Ce que peut inspirer l’hiver
J’ai eu envie d’évoquer l’hiver, le froid, mais pas un froid glacial, non, plutôt un ‘’froid chaleureux’’. Un froid dont on pourrait voir la beauté, un froid capable de faire monter en nous des souvenirs, des sentiments, de donner à réfléchir.
Pour ce faire je suis parti marcher cet après midi dans la montagne toute proche, juste au dessus de la ville, là où depuis quelque temps l’automne a fini de mûrir les feuilles. Il avait neigé, le ciel était un peu gris mais c’était beau, c’était grand et reposant, propice à laisser l’esprit vagabonder comme un appel à visiter la face intérieure de la vie. Un élan pour revenir sur ce que l’on a pu dire, penser ou faire, c’est sain parce que l’oubli est une douleur.
J’avançais, le chemin de la montagne se laissait fouler, mes pas défloraient la surface blanche et vierge du sol, il me semblait que parti d’une torpeur douce, dans un murmure seulement perçu par moi le ton augmentait jusqu’à devenir une vision ou plutôt une musique atténuée de fanfare. Oui, ‘’ le bonheur n’est pas toujours dans un ciel éternellement bleu mais dans les choses les plus simples de la vie ‘’. Je devinais qu’au dessus des nuées gracieuses comme un gris de tourterelle, un soleil luisait sûrement depuis la pleine matinée. C’est curieux quand la neige a neigé et que les flaques d’eau gisent, gelées, peuvent apporter comme un bol de satisfactions. La promenade en forêt dans ces conditions, sous la neige, agit comme un filtre de nos pensées, on oublie ce qui nous tracasse, c’est un appel à la réflexion. Il est vrai que l’on fait des barrages aux souvenirs malheureux et que, lorsque la pression est trop forte ils cèdent à l’assaut d’une vague déferlante. Cette lumière nivéenne à un nom : splendeur ! Le beau émotionnel est un travail de l’âme, pour celui qui sait voir, la forêt s’ouvre et apparaît une clairière. Chaque tournant apporte son lot de surprises et de découvertes. C’est bien de se sentir debout sur ses pieds et de croire au matin en regardant du côté où le soleil se lève.
J’aime à me laisser aller où mes pas me portent et où ma pensée vagabonde pour essayer de grappiller encore quelques restes de l’Âge d’Or, quelque chose qui parle de l’Auvergne et des gens de ce pays, en faisant sortir la magie des mots du réservoir où ils sont enfouis, ceux qui savent nous transporter vers d’autres rivages en nous enivrant longuement des senteurs de la poésie.
Je connais ce poète Jérémie que l’on rencontre trop rarement à Thiers, qui écrit : ‘’ j’essaie toujours de suspendre aux branches la poésie, l’espérance, l’art, c’est ma défense et ma force’’.
C’est cette race d’hommes qui nous fait sortir de la nuit, souvent il arrive que l’on marche à tâtons dans le noir et puis quelqu’un allume la lumière en nous rapprochant de la beauté de la douceur humaine qui existe toujours. Il nous faut partager de l’humain, de l’humanité en accédant à des sphères où se trouve la vraie beauté.
Non, je ne suis pas le ravi de la crèche, je vois la noirceur du monde, tout n’est pas comme nous le souhaiterions, souvent nous n’oserions pas avouer ce que nous faisons. Gardons en nous ce qu’il y a le bon dont nous sommes aussi faits. Que voulez-vous, comme le dit le proverbe : ‘’là où la chèvre est au piquet, il faut bien qu’elle y broute ‘’ !
Même dans la beauté de la montagne qui m’entoure et me parle, je sais bien que cette espèce humaine dont je suis est la championne des destructions en tous genres dans le domaine de la biologie. Je sens bien qu’un jour, comme tant d’autres le prévoient, notre planète ne sera plus habitée que par des humains, nous serons les seuls survivants avec pour ‘’compagnons’’ les animaux d’élevage, pour ces derniers à quoi seront-ils réduits ? Je n’ose pas l’imaginer !
J’espère malgré tout que nous irons longtemps encore boire aux fontaines de félicité, mêlés aux êtres bons et aux moins bons, parce que je n’aime pas avoir à choisir pour ceux-ci entre le ciel et l’enfer, j’ai des amis dans les deux endroits ! N’essayons pas de vivre l’impossible, contentons nous de vivre ce qu’il y a de meilleur, ce choix s’appelle vivre en se disant que chaque matin peut-être une promesse de départ.
Mais ces réflexions dont je vous fais part, finalement, sont-elles celles par lesquelles nous nous identifions en tant qu’individus, ou ne serait-ce pas plutôt la conscience de l’humanité plutôt qu’une conscience individuelle ? Nous ne disons pas tout parce que nous ne maîtrisons pas la manière de le dire, peut-être est-ce plus facile de l’écrire ? Comme l’a si bien dit Alexandre Vialatte : ‘’ l’homme n’est que poussière, c’est dire l’importance du plumeau ‘’ !
Le jour déjà déclinait, il me fallait quitter un monde du silence pour rejoindre la maison où devaient se réunir dans la soirée des amis pour un petit véglione que je n’avais plus vu depuis longtemps. ‘’ Quand mes amis me manquent, je fais comme pour les échalotes, je les fais revenir au vin blanc’’ ! (et puis c’est bien connu, une bauge vide ne peut tenir debout), ça marche, aussi vrai qu’il n’y aura pas d’arêtes dans la dinde de Noël !
Ma chronique n’est sûrement pas sérieuse, mais ceux qui refusent de se distraire, qui ne racontent jamais de plaisanteries et rebutent ceux qui les disent, ceux-là sont des vicieux pénibles et mal élevés, ce n’est pas moi qui le dis, c’est St Thomas d’Aquin ! Moi dont la jeunesse de la vieillesse est déjà bien entamée, il vaut mieux prêter à sourire que donner à réfléchir !
C’est curieux comme la neige de l’hiver peut inspirer et mener à l’évasion.
Jean-Paul Gouttefangeas