Il blesse mortellement son épouse d’un coup de couteau...

Depuis 13 ans, le mari violent préméditait son crime.. Il blesse mortellement son épouse d’un coup de couteau. Fayet-Ronaye, 1842.
Texte publié dans les éditions des 8 et 14 mai 1933 du « Moniteur du Puy-de-Dôme » et repris dans son intégralité (Collection « Presse auvergnate » des Bibliothèques et médiathèques de Clermont – Auvergne –Métropole).

Le drame que nous allons relater est terrifiant. Un homme a, pendant treize ans, prémédité la mort de sa femme ; à diverses reprises, il a tenté de mettre à exécution son sinistre projet. Ses vues étaient connues de tout le monde...

Ces treize années, sa femme les a vécues dans des transes continuelles, craignant à chaque instant pour sa vie qui ne fut qu’un martyre. Le crime, prévu par tous, a cependant fini par s’accomplir, et personne n’a pu arracher la victime à son affreux destin.

Mariage

En 1829, Jean Feneyrol avait épousé Marie Chamberon. Par leur contrat, les deux époux se faisaient réciproquement donation de leurs terres, en toute propriété, dont le prémourant serait saisi à son décès.

Cette clause fatale semble avoir été la cause de la mort de Marie Chamberon.

Dès les premiers jours de cette union, la brutalité et la haine sauvage de Jean Feneyrol éclatèrent en effet, et, pendant toute sa durée, la concorde ne régna pas un seul instant dans le ménage. Bien souvent, Marie Chamberon dut chercher refuge dans sa famille et chaque fois que Feneyrol crut nécessaire sa présence auprès de lui, il parvint à lui persuader d’avoir à réintégrer le domicile conjugal où il sut l’y contraindre par la terreur qu’il lui inspirait.

Débauché et cupide

Pendant les absences de sa femme, Jean Feneyrol se livrait à la débauche, fréquentant les filles de mauvaise vie, buvant, ripaillant à qui mieux mieux. En peu de temps, son avoir personnel fut ainsi dissipé. Il lui fallut alors la fortune de sa femme.

Comment s’y prit-il ? Toujours est-il qu’il parvint à se faire faire par Marie Chamberon une donation entre vifs et universelle.

Il convient ici d’indiquer qu’il exerçait un ascendant formidable sur sa malheureuse femme dont, d’ailleurs, l’esprit était assez faible et très borné.

Une nuit fatale

En 1836, Jean Feneyrol, après une séparation assez longue, avait réussi à ramener sa femme dans son domicile. La première nuit qu’elle y passa lui fut fatale. Feneyrol feignit d’avoir besoin d’un objet qui, disait-il, se trouvait pendu en dehors de la croisée de sa chambre.
- Veux-tu, demanda-t-il sur un ton papelard, aller me chercher cet objet, tu serais tout à fait gentille.
- Je veux bien, répondit Marie Chamberon. Elle se leva, ouvrit la fenêtre et se pencha pour saisir l’objet...

Jean Feneyrol qui, à pas de loup, avait suivi sa femme, la souleva alors par les pieds et la jeta par la fenêtre, élevée de sept ou huit mètres au-dessus du sol...
- A moi, au secours, je suis morte ! appela alors la pauvre femme, brisée par cette chute.

À ses cris, des voisins accoururent mi-vêtus, la relevèrent, la portèrent sur son lit.
- Que s’est-il passé, demanda hypocritement Jean Feneyrol ?
Et à sa femme :
- Comment es-tu tombée, ma pauvre Mairie ?
- Tu le sais bien, coquin, répondit Marie Chamberon, puisque c’est toi, oui toi, qui m’a précipitée pair la fenêtre. Un témoin entendit alors Jean Feneyrol riposter :
- Si tu dis encore que c’est moi qui t’ai jetée par la croisée, je finis de te tuer.

Marie Chamberon, à la suite de cette chute et de cette réelle tentative d’assassinat, resta longtemps malade, mais elle ne mourut pas. Elle était réservée pour d’autres douleurs.

Brutalités

Dès le jour de son rétablissement, Marie Chamberon est, sans cesse, en butte aux violences de son mari et à ses tentatives criminelles. Un jour, il la frappe d’un violent coup de pioche ; une autre fois, il la précipite du haut d’un fenil.

Et Marie Chamberon va de porte en porte répétant :
- Mon mari me tuera, mon mari me tuera...

Mais personne n’a le courage de dénoncer la brute ; chacun redoute Jean Feneyrol et a peur de sa vengeance s’il n’est pas arrêté et condamné.

Et c’est ainsi qu’on est arrivé a la nuit du 20 au 21 décembre 1842.

Le crime

Jean Feneyrol et Marie Chamberon ont dû se placer comme domestiques au village de Verrières, arrondissement d’Ambert, chez une dame Chaduc. Ils se sont couchés ; soudain, vers une heure du matin, Mme Chaduc est réveillée par des cris affreux, par des plaintes, des « Oh ! la ! la ! oh ! la ! la !, il m’a tuée. » Elle se lève et constate que Marie Chamberon a été frappée d’un coup de couteau dans le ventre et qu’elle porte une blessure de plus de cinq centimètres.
- Qui vous a fait cela, demande Mme Chaduc ?
- Mon mari... je suis perdue...

Le Parquet, cette fois, est prévenu ; Jean Feneyrol est mis en état d’arrestation... Il nie...
- Ce n ’est pas moi qui ai frappé ma femme, dit-il...
Et, payant d’audace :
- C’est Mme Chaduc.

Mme Chaduc n’a pas de peine à se disculper d’une accusation aussi monstrueuse. Les constatations accablent d’ailleurs Jean Feneyrol. Le drap qui recouvrait Marie Chamberon et même sa chemise ne portaient aucune trace de coup de couteau. Jean Feneyrol, pendant que sa femme dormait, avait relevé cette chemise et frappé le ventre mis à nu.

Enfin, alors que Jean Feneyrol prétendait n’avoir jamais possédé de couteau, on en trouvait un dans son coffre ; ce couteau avait été fraîchement aiguisé et la lame s’adaptait exactement à la blessure... Quatre jours après le crime, le 27 décembre, Marie Chamberon expirait dans d’atroces souffrances.

L’expiation

Devant le jury du Puy-de-Dôme, vainement, Feneyrol, par ses dénégations, chercha à sauver sa tête. Les témoignages l’accablèrent. Ce fut le récit du long martyre de Marie Chamberon par plus de vingt témoins à charge. Ce qui amena le président des assises à cette constatation :
- Le silence gardé par les témoins entendus aujourd’hui, n’est-il pas un peu, beaucoup même, la cause de la mort de la triste victime ?

Après un réquisitoire impitoyable et malgré les efforts de son défenseur, Jean Feneyrol fut condamné à mort. C’est le 6 septembre 1843 que les magistrats pénétrèrent dans la cellule du condamné et lui annoncèrent que l’heure de l’expiation avait sonné. Jean Feneyrol se leva, hébété ; il se laissa vêtir, car il était incapable d’un mouvement spontané. Il but, inconscient, le verre de rhum qu’on lui offrait et, sans un geste, laissa le bourreau faire la dernière toilette. Puis ce fut la marche à l’échafaud...

La marche ? Non, on traînait à la mort une véritable loque humaine...

Jean Feneyrol pourtant, en apercevant la sinistre machine eut un voient mouvement de recul. Il était si pâle qu’on eût pu, sans ce mouvement, croire qu’il n’était déjà qu’un cadavre... Quelques secondes plus tard, le couperet tombait...

L’homme qui avait lâchement martyrisé une femme, s’était montré lâche devant le châtiment.

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