Marilhat et son oeuvre

Marilhat et son oeuvre, par Hippolyte Gomot, 1884, extrait

Prosper Marilhat est né à Vertaizon, en Auvergne, le 26 mars 1811. Son père, riche propriétaire, se fixa à Thiers en 1820, et l’enfant fut placé au collège de cette ville. Il eut la bonne fortune d’y trouver pour professeur de dessin un Italien enthousiaste, très amoureux de son art, nommé Valentini. Ce n’était pas un maître fort habile, mais il avait vécu dans la contemplation des chefs-d’oeuvre. Il avait parcouru l’Italie et la Grèce, il en parlait avec une passion communicative. À cette grande école, la seule peut-être qu’il eût jamais fréquentée, il avait acquis le sentiment de la ligne et des belles proportions. Les dispositions natives du jeune Marilhat le frappèrent, et il s’attacha de suite à cet élève dont les succès devaient un jour faire l’orgueil de sa vie. Par un heureux hasard il fut aussi le professeur de Charles Blanc qui, dans sa Vie des peintres, lui consacre un souvenir de reconnaissance.

Le crayon ne suffit pas longtemps à Marilhat ; il voulut peindre. Aux heures de récréation, il quittait ses camarades et se rendait chez un brave homme nommé Goutay, qui faisait avec plus de conviction que de talent des portraits et des paysages. Celui-ci lui apprit l’art de mêler les couleurs, c’était à peu près tout ce qu’il savait. Certes il n’eût pas tenu une grande place dans la mémoire de celui qu’il appelait orgueilleusement son élève, sans une circonstance très étrangère aux choses de l’art.
Marilhat, sur le point de se noyer dans la Durolle, au creux du Saillant, fut vaillamment sauvé par Goutay. Ce jour-là, le vieux peintre rendit un véritable service à l’art français.

A dix-sept ans, Marilhat quitta le collège. Il y avait fait d’excellentes études. Ses aspirations lui faisaient désirer le séjour de Paris, les grands-parents n’y consentirent point. C’est une tradition dans les familles de bourgeoisie provinciale de considérer comme une sorte de déchéance toute carrière artistique, c’est aussi le propre des caractères vraiment épris d’idéal de persévérer dans leur vocation. De cette lutte, l’artiste sort toujours victorieux et plus raffermi dans sa volonté.

En attendant que l’on décidât de son sort, Marilhat, dégagé de tout souci, profita de sa liberté passagère pour parcourir, l’album et le crayon à la main, le magnifique pays qu’il devait plus tard illustrer par son pinceau.

A cette époque, l’Auvergne n’avait pas encore été découverte par les peintres. Les Alpes, la haute Italie, la Suisse, le Tyrol attiraient les paysagistes ; aucun d’eux ne paraissait se douter des merveilles de cette belle plaine de la Limagne et des montagnes qui l’entourent.

Il y a là cependant d’admirables aspects, nos artistes contemporains l’ont compris.
La province d’Auvergne réunit sur un espace restreint la fécondité de la Touraine et les aspérités de la Suisse. Dans ce coin de terre si profondément remué par les convulsions volcaniques, l’aridité coudoie la richesse, et l’une et l’autre ont leur grandeur. Où trouver des lignes plus pures, plus nobles, que celles des Dômes ! Le soleil, en dardant ses rayons sur les pics de basalte encore rouges des feux qui les ont rongés, éveille une admirable gamme de couleurs.
Au crépuscule, les vives arêtes des montagnes découpées en silhouettes présentent des effets de clair-obscur surprenants et des lignes d’une incomparable vigueur. Ce spectacle, chaque jour renouvelé, fit jaillir dans l’âme de Marilhat l’amour de la nature. Les premières impressions du pays natal restèrent ineffaçables dans son esprit. Mais bientôt les réalités de la vie l’arrachèrent à son beau rêve. Thiers est une ville essentiellement industrielle, tous ceux qui n’y fabriquent pas de la coutellerie y font du papier. Un des oncles de Marilhat avait une manufacture de couteaux et de rasoirs il fut décidé que le neveu irait dans le midi de la France et dans le nord de l’Italie placer les objets fabriqués par la maison. Du jour au lendemain, sans même être consulté, il fut improvisé commis-voyageur.

ll a raconté lui-même sa vie heureuse et insouciante. Il allait gaiement à travers ces pays nouveaux pour lui. Souvent il s’arrêtait pour esquisser une ruine ou un paysage. S’il descendait de diligence pour prendre quelque note, il ne manquait jamais de s’attarder, et il lui fallait attendre dans la maison d’un paysan le courrier du lendemain. Ce fut une période pleine de charmes. Après dix-huit mois, il rentra au foyer paternel avec quatre albums admirablement garnis ; par contre, le carnet de commissions était à peu près vide.

La situation devenait grave, le penchant de Marilhat pour les arts se déclarait irrésistible. L’oncle, désireux de se débarrasser d’un employé peu utile, opinait pour le laisser libre de faire de la peinture, le père résistait, et Marilhat parlait de prendre du service. La famille eut l’heureuse inspiration de soumettre le cas à un homme qui, par sa haute position et son intelligence d’élite, exerçait sur toute la province une influence incontestée. C’était M. de Barante, l’auteur du Tableau de la littérature au XVIII° siècle, un chef-d’œuvre, et de l’Histoire des ducs de Bourgogne, une des œuvres historiques les plus répandues. Il se fit présenter les ébauches du jeune peintre, les examina avec l’habitude d’un connaisseur et la bienveillance d’un grand esprit. Les dispositions de Marilhat ne lui parurent pas douteuses, et il fit comprendre à la famille qu’il fallait céder. Grâce à son insistance, le départ pour Paris fut résolu. Quelques jours après, Marilhat quittait Thiers ; pour viatique il emportait une lettre de son protecteur au peintre Ciceri.
Pour qui a connu M. de Barante, ce rôle de bon génie de la jeunesse semble tout naturel. Je me rappelle l’avoir vu en 1861 : il venait offrir à la Société du muséee de Riom, présidée par son fondateur, M. Francisque Mandet, ses œuvres et son portrait peint par Court. Jamais je n’oublierai sa bonne grâce, sa modestie, le charme de sa parole. Il nous entretint des arts en Auvergne et nous raconta comment il avait été le premier à pressentir le talent de Marilhat.

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Il existe une rue Prospe Marilhat à Thiers.
La rue Prosper-Marilhat formait autrefois avec l’actuelle rue Fernand-Forest, le "Grand chemin de Thiers à Lyon", ainsi qu’elles sont nommées sur des plans datés de 1738. Sur le plan cadastral de 1836, elle ne porte pas de nom. Source : inventaire général du patrimoine.


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