Site et monuments - Thiers

À la France : sites et monuments. L’Auvergne (Puy-de-Dôme, Cantal)
Auteurs : Reclus, Onésime (1837-1916) - Touring-Club de France
Date d’édition : 1900-1906

THIERS. VUE GÉNÉRALE. — Thiers est la ville la plus industrieuse et la plus pittoresque du Puy-de-Dôme. Sur la ligne de Saint-Germain-des-Fossés et de Clermont à Montbrison et Saint-Etienne, à 39 kilomètres de Clermont, à 65 kilomètres de Montbrison, à 2 kilomètres de Pont-de-Dore où se réunissent les lignes de Saint-Gèrmain-des-Fossés à Ambert et Alanc, et de Clermont à Montbrison, Thiers est bâtie sur les pentes d’une colline assez abrupte, le Besset, à plus de cinq cents mètres d’altitude.

Sur ces pentes, la ville étage de la façon la plus curieuse ses rues et ses maisons qui dégringolent du sommet jusqu’aux rives de la Durolle, affluent de la Dore, qui sépare Thiers d’un faubourg assez intéressant, le Moutier.

Thiers est une ville très ancienne, et les vieilles maisons y fourmillent. C’est aussi une ville industrielle au premier chef, et elle doit son industrie à la rivière qui l’arrose et qui n’est pas une des moindres curiosités de l’endroit.

La Durolle, par une série de cascades, les unes naturelles, les autres artificielles, fait mouvoir près de deux cents usines établies sur ses rives, et parfois même dans son lit.

Papeteries, quincailleries, coutelleries surtout, doivent leur activité à la Durolle.

THIERS. LE PONT DE SEYCHALLES. - Les rues de la ville, à part quelques percées modernes et d’où la vue sur la vallée de la Dore est remarquable, sont étroites, tortueuses, et descendent en pentes très raides vers la Durolle. Elles aboutissent, pour la traverser en trois endroits : au pont du Moutier, au pont du Creux-Saillant, et au pont Saint-Jean ou pont de Seychalles. Ce dernier est composé de deux arches du XIII° siècle, en forme de dos d’âne. Tout près du pont se trouve une belle papeterie et, en face, une maison du XVI° siècle, en partie ruinée, à l’origine d’un chemin qui conduit au plateau de Margeride, d’où la vue est immense et fort belle.

Le pont du Moutier se trouve au bas de la ville et traverse la Durolle, assez calme en cet endroit, pour conduire au faubourg du Moutier qui n’a de remarquable que son église et des restes de fortifications de XV ème siècle transformés en habitations modernes.

THIERS. LA MAISON DU PIROU. — Thiers abonde en vieilles maisons curieuses, où le bois et la pierre ont été travaillés, sculptés, gravés, de la plus singulière façon. Nulle ville en France n’en pourrait montrer de plus intéressantes. Certains quartiers sont encore tels qu’ils étaient au Moyen-Âge, et ils en évoquent le souvenir exact et fidèle. La Ville Noire dont parle George Sand n’a pas sensiblement changé depuis des siècles. Aussi est-elle très visitée, et elle fait la joie des artistes et des amateurs de pittoresque. L’une des plus curieuses, la mieux conservée, parmi ces constructions d’un autre âge, est la maison du Pirou, qui forme un des côtés de la petite place de ce nom. Elle est bâtie en pans de bois apparents, formant des croisillons, avec deux étages allant en surplomb, et terminée par un toit en pointe. Occupé aujourd’hui par le commerce, ce château, comme on l’appelle à Thiers, fut bâti par les ducs de Bourbon au XV° siècle.

Non loin se trouve l’église Saint-Genès, fondée en 575, tombée en ruines en 1110, et reconstruite en 1120, ravagée en 1568 par les protestants, et remaniée à plusieurs époques.

Une rue en pente très raide conduit au cimetière, dans une situation des plus pittoresques, surplombant d’une quarantaine de mètres la Durolle qui gronde au fond de sa vallée.

THIERS. LES CASCADES DE LA DUROLLE. - La Durolle n’est pas une rivière comme une autre, c’est, au moins pendant la traversée de Thiers, une succession de cascades. Elle coule d’abord d’un cours assez rapide dans un vallon charmant, et mérite une promenade le long de ses rives. Elle fait mouvoir l’importante papeterie de la Charbonnière, qui fabrique le papier du Timbre, puis se précipite par chutes successives dont beaucoup sont artificielles, et donne la vie, et le mouvement à toute une série d’ateliers échelonnés sur ses bords sinueux. Des fabriques de boutons, des papeteries, des fabriques de limes et d’outils, des coutelleries surtout, s’y pressent et s’y enchevêtrent.

LA DUROLLE A THIERS. - Non seulement la Durolle fait mouvoir les usines, mais elle permet la division du travail. Chacune de ces usines fait le travail préparatoire, dégrossit la besogne. Puis chaque ouvrier emporte la première ébauche chez lui et la famille entière s’ y attelle. Chaque maison, chaque chambre devient une fabrique et plus de 15 000 ouvriers sont occupés de la sorte. Les affaires à Thiers se chiffrent par 12 ou 15 millions chaque année.

Rien n’est plus pittoresque que les bords de la rivière, et les usines enfumées, noircies par la houille, bruyantes et mouvantes, forment un étrange contraste avec la verdure qui les entoure et le bleu des limpides eaux de la rivière.

C’est à la limpidité de ses eaux, à leur pureté presque absolue, que les papeteries de Thiers doivent la belle qualité et la blancheur de leurs produits. C’est à l’action bienfaisante de ce cours d’eau torrentueux, mais discipliné par l’homme, que les usines qu’il fait mouvoir doivent une économie de combustible qui leur donne une incontestable supériorité commerciale.

UNE RUE A THIERS. — Presque toutes les rues de Thiers sont curieuses et abondent en vieilles demeures du Moyen-Âge. Bien que la pioche du démolisseur y ait fait de nombreux ravages, on trouverait en maint endroit des coins qui sont restés sans le moindre changement depuis plus de quatre siècles.

Quelques-uns pourtant sont particulièrement caractéristiques. La rue de La Vaure, notamment, qui descend de la place du Pirou, n’est guère composée que de maisons avec étages en surplomb, avec poutres apparentes presque toujours remarquablement sculptées, avec fenêtres encadrées d’ ornements délicats.

La rue de La Vaure n’est pas large, comme toutes les vieilles rues de la ville ; elle est une des moins passagères ; elle pèche par l’inégalité de son pavage, par l’absence de trottoirs, en un mot, on n’y trouverait pas le confortable moderne, et c’est ce qui en fait le charme. On s’y croirait reporté de plusieurs siècles en arrière ; on y retrouve les mœurs et les habitudes de nos ancêtres, et cette évocation du passé est plus fréquente à Thiers que partout ailleurs.

«  La ville de Thiers avait conservé jusqu’aux dernières années de la Restauration l’aspect de nos anciens jours. Le touriste, qui gravissait les pentes du « Grun », de « Durban ou de la Pierre-Qui-Danse, d’où l’œil embrasse la ville presque entière, découvrait les tours qui protégeaient jadis l’enceinte de son château, et, au-dessus d’elles, l’énorme donjon avec ses créneaux ébréchés. Les giroflées suspendaient au printemps leurs corolles d’or aux fentes des vieux murs ; des nuées de martinets venaient y établir leur demeure, croisant alentour, jusqu’au profond des airs, leurs vols infatigables. On reconnaissait sans peine l’enceinte fortifiée du XV°siècle. Quelques tours à demi écroulées, des vestiges d’anciennes portes, des murailles encore debout en profilaient le tracé sur un long parcours.
Des fouillis de maisons, groupées autour de ce qui fut autrefois le château de Thiers, partait une longue rue gravissant la montagne et prolongeant jusqu’au château des Orts ses maisons aux toits plats ; tandis que les trois faubourgs du Pont-de-Seychalles, de Saint-Jean et du Moutier dévalaient le long des pentes, pour atteindre la rivière, bordée dans tout son cours de tanneries, de rouets a couteaux et de moulins à papier. Ces restes du temps passé ont en partie disparu.
 »
HUBERT JACQUETON.

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THIERR. PONT SUR LA DUROLLE. — On a, dans ces dernières années, tenté de moderniser la ville. En tous cas, on a voulu y pratiquer des percées devenues indispensables par suite de l’extension de son industrie.

Pour faciliter les voies d’accès, des routes fort belles, aux pentes assez bien aménagées, ont été créées, et celle qui traverse la Durolle a exigé la construction d’un pont qui est par lui-même une œuvre d’art remarquable, mais dont le mérite propre est encore rehaussé par la beauté du site dont il occupe le centre.

Il se compose d’une seule arche, très hardie, qui franchit le ravin où coule la Durolle et où passe la route qui en suit la rive gauche. Six petites ouvertures en plein cintre, près des piles, supportent le tablier.

On aperçoit un autre pont plus modeste dans le fond ; c’est celui qu’utilise la route qui mène aux papeteries importantes de la Charbonnière.

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Crédit photos anciennes pour le logo de cet article : Jean-Luc Gironde.