Gare aux morilles !
Morille et fausse morille : comment la reconnaître ?
Ce champignon en forme d’éponge doit sa réputation à sa saveur incomparable autant qu’à ses caprices. Sensible aux chocs thermiques, la morille peut se montrer particulièrement abondante après les hivers rudes ou les années qui suivent des redoutables canicules, comme au printemps 2004. A l’inverse, des hivers trop doux, comme celui de 2006-2007, peut décevoir les espoirs du gastronome.
Très sensible à son environnement, la morille peut se montrer longtemps fidèle à ses stations et disparaître un jour, pour quelques arbres coupés… Mais elle sait aussi défier l’improbable et surgir là où on ne l’attend pas, grâce à un mycélium aussi têtu que superficiel : tas de sable dans une brouette, vieux matelas abandonnés, sols saturés d’amidon sous les panneaux d’affichage, décharges, vergers où l’on a laissé les vieilles pommes s’entasser, terrains de sport, charbonnières… Après la dernière guerre, à l’endroit où les sols ont subi d’intenses bombardements, les morilles ont poussé par tonnes durant quelques années. Le drame a donné des idées à quelques fadas dans le midi de la France, qui n’hésitent pas à brûler des forêts entières pour se délecter des carpophores le printemps suivant. La morille est un précieux indicateur des traumatismes de la Terre…
Les scientifiques ne sont pas d’accord pour dénombrer les espèces en France. Deux ? Trois ? Dix ? Le mycologue Emile Jacquetant en avait créé bien plus encore en se fiant aux seuls critères macroscopiques, mais c’était avant les progrès de la biologie moléculaire… Sa systématique reste néanmoins complexe : la morille défie encore la notion d’espèce.
Sous nos contrées, on distinguera, assez schématiquement, la morille vulgaire (Morchella esculenta), qui peut être grise (var. vulgaris) ou blonde (var. rotunda), de la morille conique (Morchella conica). Celle-ci, qu’on appelle improprement morille noire dans les Alpes et le Jura, se distingue par son chapeau sombre en bonnet de lutin et aux alvéoles côtelés. Elle est la première à apparaître, parfois dès la fin février, dans les jardins où la terre a été remuée, y compris en milieu urbain, ainsi que sur les versants sud des massifs. Car la morille conique est aussi la plus alpestre. C’est celle qu’on trouvera encore début juillet à 2000 mètres d’altitude dans les alpages. Dans sa famille, on a établi plusieurs sous-espèces, les variétés costata, elata ou encore deliciosa, que les palais subtils savent distinguer les yeux fermés ! La morille vulgaire est davantage inféodée aux plaines alluviales et à l’étage collinéen, perçant discrètement l’humus des haies herbues constellées de ficaires. La variété grise précédait autrefois la blonde de deux semaines, mais c’est de moins en moins vrai avec le bouleversement climatique. Il semblerait même que la variété vulgaris se raréfie au profit de la variété rotunda, qui peut s’accommoder de sols plus secs. Toutes les deux s’accordent cependant miraculeusement avec une poularde au vin jaune !
La morille ne doit pas être confondue avec la gyromitre, à la biologie assez similaire, mais dont le chapeau ressemble à une cervelle. Autrefois considérée comme comestible, la gyromitre a provoqué des accidents mortels ces dernières années, sans que l’on en établisse la cause exacte. La verpe et le morillon se différencient de la morille vraie par leur long pied et un chapeau plus ou moins plissé. Ce sont des bons comestibles, pas aussi fins cependant que leur célèbre cousine avec laquelle on les mélange souvent et que l’on vend, ô scandale, au même prix sous la mention « morille ». Dans tous les cas, la morille ne doit pas être consommée crue : elle contient des toxines, détruites par une cuisson suffisante ( + de 60 °C).
La forme et la couleur de la morille peuvent changer considérablement selon les caprices du temps, les essences d’arbres qui l’environnent ou l’exposition. C’est ainsi qu’apparaissent parfois des formes aberrantes, au pied énorme et pouvant peser plusieurs centaines de grammes. La morille peut être presque blanche sous les chênes kermès du midi, d’un noir charbonneux dans les dunes atlantiques et d’un beau rose violacé en Cerdagne…
Article paru sur le site de Naturavox par Ecolo Info. En avril, la morille apparaît dans les forêts. Mais attention ! Repérez les espèces comestibles et surtout ne mangez pas les champignons crus ! Le risque d’intoxication existe. Pour une cueillette réussie, suivez le guide...