui riait, celui qui priait, celui enfin qui, fatigué, s’endormait.
Jean-Paul Gouttefangeas
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Photo de Vincent Treussier, extraite de l’album 500 jours à vélo.