Quatre de chiffre

Actes du 88e Congrès national des sociétés savantes, Clermont-Ferrand 1963. Section d’archéologie. Imprimé à Paris en 1965.
Domaine public.

Contribution à l’explication de la présence abondante du "Quatre de chiffre" sur divers monuments ou habitations de la région thiernoise

Aucune explication réellement complète n’a encore été donnée sur la signification exacte du «  Quatre de chiffre  ».
Sa présence est constatée, en abondance insolite dans la région thiernoise, sur nombre de monuments ou d’habitations bourgeoises.
Il semble utile de dégager les hypothèses les plus plausibles concernant un sujet sur lequel on ne rencontre guère de traces écrites réellement probantes, pour la bonne raison que les figurations plus ou moins occultes du chiffre « 4 » ont, au cours des siècles, été utilisées de façons extrêmement diverses et parfois contradictoires.

En décembre 1958, nous fûmes intrigués par la présence, en l’église Saint-Genès de Thiers, d’un écu comportant en premier et en quatrième les armoiries du bienfaiteur de cette élégante chapelle Renaissance ; sur les deux autres quartiers était sculpté le chiffre 4 dont la branche horizontale était prolongée par une croix avec, au-dessous, une double ligne et un double chrisme relié aux initiales O et S.
L’écu, supporté par deux angelots, était surmonté d’un casque taré à demi-profil et relié à l’écu par un sceau ; au-dessus du heaume se trouvaient une couronne et une colombe. Au-dessous de cet ensemble, une banderole portait la devise : « Suffisance et Dieu servir  ».
On peut voir, fixés horizontalement à la voûte de cette chapelle, les quatre médaillons de saint Marc, saint Matthieu, saint Luc et saint Jean, ce dernier se trouvant en face de l’entrée. Quatre autres médaillons verticaux, figurent avec leurs attributs, les quatre vertus morales ou cardinales : Tempérance, Force, Prudence et Justice.
Cette chapelle a sans doute été construite par Jehan II Ossandon, qui avait fondé en 1523 deux vicairies en l’église Saint-Genès. C’était un marchand bourgeois, qualifié de noble et d’écuyer, enrichi dans le négoce du papier et de la tannerie, seigneur de l’Holière, des Horts, de Cognord et de la Bâtisse.
Nous nous souvenions avoir vu sur le linteau de la porte du cellier d’une ancienne demeure d’ Aubusson-d’Auvergne, un dessin comportant le chiffre 4 dont la branche horizontale était également terminée par une croix, mais orientée à gauche.
Par la suite, nous avons découvert bien d’autres chiffres 4, parfaitement sculptés, entre autres, sur une cheminée au premier étage d’un immeuble au n° 18 de la rue Conchette à Thiers, sur la cheminée d’ure maison de la place La Fayette, sur un très curieux baptistère servant à l’heure actuelle de bénitier dans la chapelle de l’Hôpital, à l’intérieur d’un immeuble rue du Pirou, au domaine des Berauds, sur une tapisserie se trouvant à l’origine au manoir du Franc-Séjour et, gravé à deux reprises sur des linteaux de portes de maisons dépendant de la très ancienne communauté paysanne des Pinon.
L’une des plus curieuses de ces figurations est sculptée sur la belle porte Renaissance du n° 10 de la rue du Bourg. En effet, l’écu comportant le «  Quatre de chiffre  » est posé à l’envers, ce qui peut donner une fausse interprétation des signes qui s’y trouvent. À notre avis, cet écusson devrait être retourné, ce qui permettrait de distinguer, en haut, une sorte d’oriflamme souligné de deux croisillons avec, au-dessous, une lettre gothique « G » et, dans le fond, le chiffre 4 renversé ; à droite de l’écu, on peut voir une ornementation entrelacée de 4 feuilles et de 4 fleurs.
Négligeons, pour le moment, les centaines de chiffres 4 soigneusement gravés dans les pierres de l’ancien couvent des Visitandines, rue de Barante, car il s’agit, sans doute, de marques de tailleurs de pierres.

Par contre, il existe à Thiers, dans une petite cour peu connue du n° 4 de la rue du Bourg, sur un escalier du XVIe siècle, une curieuse sculpture représentant un écu scellé à un arbre et supporté à gauche par un lion assis et, à droite, par un coq debout. Le blason comporte le chiffre 4 en tête, avec la branche horizontale terminée par une croix ; au-dessous, le chrisme surmontant deux traits et, plus bas, une sorte de lettre « A », accostée de deux initiales.
Le symbole est évident, car l’arbre soutenant l’écu est l’arbre de vie, ou arbre des Séphiroth, ou encore celui du bien et du mal, dont les racines plongent dans la Terre et dont le feuillage tend vers le Ciel, pour relier l’infini au fini, l’abstrait au concret.

D’autre part, suivant une antique croyance, le chant du coq faisait fuir le lion et, dans l’église primitive, le coq était le symbole de la vigilance chrétienne et du zèle pour le service de Dieu. Pour d’autres, il annonçait la fin de la nuit et le triomphe prochain de la lumière sur les ténèbres. Nous sommes persuadés qu’il serait intéressant d’étudier le sens ésotérique de cette belle sculpture qui démontrerait que le coq commençait peut-être à devenir l’emblème national au XVIe siècle et non au XVIIe siècle.
A ce propos, un aimable correspondant nous a communiqué une photo d’une jarre chinoise du XVIe siècle, exposée au Musée Guimet à Paris et sur laquelle se trouve un chiffre 4 combiné à un signe de longévité et qui contacte le ciel et la terre par l’intermédiaire de l’arbre de vie, selon la symbolique tradition chinoise.
Disons encore que, dans le couloir du même immeuble noté ci-dessus, se trouve une gravure du XVIIe siècle, comportant une figuration stylisée du chiffre 4, accompagnée en particulier du chrisme simple et du chrisme double. On peut voir également, de l’autre côté du passage, un monogramme plus récent du Christ.
Bien sûr, nous avons essayé de trouver ailleurs qu’à Thiers des figurations du chiffre « 4 ». Rappelons pour mémoire, celles de Maringues et les blasons de Clermont-Ferrand, rue Verdier-Latour, et de Riom, rue du Marthuret.
Nous pouvons y ajouter une magnifique sculpture du début du XVIe siècle, située à Clermont-Ferrand, rue des Chaussetiers, dans la maison d’Hughes Savaron, et répétée à la voûte du magasin de la coopérative des maîtres-artisans cordonniers.
A Riom existent d’autres figurations de ce genre, où le chiffre 4, accompagné du chrisme, se dissimule parfois sous des motifs plus ou moins stylisés ; nous le retrouvons : rue Massillon, rue de la Harpe et à l’Hôtel Guimoneau dont la cour du XVIe siècle possède une décoration particulièrement raffinée, avec quatre médaillons et, sur une balustrade, quatre statuettes représentant les quatre vertus cardinales.
Récemment, M. l’architecte des Bâtiments de France a bien voulu nous communiquer les photos de deux belles figurations du début du XVIe siècle, se trouvant rue de la Rodade à Montferrand, dont l’une comporte le chiffre 4 surmonté de la croix et accompagné du double chrisme et d’un cœur.

Pour essayer de résoudre ce problème, nous avons effectué de longues recherches dans les archives municipales et régionales. Disons tout de suite que nous n’avons trouvé aucune trace réellement probante de la signification exacte de ce sigle et qu’elle offre sans doute des visages tellement multiples qu’il est nécessaire d’aller fort loin pour essayer d’en tirer une conclusion.

« L’analyse des documents sur les temps très reculés dans l’histoire des civilisations, leur interprétation, l’enchaînement des rites et coutumes connexes, montrent, qu’à des époques différentes et à des stades de civilisation distincts, toute une série de manifestations de l’esprit humain présentent une uniformité absolument constante dans ses lignes essentielles. Leur existence met en lumière le grand rôle qui incombe à la vie spirituelle des hommes de l’âge du Renne et de toutes les époques consécutives de l’âge de la Pierre préhistorique.
Ces manifestations de l’esprit humain nous apparaissent comme tellement significatives et elles sont tellement identiques à travers le temps et l’espace, qu’elles semblent calquées les unes sur les

autres. Les données du folklore et de l’ethnographie comparée corroborent cette assertion.
À l’époque néolithique, les manifestations du culte des ancêtres se retrouvent un peu partout sous l’apparence de silhouettes humaines schématiques gravées ou peintes sur les parois de grottes ou de dolmens, de vases ou de galets. Elles affectent souvent la forme stylisée d’une ligne centrale d’où partent les quatre membres (la figuration de la flèche comporte une hampe avec quatre lignes
opposées) et très souvent celle d’une roue à quatre rayons ; on en a retrouvé un grand nombre qui étaient peintes en rouge, car la couleur pourpre était précisément utilisée dans un but étroitement rattaché à des idées d’ordre religieux, magique et funéraire.
De même que les conceptions astrologiques ou alchimistes sont au point de départ des sciences physico-chimiques, et qu’il y eut les sept planètes ou les quatre éléments avant la vingtaine de corps simples de la chimie du XIXe siècle, de même, avant les principes de groupement des hommes en lois sociologiques à la manière de Durckeim, vers 1900, il y eut le groupement des faits naturels, biologiques ou humains en des participations explicatives et religieuses, rationnelles et mythologiques, à l’époque de l’enfance de l’Humanité.
Il est si vrai que les mêmes esprits humains dans leur travail rationalisateur ont passé par les mêmes hypothèses anthropomorphiques, que les mêmes légendes très simples — celles qui sont à la base des contes de fées — se remarquent dans les folklores de tous les peuples.
Des récits de création du déluge se retrouvent dans l’Ancien et le Nouveau Monde en un folklore universel ; et cela ne résulte pas tant de transmissions invraisemblables que des analogies fabulatrices, constructrices et scientistes des esprits humains de tous les temps.
Partout on aura même sens du sacré, même adoration des forces de la nature. Et à chacune des étapes de l’humanité, on peut retrouver — pourquoi pas ? — au moins possibilité de croyance à un Père commun de la famille humaine et de tous les êtres et phénomènes, en qui tous nous participons.

Nous avons donc recherché dans les civilisations anciennes ou plus proches de nous les éléments qui pouvaient sembler communs.
Certains ont une grande importance, d’autres ne sont cités qu’à titre anecdotique. La plupart ont évolué avec le temps. En tirer une conclusion définitive paraîtrait téméraire. Mais leur abondance est telle qu’il est impensable que seul le hasard les ait provoqués.
A notre connaissance, il y a très peu d’ouvrages sur la présence et la signification du chiffre 4 dans différentes civilisations. Nous avons essayé de faire une synthèse des remarques effectuées dans une abondante documentation puisée aux sources paraissant les plus sérieuses et que nous livrons pratiquement à l’état brut.
Disons également que nous avons été aidés dans notre tâche par nombre de personnalités dont les observations pertinentes nous ont été d’un précieux concours.

Dans les principales religions indiennes, aztèques, mayas ou incas, le chiffre 4 se retrouve fréquemment parmi les mythes solaires ou magiques. Il revêt une grande importance dans les rites du dieu ou de la déesse de la pluie, ainsi que dans l’observation des astres.
Chez les Aztèques, Tlaloc, le dieu de l’agriculture, puise dans quatre grandes jarres quatre espèces différentes de pluie, bénéfiques ou maléfiques. Ce peuple attribuait une importance spéciale aux points cardinaux ou « Orients », et par suite au chiffre 4.

Parmi les Mayas, les patrons de l’agriculture étaient les Bacab, placés, au nombre de quatre, aux quatre coins du monde pour supporter les cieux. Les Mayas, comme les Aztèques, croyaient à quatre âges successifs terminés par des cataclysmes. Là encore, c’est dans un déluge qu’est censé avoir pris fin l’âge précédant immédiatement le nôtre.
Les Incas célébraient, le quatrième mois de l’année cérémonielle, une importante fête en l’honneur du dieu-créateur Uiracocha, dont l’image était extraite du temple dans l’attente de l’apparition de la nouvelle lune.
A ce moment-là, quatre groupes de soldats partaient du centre de la ville, dans la direction de chacun des quatre points cardinaux, pour repousser symboliquement les forces mauvaises qu’ils traquaient dans les quatre directions, jusqu’en dehors de la capitale.
Puis ils se purifiaient rituellement dans une rivière.
Les Indiens Lacandons adoraient avant tout le soleil et le figuraient dans un cercle où se trouvaient une série de trois rayons (triade) surmontant quatre autres rayons, le total représentant sept, chiffre sacré. Certains de leurs objets rituels comportaient des figurations de têtes avec quatre yeux.

En Egypte, la plus ancienne doctrine religieuse fut élaborée à Héliopolis. Le fameux temple du Soleil comportait dans sa partie la plus reculée une pyramide tronquée surmontée d’un obélisque, symbole du dieu Rê-Atoum, dont l’autel avait une table d’offrandes quadruple et servait aux cérémonies du culte dont la liturgie était strictement soumise au chiffre sacré d’Héliopolis, le chiffre 4, qui évoquait l’universalité cosmique. Cette universalité était divisée par les astronomes de cette ville en quatre régions dans lesquelles il faut reconnaître l’origine de nos quatre points cardinaux et qui président par ailleurs à l’orientation des Pyramides.
Non loin d’Héliopolis, on adorait « Nout », mère de Rè et déesse d’un ciel qu’on imaginait soutenu par quatre piliers, quatre colonnes ou quatre montagnes. La déesse était figurée tantôt par une vache posant ses quatre pattes sur la terre, tantôt par une femme nue touchant le sol de ses pieds et de ses mains.
Un des rites essentiels de la cérémonie du couronnement était l’érection du pilier Djed ; or, ce pilier se terminait par quatre disques étagés et était le symbole d’Osiris, dieu agraire, dieu des morts, dieu cosmique et dieu politique.
À Hermopolis Magna, on reconnaissait Thot comme créateur de l’univers et des formules magiques. Par la puissance de son verbe il appelle à la vie les quatre couples primordiaux de dieux qui séjournent sur la colline de limon sortie de l’élément humide initial ; ce sont quatre serpents (dieux mâles) et quatre grenouilles (dieux femelles) qui créent et incubent l’œuf d’où sortira plus tard le soleil.
Parmi les anciens hiéroglyphes, le carré égyptien exprime le son « P », dont le signe 4 est l’équivalent hiératique. Plus tard, une hampe fut ajoutée au carré, ce qui lui donnait l’allure d’un drapeau ou de notre lettre P.

Les Sumériens font remonter leur histoire à l’origine même de l’univers, deux couples donnant naissance à la triade qui doit se partager la domination du monde.

A côté de chacun des grands temples de la religion suméro-akkadienne, puis assyro-babylonienne, s’élevait une tour à base carrée (la ziqqourat dont parle la Bible sous le nom de tour de Babel) qui comportait à l’origine quatre étages figurant les quatre divinités principales du panthéon primitif : la Terre (Enlil ou Ashour), le Ciel (Anou), l’Eau (Enki ou Apsou) et la Déesse-Mère (Ninhoursag).

Le dieu du soleil (Babbar, Outou, Shamash) est représenté, assis sur son trône, avec une coiffure à quatre étages.
Les Assyriens symbolisaient les quatre points cardinaux par quatre divinités astrales : Mardouk le taureau ailé, Nébo à la figure humaine, Nergal le lion ailé et Ninourta l’aigle.
Sur les figurations votives se remarquent les quatre carrés, le chrisme, la flèche et le serpent.
Les croyances des Hittites avaient certaines analogies avec celles des Sumériens.
En Iran, Mithra était figuré sous l’apparence d’Apollon sur un quadrige flamboyant, les quatre chevaux dont il maîtrise la fougue expriment les quatre éléments dont la rivalité explique le devenir physique.
Chez les Manichéens, ces éléments étaient scindés en deux essences antithétiques. Ils croyaient en quatre vertus (paternité, force, lumière, sagesse) et en quatre messagers de la vraie religion : Bouddha, Zoroastre, Jésus, Mani et les oraisons imposées à l’ « Auditeur » étaient au nombre de quatre.

La vie religieuse des Patriarches israéliens gravitait autour de quatre grands sanctuaires échelonnés du Nord au Sud de la Palestine : Sichem, Béthel, Mambré et Bersabée ; les cérémonies s’y déroulaient sur un autel possédant quatre cornes.

Dans la religion hindoue, Çiva était ordinairement figuré avec quatre bras et les Védas ou Livres saints se divisaient en quatre parties. D’autre part, au moment de céder à sa vocation, les dieux ménagèrent à Bouddha quatre « rencontres » symboliques aux quatre portes de la ville hindoue, se trouvant aux quatre points cardinaux.

Dans les pays khmers se rencontrent les tours quadricéphales du Bayon, ornées sur chaque face de gigantesques visages humains.
Au Cambodge, dans certains textes tantriques, des imprécations magiques se réfèrent à quatre chiens dont l’un possède quatre yeux.
A Bali, en Indonésie, il est vraisemblable qu’avant la pénétration indienne et javanaise, le culte des ancêtres formait la base des croyances religieuses et des statues d’ancêtres à quatre visages soulignent le sentiment de l’omniprésence spatiale.

Dans la Chine ancienne, l’empereur est mandataire de la puissance céleste ; il institue dans l’Est l’équinoxe de printemps, dans le Sud le solstice d’été, dans l’Ouest l’équinoxe d’automne, dans le Nord le solstice d’hiver. L’édifice approprié à ces opérations a un toit circulaire, car le ciel est rond, et une bâtisse carrée, selon la forme de la terre, telle que la voyaient les anciens.

Au Japon, les tempes shintô sont entourés de quatre palissades, les trois premières à claire-voie, la plus extérieure opaque ; ils sont surmontés de faux arétiers en forme d’X (chigi) et les entrées sont marquées par des porches (torii) composés à l’origine de quatre rondins, deux verticaux et deux horizontaux. A l’intérieur se trouvaient aux quatre angles les quatre Lokapâlas protecteurs.

Tout émane, dans la doctrine du Shingon, du Grand Illuminateur qui siège au centre d’un lotus à huit pétales, dont quatre sont occupés par les quatre grands Bouddhas représentant les quatre points cardinaux et les quatre autres, par les grands Bodhisattvas.

En remontant à l’origine de la religion grecque, on remarque l’utilisation de pierres sacrées, à forme carrée, auxquelles on a attribué le nom de différentes divinités.

A Titanè, en Corinthie, se dressait un autel des Vents où le prêtre, une fois par an, offrait un sacrifice nocturne dans quatre fosses, pour apaiser la fureur des vents.
Aux mystères d’Éleusis, on sacrifiait à deux couples de dieux.
Les cérémonies solennelles en faveur d’Artémis avaient lieu tous les quatre ans à Éphèse, de même que les Panégyries de Delphes honorant Apollon.

Les Jeux Pythiques de Delphes et de Délos, ainsi que les Jeux Olympiques furent tout d’abord célébrés tous les huit ans et, par la suite, tous les quatre ans.
Hélios, le soleil, conduit un attelage de quatre coursiers blancs et le char de Pluton (ou Hadès) est également attelé de quatre chevaux.
Les papyrus grecs de la bibliothèque hollandaise de Leyde, tirés d’un tombeau de magicien à Thèbes, contiennent les alphabets magiques, des symboles astronomiques et des références au mystérieux chiffre 4, commun aux Égyptiens, aux gnostiques et aux alchimistes poursuivant la recherche du Grand Œuvre.

Il y est fait état des quatre corps ou métaux fondamentaux :

1 = élément mâle (soufre), comparé au levant ;
2 = élément femelle (mercure), comparé au couchant ;
3 = l’œuvre (ou formation de l’or), résultat de leur union ;
4 = élément hermaphrodite (argent).

Le symbole de l’Œuvre — qui n’a ni commencement, ni fin - est le serpent qui se mord la queue (ourobouros). Il est pourvu de trois oreilles qui figurent les trois vapeurs sublimées et de quatre pieds qui représentent les quatre corps ou métaux fondamentaux.

Une signification similaire est donnée par le cercle solaire représentant l’infini par l’alpha et l’oméga.
Un philosophe grec, Empédocle, élabora dans la Tétrasomia une théorie des quatre éléments, d’où sont issus le monde et les êtres vivants :

1 = Terre = état solide et sécheresse (plantes) ; symbole = cube ;
2 = Eau = liquidité et froid (poissons) ; symbole = icosaèdre ;
3 = Air = volatilité et état gazeux (volatiles) ; = octaèdre ;
4 = Feu - fluide éthéré, support symbolique de la lumière, de la chaleur, de l’électricité et de la notion phénoménale du mouvement des dernières particules des corps (métaux) ; symbole = tétraèdre.

Suivant Platon, ces éléments ne peuvent s’assembler que d’après certains rapports, car Dieu a composé le monde avec :

1 = la Terre, sans laquelle il ne peut y avoir rien de solide ;
2 = le Feu, sans lequel rien de visible ne peut exister ;

Entre les deux, et pour les lier, il a placé :

3 = l’Eau ;
4 = l’Air.

Les corpuscules du feu sont les plus petits, les plus mobiles, les plus légers ; ceux de l’air le sont moins ; ceux de l’eau encore moins.
L’eau en se condensant devient pierre et terre.
L’eau en se fondant et se divisant devient vent et air.
L’air enflammé devient feu.
Le feu condensé et éteint reprend la forme de l’air.
L’air épaissi se change en brouillard, puis s’écoule en eau.
De l’eau, se forment la terre et les pierres.

Ces quatre éléments s’engendrent ainsi périodiquement.

L’ancienne religion romaine est difficile à définir. Au musée de Cagliari se trouve une statue de divinité avec quatre yeux et quatre bras. Les plus anciens dieux sont au nombre de quatre  : Saturne (semailles), Vesta (foyer), Quirinus (guerre) et Janus (paix et divination)

Une légende précise que : 4 ans, 4 mois et 4 jours après la date de fondation de Rome se tint la « Fête du Conseil » où l’on attira les femmes des pays voisins pour les enlever.
Les Augures interrogeaient la divinité pour savoir si elle était favorable ou non à l’acte projeté. Pour cela, ils délimitaient dans le ciel un espace rectangulaire orienté et divisé en quatre régions ; par deux lignes se coupant à angle droit.

Au plus lointain de leur histoire, les Germains ont adoré les quatre éléments, qu’ils remplacèrent plus tard par quatre dieux : Wotan (Odin), Donar (Thor), Ziu (Tyr) et Frija (Frigg).
Sans doute les Slaves ont également adoré les quatre éléments.
Leur dieu Zuantevith avait quatre têtes dirigées vers les quatre points cardinaux.

L’Ancien et le Nouveau Testament nous fournissent des exemples particulièrement abondants d’allusions à l’importance du chiffre 4.

Dans la Genèse (I, 14), c’est le quatrième jour, pour séparer le jour et la nuit et afin de servir de signes pour marquer les temps et les saisons, les jours et les années, que Dieu créa le soleil, la lune et les étoiles. Au chapitre II, 10, un fleuve sortait du pays d’Eden pour arroser le Paradis et, de là, se divisait en quatre canaux.

L’arche décrite dans l’Exode (XXXVII-XXXVIII) comportait quatre anneaux d’or, ainsi que la table de sacrifice et l’autel des parfums, et il y avait quatre colonnes à l’entrée du tabernacle.

Dans son livre (I-X), Ézéchiel nous décrit une vision que l’on nomme ordinairement le « chariot de Dieu ».
Ce prophète voit, au milieu d’un grand éclat, un homme assis sur un trône reposant sur la voûte céleste, cette voûte étant portée par quatre figures symboliques, chacune ayant quatre faces, quatre mains et quatre ailes et à côté desquelles se meuvent les quatre roues du char.
Ces figures sont représentées par l’homme en face, le lion à droite, le taureau à gauche et l’aigle au-dessus et signifient les quatre qualités de la divinité : homme, roi, prêtre et dieu ; ou bien ses quatre caractères : l’humanité, la divination, l’expiation et la sagesse.

Les S. S. Pères (Irénée, Athanase, Ambroise, Augustin) soutiennent qu’en plus des qualités ou caractères ci-dessus, ces êtres sont les figures prophétiques des quatre Évangélistes.
Il est également question (XIV) des quatre plaies mortelles : l’épée, la famine, les bêtes sauvages et la peste punissant les méchants ; des quatre vents de l’Esprit ressuscitant les morts (XXXVII) ; des quatre tables pour l’holocauste (XL) ; de l’autel ayant quatre coudées de hauteur et surmonté de quatre cornes (XLIII) ; des quatre petites places se trouvant à chacun des quatre coins du parvis du sanctuaire (XLVI).
Dans le livre du prophète Daniel se trouvent également d’autres allusions : aux quatre jeunes hommes marchant miraculeusement au milieu du feu sur l’ordre de Nabuchodonosor ; aux quatre vents, aux quatre grandes bêtes symbolisant les quatre grands empires (assyrien, perse, macédonien et romain), dont l’une a quatre ailes et quatre têtes (vu) ; au bouc qui, ayant rompu sa corne, vit se former quatre cornes au-dessous (allusion aux quatre principaux généraux d’Alexandre qui se partagèrent son empire après sa mort subite : Antipater, Ptolémée, Séleucus et Antiochus, VIII).

Dans une préface sur les saints Evangiles, on lit le commentaire suivant : « Si l’on demande pourquoi la divine Providence a voulu qu’il existât ainsi quatre histoires de la vie de Jésus-Christ, les saints Pères en donnent différentes raisons. Saint Augustin dit que cela est arrivé pour marquer que l’Evangile devait être annoncé dans les quatre parties du monde, et parce que le nombre 4 est un signe de perfection ; mais il en trouve avec d’autres Pères (Irénée, Grégoire le Grand, Jérôme, Athanase) et plusieurs interprètes catholiques, une raison bien plus profonde et plus conforme à la vérité, dans les quatre qualités sous lesquelles Dieu s’est révélé et a agi pour le salut des hommes, ainsi que les a déjà décrites en figures le prophète Ezéchiel. En effet, de même que déjà, dans l’ancienne Alliance, le Dieu libérateur se manifesta comme Homme, comme Roi, comme Médiateur et comme Dieu, de même aussi il s’est manifesté dans Jésus sous ces quatre qualités ; d’où il suit que l’histoire de la vie de Jésus devait être une représentation des quatre qualités qui se révélaient en lui, et l’histoire quadruple de sa vie, une figure de cette quadruple qualité.  »
C’est par rapport à cette figure que les saints Pères ont assigné à chacun des Évangélistes un symbole distinctif des quatre qualités dont il s’agit, à Matthieu, un homme, à Marc, un lion, à Luc, un bœuf destiné au sacrifice, à Jean, l’aigle, l’oiseau de Dieu. Cette attribution est fondée, suivant saint Jérôme, sur ce motif que saint Matthieu commence son Évangile par la généalogie humaine de Jésus-Christ, saint Marc, par l’énergique prédication de saint Jean-Baptiste : « Faites pénitence » semblable au rugissement du lion royal, saint Luc, par le sacerdoce de Zacharie, saint Jean, par l’éternelle divinité du Christ. Par là on voit encore comment les saints Pères ont pu appeler les quatre Évangélistes le char du Seigneur attelé des quatre Chérubins qu’Ézéchiel décrit dans sa vision.

Saint Jean l’Évangéliste n’a pas été choisi par hasard comme patron de tous ceux qui participent à l’expression de la pensée (papetiers en 1485, mprimeurs, écrivains, etc.), car il a interprété fidèlement la pensée du Christ comme le démontre une inscription se trouvant sur le chapiteau du Jugement dernier dans l’église de Saint-Nectaire, traduite par M. le curé-doyen de Saint-Rémy-sur-Durolle : IOANES IV DI OS = Jean, quatrième bouche de Dieu.
Le Christ lui a donné les marques de sa prédilection en lui permettant de reposer sur sa poitrine et en lui confiant sa Mère, avant de mourir.
Dans son Évangile (XIX, 23, 24), saint Jean nous dit que les soldats, ayant crucifié Jésus, prirent ses vêtements, et en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; et comme elle était sans couture, et d’un seul tissu depuis le haut jusqu’en bas, ils dirent entre eux : « Ne la coupons pas, mais jetons au sort à qui l’aura. ».
Dans ces quatre parties de vêtements, certains voient un symbole mystérieux des quatre parties du monde qui ont été appelées à participer à la grâce de Jésus-Christ et, dans la tunique d’un seul tissu, l’unité de la foi et de la charité, le fondement de la vie chrétienne.

L’Apocalypse (la révélation) est l’unique livre du Nouveau Testament qui ait un objet presque exclusivement prophétique, sous la forme de visions symboliques où beaucoup ont découvert la préfiguration d’événements survenus depuis sa rédaction. En voici quelques extraits :

« Lorsque l’Agneau eut ouvert le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième animal, qui dit : « Venez et voyez ». Et, en même temps, je vis apparaître un cheval pâle ; et celui qui était monté dessus s’appelait la Mort, et l’enfer le suivait, et le pouvoir lui fut donné sur les quatre parties de la terre, pour y faire mourir les hommes par l’épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages (VI, 7, 8).
Après cela, je vis quatre anges se tenant postés aux quatre coins de la terre, qui retenaient les quatre vents, afin qu’ils ne soufflassent point sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucun arbre (VII, 1).
Lorsque le quatrième ange sonna de la trompette (VIII, 12), la troisième partie du soleil, de la lune et des étoiles furent frappées (la quatrième plaie frappe le ciel et ses luminaires, créés le quatrième jour, et les ténèbres reviennent).
Lorsque le sixième ange sonna de la trompette (IX, 13, 14, 15), une voix venant des quatre cornes de l’autel d’or lui dit : « Déliez les quatre anges qui sont liés sur le grand fleuve de l’Euphrate » (ce sont les quatre anges de la Mort dont la mission est de compléter l’œuvre de la vengeance divine).
Et après que les mille ans seront accomplis, Satan sera délié (XX, 7) ; et il sortira de sa prison, et il séduira les nations qui sont aux quatre coins du monde, Gog et Magog, et il les assemblera pour combattre (Gog et Magog étaient des peuplades barbares des régions du Nord, où les Grecs plaçaient leur Scythie).
 »
Au chapitre XXI, 13, saint Jean décrit la Jérusalem céleste comportant trois portes à l’Orient, trois portes au Septentrion, trois portes au Midi et trois portes à l’Occident (c’était un carré parfait).

Dans ses Confessions, saint Augustin précise qu’il y a quatre passions principales de l’âme : le désir, la joie, la crainte et la tristesse, ainsi que quatre manières dont une chose peut en précéder une autre (XII).

ll est bien évident qu’à l’époque chrétienne, ceux qu’on appelait les sorciers songèrent à mettre de leur côté les forces surnaturelles dont parlait le christianisme. D’où les talismans et incantations où les formules magiques se mélangeaient avec les prières courantes. On y trouve des allusions au tétragramme et aux quatre initiales des mots hébreux : Aleth - Gadol - Léolam - Adonal, qui signifient : « Éternellement grand est le Seigneur ».
Depuis toujours, l’être humain a essayé d’approcher les secrets de la nature. Parmi tant de charlatans on trouve nombre d’esprits curieux qui ont recherché dans la Bible la solution des problèmes qui les préoccupaient. Chaque sentence, chaque mot, chaque lettre du volume sacré contient, suivant les Cabalistes, un sens direct aussi bien qu’un sens figuré pouvant être interprété d’après la valeur numérale, la signification de chaque lettre et au moyen de certaines transpositions de lettres.
Bien auparavant, les Pythagoriciens considéraient que tous les êtres de la nature pouvaient être symbolisés par des nombres et que ceux-ci étaient les éléments de toutes choses ; cette doctrine était appliquée à la cosmologie, à la théologie, à la psychologie et à la morale. Pour eux, le quatre était le nombre fameux, générateur des dieux et des hommes.
La doctrine occultiste est essentiellement basée sur la conception du ternaire fondu dans l’unité. Elle admet l’alchimie et l’astrologie, une des sciences les plus anciennes, dont les prédictions étaient fondées sur les aspects ou positions où se trouvaient le Soleil, la Lune et les planètes, les uns par rapport aux autres, dans douze espaces égaux circonscrits par quatre cercles de position.
Notons en passant que les personnes nées sous le signe du Sagittaire (sagitta = « flèche ») ont comme élément le feu, leur planète est Jupiter, leur chiffre, le 4.
En magie, le carré, c’est le sceau planétaire qui contient le chiffre secret de l’influx céleste.
Les occultistes modernes ont donné des interprétations très détaillées des figures du Tarot, d’où il semble qu’elles se rattachent aux doctrines ésotériques de l’Orient, et contiennent des symboles servant à conserver les traditions philosophiques et religieuses qui ont traversé le Moyen-Âge par l’intermédiaire des Gnostiques, des Templiers et des premiers Francs-Maçons.
Dans le Tarot, une des figures dominantes est l’arcane 4, représentant l’empereur dont une jambe croisant l’autre figure le chiffre 4.
Les onze premières cartes sont bénéfiques ; celle qui préside au renversement et symbolise le Grand Œuvre est l’arcane 12, le pendu, dont les jambes croisées figurent le chiffre 4 à l’envers. A noter que le format de ces cartes est celui du double carré.
Il est très difficile pour des non-initiés de bien comprendre les nuances existant entre un très grand nombre de sectes dont la plupart ont évoqué l’importance ésotérique du chiffre 4. Certaines en ont donné l’explication suivante : le trait vertical du 4 signifie l’extension (le ciel), la ligne horizontale figure l’expansion (la terre) et la ligne oblique réunissant une des extrémités des deux autres traits représente l’Homme, le Verbe, le Logos. On voit tout ce que le Symbolisme peut tirer de cette fort belle figure.
On peut donner d’autres interprétations d’ailleurs très voisines de la précédente. D’après la Genèse, au commencement, Dieu créa le ciel et la terre (I, 1), puis il créa l’homme à son image (I, 27) en le formant du limon de la terre et il répandit sur son visage un souffle de vie (Il, 7). En conséquence, l’Homme est semi-divin, il est issu du Chaos par sa forme et de Dieu par le souffle divin qui l’anime ; il forme donc la liaison entre le trait spirituel vertical (ciel) et la ligne matérielle horizontale (terre).

La Kabbale nous donne un exemple de l’effrayante complication dans laquelle un rabbin conçut l’algèbre la plus fantastique qui fût jamais et calcula la puissance de Dieu en posant que 3 et 1 ne font jamais 4.
En effet, en hébreu, le nom de Dieu comporte quatre lettres : iod, hé, vau, hé. « Toute la puissance de Dieu est dans la première lettre, son reflet est dans la seconde, il s’explique par la troisième et se féconde par la quatrième. » Le mystère de la Trinité : un seul Dieu en trois personnes distinctes, se ramène donc à une seule formule d’une application illimitée : l’écriture, le nombre, la parole et la synthèse des trois.
Notons, en passant, que, dans nombre de langues, Dieu se compose de quatre lettres, soit : grec, Th-é-os ; latin, D-e-u-s ; arabe, A-l-l-ah ; allemand, G-o-t-t ; espagnol, D-i-o-s.
A partir de quatre lettres, quatre nombres et quatre notions qui engendrent tous les autres, les kabbalistes prétendent expliquer le développement de l’univers entier qu’ils imaginent comme l’image du Dieu vivant, comportant à chaque échelon : le principe mâle ; le principe femelle ; leur produit ; l’ensemble des trois précédents.
Par exemple : 1 père + 1 mère + 1 fils forment une quatrième chose qui est famille : sous un certain aspect, 4 est toujours et partout égal à 3, sous un autre aspect il ramènera partout et toujours à l’unité.

Pour les Cathares, le Dieu-bon créa le Chaos ou les quatre éléments et le Dieu-mauvais s’en empara pour faire le monde. Ils reniaient l’Ancien Testament et ne reconnaissaient que les Evangiles, en particulier celui de saint Jean, où ils prétendaient trouver les confirmations de leur doctrine, ainsi que dans l’Apocalypse. Le chiffre 4 était leur symbole et se trouve gravé à de nombreux exemplaires sur les parois des grottes de l’Ariège, Ornolac et Lombrives notamment, où se réfugièrent à l’époque leurs derniers survivants.
Lorsque les Cathares furent apparemment disparus, le même «  quatre de chiffre  » fut alors adopté par une autre grande société de pensée, l’Agla. Cette association ésotérique groupait, à l’époque de la Renaissance, la corporation du Livre, en particulier, papetiers et cartiers.
Le glyphe collectif de cette vaste association était le 4. Il figurait, accompagné de fioritures ou d’adjonctions distinctives, dans la marque particulière de chacun des maîtres de cette importante confrérie.
Fréquemment, il surmonte un tracé secondaire indiquant assez souvent une seconde association intérieure, à laquelle appartenait le signataire. C’est ainsi que l’hexagramme, ou «  sceau de Salomon », le « sceau planétaire » de Saturne, le monogramme de Marie, désignent une association s’occupant d’alchimie et d’hermétisme, alors que le cœur, tel que le figurent les cartes à jouer, désigne un autre rameau, dans lequel la Mystique, et plus particulièrement celle de la Cabale, était pratiquée et étudiée.
C’est à ce dernier groupe qu’appartint le roi François Ier. C’est pour participer à ses travaux que ce souverain quittait une fois par mois incognito son palais du Louvre pour se rendre rue de l’Arbre-Sec, chez les frères Estienne, jurés de la corporation des imprimeurs et libraires, également affiliés à l’Agla (R. Ambelain).

Plus tard, vers 1605, une confrérie mystique nouvelle avait adopté comme paradygme de ses tendances la Rose et la Croix. Cette confrérie se réunit au début du XVII° siècle, à la « Fraternité des Rose + Croix  » dont le symbole ou signe de reconnaissance était le chiffre 4.
Cette association s’affilia en 1717 à la Confrérie des Maçons constructeurs de Londres, placés depuis le Moyen-Âge sous le patronage mystique de saint Jean.
Un homme étonnant, catholique-origéniste, Martinez de Pasqually, réalisa au XVIII° siècle une étrange synthèse de la Gnose, de la Cabale, du Zohar, et des traditions magiques de tous les temps qu’il a tenté de perpétuer au sein de l’Ordre des Chevaliers Élus Cohens. Son courrier comportait des griffes magiques accompagnées du chiffre 4.

Toutes ces citations peuvent paraître fastidieuses. On pourrait en trouver bien d’autres, anciennes ou récentes. On pourrait également en découvrir qui les contredisent ; on pourrait soutenir que les chiffres 3, 7 et 12 ont aussi une grande importance, puisque le grand sceau d’Hermès se composait d’un triangle se trouvant dans un carré entouré par les douze signes du Zodiaque. Mais cela nous mènerait beaucoup trop loin, car nous avons encore à examiner l’épigraphie du chiffre 4. Disons tout de suite que nous entrons maintenant dans un domaine très controversé, où les interprétations semblant fantaisistes frôlent peut-être la vérité.
Dans les inscriptions néolithiques relevées par le savant Déchelette (et que l’on remarque à Glozel) figurent plusieurs signes dessinant le chiffre 4. On le retrouve dans plusieurs caractères des écritures suméro-akkadienne, cursive méroïtique (Ethiopie), mycénienne, protophénicienne de Byblos, phénicienne hiératique, moabite et paléohébraïque, araméenne, libyque, ibérotartessienne.
L’image de Jahvé a été conventionnellement figurée par la quatrième lettre de l’alphabet hébraïque primaire, le « resch » signifiant Chef ou Tête ; le nom secret du Souverain-Roi a été réduit au monogramme iod et au digramme iod et vau (i et v), mais en employant les formes de ces deux lettres telles qu’on les écrivait dans l’alphabet hébraïque secondaire.
En accolant horizontalement iod à resch on a obtenu 4. Puis en changeant le graphique par l’un des sigles gréco-latins XP de XPISTOS ou de ceux de IHESUS (iota + èta), les typographes des XV° et XVI° siècles ont créé une infinité de combinaisons, en couchant ou en renversant ces sigles.
On trouve quelquefois à la place du 4 un ou deux resch renversés, soit parallèles, soit croisés en X (chi). Comme nous l’avons vu, le signe secret de Dieu en Égypte était une hampe surmontée d’un carré, en quelque sorte un drapeau.
Chez les Hébreux, le carré était remplacé par un triangle. Les Grecs, eux, avaient mis un demi-cercle, qui donnait la lettre P (rô). Tourné à gauche, ce sigle signifiait sans doute le Père, et à droite, il figurait le Fils. Il se trouvait d’ailleurs parfois accompagné du chiffre 4 ou du double resch.
Ce chiffre ésotérique était quelquefois renversé, il figurait alors le signe de la Croix dans l’espace. A ce propos, nous avons trouvé à La Bénétie, commune d’Escoutoux, une date, 1648, gravée sur le linteau d’une porte, une fois à l’endroit et une autre fois à l’envers.
Le 4 y occupe une importance double de celle des autres chiffres.
Le ou les traits parallèles et inégaux se trouvant fréquemment au-dessous du 4 peuvent marquer soit la suprématie de la croix sur le plan matériel (terre) et sur le plan spirituel (ciel), soit figurer le tau ou la double croix d’Anjou avant qu’elle ne devienne celle de Lorraine (titulus + traverse), soit encore marquer une sorte d’initiation de celui dont les initiales accompagnaient le sigle.
Le chrisme (chi ou X) était très souvent employé, il était le signe du Christ. Le chi X croisant le rô P, et accompagné de l’alpha et de l’oméga, symbole de l’éternité, est le sigle de l’empereur Constantin.
En outre, il est certain que le chiffre 4 a été utilisé comme marque de propriété dans l’île de Fohr en Baltique et comme marque protectrice de maison en Alsace.
Il est non moins sûr que sa signification exacte ayant été déformée ou mal comprise au XVIIIe siècle, seule son évocation de Perfection a subsisté et a pu servir en quelque sorte de label de qualité, dans les pays les plus divers.
Mais nous ne pensons pas que le chiffre 4 ait pu servir de marque marchande, tout au moins avant le XVIIIe siècle, car nous n’en avons pas trouvé traces sur les tables de marques commerciales se trouvant au musée de Thiers.
Elle n’aurait eu, en effet, aucun sens sur un tombeau, un vitrail, un baptistère, dans une église ou dans une communauté paysanne.
Le chiffre 4 fait donc partie d’une cryptographie apostolique mystérieuse dont les sigles primitifs, transformés en dessins plus ou moins artistiques, ont formé peu à peu une part de l’art chrétien.

Un de nos correspondants nous a traduit d’une façon pertinente son point de vue, démontrant ainsi qu’un pareil sujet revêt de multiples aspects :

« Après Gutenberg, les imprimeurs adoptèrent l’usage de placer sur la page de titre une marque caractérisant soit le nom du libraire faisant la dépense de l’impression, auquel cas l’imprimeur n’indiquait son nom qu’au colophon, soit leur propre nom.
Parmi ces marques et les attributs qui les composent, l’on retrouve le plus souvent la croix, représentée selon plusieurs formes, se modifiant dans le nombre des traverses ou croisillons, dans ses supports et dans ses ornements. Selon Delalain, qui a étudié ces marques, elles sont les témoignages « de déférence, de respect et soumission à la religion chrétienne
 ».

On voit apparaître ces croix dans les marques des premières publications du XV° siècle et dans les filigranes des papiers de ces impressions. Beaucoup d’entre elles sont d’ordre religieux à forme invocatoire.

Dans ces marques d’imprimeurs, l’on retrouve aussi un signe mystérieux, «  le 4 de chiffre  », et la question s’est posée de savoir si l’on devait ou non le faire dériver de la Croix chrétienne.
Ce signe est, de toute évidence, très ancien et il a été adopté en Orient dès une époque lointaine, car il figure en caractères cunéiformes inclinés à gauche, sur de nombreux cylindres babyloniens, parfois renversé, parfois double (lapis-lazuli de la Bibliothèque nationale, Cat., n° 734, musée de Zurich, etc.).
Or, c’est d’Orient qu’est venue, lors des Croisades, l’industrie du papier et, avec elle, tous les caractères talismaniques qui pouvaient lui être associés.
Certains érudits ont soutenu que l’origine du «  4 de chiffre  » devait être cherchée dans la croix, et d’autres qu’elle pouvait être trouvée dans la forme d’un antique petit engin, un piège utilisé pour exterminer les rats qui, originaires d’Orient, ont envahi de nombreux pays européens à la suite des croisades. Dans cette hypothèse, confirmée — selon l’auteur — par deux marques de libraires du XVIe siècle montrant, l’une, deux rats supportant un écusson, l’autre, le combat de l’aspic et de l’ichneumon — nommé aussi mangouste d’Egypte ou rat des Pharaons — le «  4 de chiffre  » serait un talisman contre les rats, grands amateurs de vieux livres, et contre la peste.
En Alsace, ce talisman était nommé « Hausmarke », marque de maison, et dans l’armoriai d’Alsace, les armoiries bourgeoises munies du «  4 de chiffre  » sont toujours désignées par l’indication générale : « marque de marchands-bourgeois ».
On a donc supposé que ce talisman, né de traditions magiques orientales, aurait été couramment utilisé (lors de la terrible peste noire qui, de 1346 à 1353, enleva 25 millions d’hommes en Europe et 23 millions en Asie) pour protéger les maisons contre le fléau et qu’il y aurait joué ainsi le rôle du « tau », amulette de l’ancienne Egypte, devenue, au Moyen-Âge, l’emblème de saint Antoine, et grâce à laquelle on se protégeait contre le « feu sacré » ou « mal des ardents », c’est-à-dire contre l’ergotisme.
Ainsi, ce qui servait au Moyen-Âge à protéger la maison serait devenu, deux ou trois siècles plus tard, le signe mystérieux de la maison, puis un meuble ou un attribut des armoiries bourgeoises.
Cette explication est séduisante, elle est aisément démontrable par certaines preuves écrites ; elle ne rend pas compte toutefois de la profonde signification de ce « synthème ».
Il ne faut pas oublier en effet que tout signe évoquant une formule secrète ou ésotérique correspond à une équation qui comporte plusieurs valeurs et plusieurs sens pouvant y satisfaire. C’est d’ailleurs ce qui crée précisément l’extraordinaire richesse de la langue des signes.
Dans ces conditions, il faut toujours procéder, dans l’interprétation d’un signe, à une analyse en niveaux, c’est-à-dire à des fouilles intellectuelles comparables aux travaux des archéologues. On ne doit jamais se contenter d’avoir exploré une seule direction, ni même deux ou trois.
Examinons tout d’abord, comme il est normal, puisqu’il s’agit de marques de marchands pratiquant, le plus souvent, la religion chrétienne, les allusions que pouvait suggérer ce signe par rapport au livre qui formait l’essentiel du savoir de cette classe sociale à cette époque, c’est-à-dire la Bible.
Déjà, nous allons découvrir un fragment inaperçu des érudits précédemment cités et d’une importance considérable pour l’interprétation du signe. En effet, il suffit d’ouvrir l’Ancien Testament et de lire les premières lignes de la Genèse pour apprendre que c’est le quatrième jour que, selon le texte sacré, Dieu crée le soleil, la lune et les étoiles « pour éclairer la terre, pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière des ténèbres ».
Et Dieu dit : «  Que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années., etc. ».
Dans ces conditions, il est assez clair que le «  4 de chiffre  » évoque la dispensation des rayons célestes sur la terre et qu’il convient tout naturellement à la marque d’un instrument de la connaissance, le livre, qui est lui-même un rayon intellectuel destiné à éclairer l’esprit, et à séparer la Lumière de la Vérité, d’avec les Ténèbres de l’erreur.
L’empreinte de l’imprimeur ou du libraire est, en somme, une image de la fonction traditionnelle sacrée de son auteur ; agir à l’imitation du Divin dans le monde humain, créer des signes qui s’inspirent de l’Œuvre de la Lumière et qui répandent parmi les intelligences les bienfaits de la Parole céleste.
Cette même idée fondamentale, céleste et solaire, du «  4 de chiffre  »
s’applique aussi bien à toute dispensation dans le monde humain d’objets nécessaires à la vie. Il est évident que le marchand a comme fonction traditionnelle d’assurer la circulation et la dispensation de ces objets et de ces biens qui sont, en quelque sorte, des rayons matériels apportant à chaque être les moyens nécessaires à sa vie sociale.
Le «  4 de chiffre  » désignera donc assez naturellement des familles consacrées à cette fonction : les marchands-bourgeois.
Mais, de plus, il représentera la Voie, le Chemin solaire, que doit suivre le « Pèlerin terrestre » ou le « Voyageur » dans le symbolisme hermétique. Là encore, la notion de dispensation de la lumière est fondamentale ; dans cette direction aussi, l’alchimiste doit agir a l’imitation du Créateur dans le monde « microcosmique » du « Grand-Œuvre ».
Selon Achilles Tatius, d’ailleurs, les Égyptiens mettaient le Soleil au quatrième rang dans l’ordre des planètes. En hébreu, la racine du mot quatre (resch, beth) indique la dilatation, la puissance, la multiplicité, la force, la majesté, la totalité. Le carré, toutefois, se rapporte plus spécialement à la Terre.
Ainsi, je crois qu’il est probable qu’un certain nombre de familles associées plus ou moins secrètement entre elles — dans l’Europe entière et non seulement en France — disposaient de certains signes de reconnaissance tels que le «  4 de chiffre  » qui faisaient allusion aussi bien à leurs croyances qu’à leurs fonctions sociales traditionnelles.

Notons, à ce propos, qu’il existe au manoir du Franc-Séjour, près de Thiers, des registres de commerce portant en marge de très nombreux chiffres 4, accompagnant les initiales de négociants français ou étrangers, dont plusieurs d’entre eux étaient d’origine thiernoise.
Il est très certain qu’aux XV° et XVI° siècles, les luttes commerciales, politiques, artistiques et religieuses de la Renaissance ont, après l’épanouissement du XIIIe siècle, jeté le trouble dans les esprits et suscité diverses tendances philosophiques cherchant inconsciemment un point commun.
D’autre part, si nous faisions un parallèle entre les sciences anciennes et modernes, on découvrirait bien vite de curieuses analogies entre le passé et le présent.
La science atomique nous en fournit un exemple probant. En effet, la structure fondamentale du noyau d’hélium comporte deux protons et deux neutrons et la deuxième couche électronique des atomes comporte quatre ellipses parcourues par huit électrons. Il n’existe que quatre noyaux doublement magiques, tous divisibles par 4 et représentant un point d’équilibre parfait.
Coïncidence sans doute. Mais la somme des coïncidences où le chiffre 4 joue son rôle est tellement effarante qu’elle en devient troublante. Car, tout en faisant des progrès à pas de géant, la science ne peut que perfectionner ce que des civilisations très anciennes connaissaient peut-être plus profondément que nous ne le concevons.
Récemment des savants ont essayé de déchiffrer l’alphabet de l’hérédité, Leurs travaux ont démontré que les « gênes », ces éléments minuscules qui transmettent l’hérédité, se composent de molécules de protéine d’une cellule possédant quatre bases dont la série constitue une sorte d’alphabet de quatre lettres possédant de multiples combinaisons.

Que conclure de ce long exposé qui nous a mené bien plus loin que nous pensions, parmi des voies remplies de mystères, où il faut sans doute beaucoup plus de science qu’il n’est souvent possible d’en avoir pour ouvrir les « portes » symboliques ?
En l’absence de preuves irréfutables, sans doute trop difficiles à découvrir, on peut penser qu’un élément très simple, sinon simpliste, domine tous les autres, c’est celui de l’idée de Perfection liée au chiffre 4 ; mais cette conception à laquelle tendent tous les être humains épris d’idéal, a certainement évolué au cours des siècles et subi de sensibles variantes dans différents pays ; et, dans l’application des principes pour y parvenir, beaucoup de contradictions ont pu exister.
En tout cas, il semble qu’un dénominateur commun est à la base de très diverses civilisations ; on y retrouve, trop souvent pour ne pas le remarquer, des références proches ou lointaines, claires ou voilées, aux quatre idées maîtresses de : Paternité (homme) ; Puissance (pouvoir) ; Pureté (prêtre) ; Perfection (divinité).
Nous avons essayé de débroussailler un sujet particulièrement complexe ; nous émettons ici une simple hypothèse et souhaitons que de prochaines découvertes permettent de solutionner un intéressant problème resté jusqu’à ce jour sans réponse précise.

M. PALET signale à ce propos plusieurs plaques de cheminée.

Communication de M. J. BEAUJEU-AIGUEBONNE

Lire l’intégralité de l’ouvrage sur le site de Gallica