Thiers a une mémoire : elle s’appelle Georges Therre

La ville est douce. Pourtant, elle fait le cœur gros au piéton. Thiers se mérite. La légende dit que le jour du conseil de révision, on détectait chez nombre de conscrits une hypertrophie du muscle cardiaque ! C’est sans doute vrai, les thiernois ont toujours eu un gros cœur : il n’y a qu’à regarder au Square de Verdun la longue liste de nos anciens tombés pendant la guerre de 14, cette sinistre boucherie que Paul Valéry résumait en ces mots : « La guerre est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas ». Ils y mirent tout leur cœur, leur gros cœur de couteliers, de papetiers, de paysans, de petites gens à défendre la Patrie. Et pour être honnête, il y avait même des patrons, des bourgeois, aux belles maisons sur la route de Vichy. Ou ailleurs. La mitraille n’a pas fait de différence. Thiers est une ville douce et tendre où le pas du promeneur échappe à son cerveau. On ne visite pas Thiers on s’y perd. Les rues sont des serpents entrelacés où la tendresse du temps sert de boussole. Il faut se laisser porter. Les portes, les rues ont des visages gravés dans le bois, dans la pierre. Les siècles se sont empilés sur les bâtisses. Certaines – beaucoup trop -se sont effondrées. On a rebaptisé des rues pour faire plus moderne, on a enlevé des fontaines- sources de vie- pour la même raison. Les gens ont déserté le centre ancien parce qu’ils ne savent plus regarder la beauté des choses, la beauté des lieux. Ils ne savent, au fond, plus se regarder et ont oublié d’où ils venaient. Et pourtant, quand on y est né ou quand on l’aime, on comprend qu’ « on n’est pas d’un pays mais comme qu’on est d’une ville » *… Quelle beauté, quels alignements de contraires, de perspectives folles, de déséquilibres si bien équilibrés, de dénivelés faits pour les fous, de possibles à découvrir, à inventer. Cette ville il faut savoir la regarder pour mieux la prendre, pour mieux la vivre. Elle n’attend que nous.

Pendant des décennies, des passionnés (Bigay, Soanen, Beaujeau-Aiguebonne, Kristos, Ytournel, Sablonnière, Tournilhac, Groisne, Prival et bien d’autres) ont essayé d’expliquer cette ville à travers des textes qui n’étaient rien d’autres qu’une grande déclaration d’amour à leur « petit pays ». Et ce n’est pas si simple de faire une déclaration d’amour… Aujourd’hui, mon cher Jean-Paul Gouttefanjeas m’a fait parvenir quelques comptes rendus de visites rédigés par Georges Therre (qui gagne beaucoup à être connu et à qui nous avions consacré un article il y a … quelque temps !. Georges c’est LA MEMOIRE de Thiers. Je passerai sur le bonhomme -en deux mots eut été mieux- que les thiernois d’un certain âge connaissent (ceux qui ne le connaissent pas peuvent toujours pleurer). Georges, c’est le dernier des Mohicans : sans doute dans des moments de transe intense se promène -t-il le corps peinturluré, un tomawak à la main en exhortant le Très-haut -auquel il croit autant que moi- à se pencher sur notre jolie cité que -bien avant Google Earth il a cartographié. Il est d’ailleurs assez rétif à la technologie des bidules internet, se contentant de prendre des notes sur des petits carnets. Georges a consigné ses rencontres, ses balades, ses impressions (quel délice) et sans doute ses humeurs ! Et c’est un vrai bonheur qu’il nous livre. Un vrai bonheur parce qu’il y a l’histoire (le factuel), les personnages qu’il rencontre – l’adorable Bruno Tournilhac par exemple , Tintin en pantalons de Golf- et ses mots bien à lui pour poser les gens et les choses. Ses notes que nous présenterons en plusieurs épisodes commencent en juin 1982 pour se terminer en septembre 2008. On imagine qu’il en a encore sous le pied le Georges. En attendant, délectez-vous de ces pépites. Elles sont rares.

Jean-Luc Gironde

* Piquée à Bernard Lavilliers !

En photo, Georges Therre avec, à sa gauche, Fernand Sauzedde, ancien député-maire de Thiers.