La Commune, elle souffla aussi à Thiers - 15 : audition des témoins : Jean Gilardeau

À lire précédemment : 14 : audition des témoins : Antoine Planche

Audience du 23 août

M. Roux . Un grand nombre de témoins assignés sur la demande des accusés sont arrivés. Ils sont dans la salle.
M. le président fait faire l’appel de ces témoins qui se présentent au nombre de 25.
La liste des témoins se trouve ainsi portée à 90, ce qui promet encore de longues audiences.
Comme nous ne pouvons augmenter à l’infini le compte-rendu, nous ne relèverons des dépositions que les faits les plus saillants, négligeant tout ce qui pourra faire double emploi avec les points déjà établis.
Jean Gilardeau, employé à la sous-préfecture de Thiers . Le 30 avril, j’ai appris qu’un mouvement menaçait la sous-préfecture. Je m’y rendis comme c’était mon devoir.
J’ai vu Mr Giraud, sous-préfet, aux prises avec Saint-Joanis. Celui-ci disait : Nous sommes pour Paris et non pour Versailles ; il faut que vous vous en alliez.
Mosnat vient en ma présence dans le cabinet du sous-préfet lui demander l’expulsion d’un fonctionnaire, le nommé Barnérias, qui était de garde à la poste, disant que si on ne lui donnait pas satisfaction il le renverserait lui-même.
L’ordre, malgré quelques faits assez graves, pouvait perte considéré comme maintenu tant que la 7° compagnie occupait le poste ; mais quand la 8° fut arrivée au chant de la Marseillaise, le bruit augmenta et la foule grossit tout à coup.

Le témoin raconte la succession des événements jusqu’au moment où la sous-préfecture n’était plus tenable, ils la quittèrent en passant par un jardin de derrière.

D. Quand Mosnat vint, avait-il sa veste de hussard ?
R. Oui, Monsieur.

Le témoin est ensuite appelé à s’expliquer sur les évènements du 30 octobre et raconte la présence de Chomette à la sous-préfecture, qui se retrouvera dans la déposition suivante :

M. Blais, chef de bureau à la sous-préfecture. Depuis les premiers jours d’avril, un bruit sourd courait dans la ville de Thiers que la sous-préfecture serait l’objet d’une attaque prochaine. Quoiqu’il n’y eût là rien de bien authentique, je crus devoir en avertir le sous-préfet qui ne parut pas y attribuer une grande importance. Ces bruits continuèrent et prirent de jour en jour plus de consistance ; on allait jusqu’à en fixer le jour d’avance.

Le témoin raconte diverses scènes, notamment celle de Saint-Janis.
Il rapporte ensuite qu’en présence de l’attitude de plus en plus hostile de la foule, il crut prudent de se préoccuper des moyens de sauvetage et qu’à cet effet, il se munit de la clef d’un jardin qui a accès sur le derrière de la sous-préfecture. C’est par ce moyen qu’il facilita le départ du sous-préfet et de quelques autres personnes.
Sorti de la sous-préfecture, dit le témoin, je fis un tour en ville. Je vis des gamins qui coupaient les fils du télégraphe ; au moment où j’en engageais un à aller se coucher, je sentis quelque chose siffler à mon oreille. C’était un tesson de porcelaine qu’on avait lancé sans m’atteindre ; mais au même instant on m’envoya une poignée de sable en pleine figure et un ouvrier me dit : "Retirez-vous, M. Blais, il pourrait vous arriver du mal ; demain ce sera bien autre chose". Alors je me retirai.
D. Ne rencontrâtes-vous personne ?
R. Si, vers dix heures et demie, je rencontrai le colonel de la garde nationale, M. Giraud-Pine. Nous causâmes de l’émeute et il me dit : ce sont des imbéciles, ça les amuse.
D. N’avez-vous pas aussi rencontré Brun ?
R. Si, il était dans un état d’exaspération impossible à décrire.
D. Ne vous dit-il pas : ce sont des chouans, avec leur argent, qui font faire cette émeute ?
R. Je ne me rappelle pas bien s’il a parlé des chouans ; il me semble me rappeler qu’il a dit : c’est la canaille.
M. le procureur général. Mais c’est consigné dans l’interrogatoire que vous avez signé ?
R. Ça peut être vrai et échapper actuellement à mon souvenir.
D. Parlez-nous du 30 octobre ?
R. Le 30 octobre, il y eut une émeute qui se dissipa sur une allocution du colonel de la garde nationale, qui promit la démission de M. Amiel-Daband, le sous-préfet d’alors.
Vers 8 heures et demie, Chomette entra dans les bureaux de la sous-préfecture et vint prendre place en disant : C’est ici la place du Comité de défense. Comme un de ses membres, je viens m’y installer et je n’en bougerai pas. Il donna des ordres, et on lui obéit. Plus tard, des gardes nationaux ayant arrêté un individu qui avait crié : Vive l’Empereur ! le caporal vint lui demander ce qu’il fallait en faire, M. Chomette donna l’ordre de le garder la chambre de sûreté.
Le lendemain, à l’heure des bureaux, M. Chomette vint reprendre sa place, plusieurs personnes présentèrent des papiers à signer, il se présenta pour les signer, mais sur mon observation que nous étions délégués pour cela, il n’y fit aucune objection. Il voulut aussi légaliser la signature du maire sur une pièce, mais sur mon observation que la signature appartenait au conseiller d’arrondissement, il n’insista pas. On m’a assuré qu’il avait néanmoins signé quelques pièces. Il resta là toute la journée.
D. D’après vous, Chomette a donc agi comme un sous-préfet régulièrement nommé ?
R. Absolument.
M. le président. Chomette, ces faits ne sont pas contestés par vous ?
R. Non. Seulement en arrivant la sous-préfecture je commençai par demander qu’on convoquât les membres du Comité de défense.
Le témoin. C’est une erreur. Ce n’est pas ainsi que M. Chomette s’est présenté. La preuve c’est que M. Sanajust-Barricand, membre du. Comité, vint par hasard, et ne parut pas prendre au sérieux la présence de Chomette.
M. le président. N’avez-vous pas eu l’occasion de voir Chauffrias ?
Le témoin. Le 30 octobre, Chauffrias vient dans un état de grande exaltation. Il vint demander le renvoi de M. Gilardeau, disant qu’il voulait l’assassiner parce qu’il avait insulté sa femme. Je cherchai à le calmer et il se retira après avoir entendu raison. La preuve, du reste, qu’il ne voulait pas l’assassiner, c’est que le lendemain Chauffrias était en faction lorsque M. Gilardeau entra à la sous-préfecture et il ne lui dit rien.
Chauffrias. Mais les propos que rapporte le témoin se rapportent à 1852, époque à laquelle j’aurais certainement étranglé Monsieur Gilardeau si j’avais été à Thiers, parce qu’il avait enfermé ma femme dans sa chambre pour la séduire.
M. le procureur général. Vous êtes resté à la sous-préfecture pendant le commencement de l’émeute, quelqu’un a-t-il proposé de battre le rappel ?
Le témoin. Oui, il en fut question. Mais le colonel répondit que c’était inutile, parce qu’on ne viendrait pas, que c’était une affaire de police et de gendarmes et pas de gardes nationaux, qu’on n’aurait personne. IL répéta que les émeutiers étaient des imbéciles qui s’amusaient.
M. Monteil, commissaire de police à Thiers. Le 30 octobre dernier, il y eut à Thiers un mouvement populaire qui avait pour but le renvoi de M. Amiel-Dabaud, ancien sous-préfet. Je ne connais ni les investigateurs ni les auteurs de ce mouvement qui cessa devant quelques paroles bienveillantes de M. Girarud Pine, le colonel de la garde nationale.

Le témoin répète le fait déjà connu de la présence de Chomette à la sous-préfecture.

Il continue :

Depuis le commencement du mois d’avril, des bruits vagues faisaient supposer qu’il y aurait une émeute à Thiers. Ces bruits allèrent croissants, et ils prirent surtout de la consistance lorsqu’on eut commencé à saisir les journaux.
On désigna même le jour où les troubles devaient éclater. Je crus donc devoir faire observer à M. le sous-préfet que la 8° compagnie, commandée de garde pour ce jour-là, me paraissait ne pas présenter des garanties suffisantes pour le maintien de l’ordre. M. le sous-préfet parut goûter mon avis ; il fit appeler le colonel ; j’ignore ce qui se passa entre eux, mais rien ne fut changé.
Vers 5 à 6 heures, les deux qui ont donné le signal de l’émeute sont Suquet et Faye. Je les ai bien remarqués ; ils allaient et venaient de la mairie à la sous-préfecture.
Le sous-préfet sortit pour chercher à porter le calme dans les groupes. Là, j’ai entendu Saint-Joanis et Chassaigne, qui injurièrent le sous-préfet en disant : "Nous voulons nos droits ; nous voulons vous expulser, et nous vous expulserons".
Le 15 avril, 15 jours avant l’émeute, Chomette ouvrit une souscription dont le produit devait servir à envoyer des volontaires pour soutenir Paris contre Versailles. Il se présenta à cet effet dans plusieurs maisons.
Après la première saisie des journaux, j’engageai Chauffrias à n’en plus recevoir. Quelques jours après, il vint au bureau me demander si j’avais le droit de saisir ces journaux et je lui ai montré l’ordre que j’avais reçu à cet égard.
D. Quelle réputation ont les accusés ?
R. La plupart d’entre eux sont des gens qui aiment les troubles. Saint-Joanis est tout ce qu’il y a de plus galeux à Thiers ; le petit Chassaigne ne vaut rien non plus. Il ne vit que de rapines, mais il est habile à ne pas se laisser prendre.
Un juré . Puisqu’on indiquait depuis le 1er avril qu’il devait y avoir un mouvement, on indiquait les auteurs ?
Le témoin . La notoriété publique à Thiers désignait Chomette comme meneur ; on disait aussi que Vedel et Chauffrias étaient ses affiliés.
Chomette . Je demande à poser une question au témoin pour éclairer MM. les jurés. Le 10 ou 12 juillet, veille de la déclaration de guerre, le témoin ne devait-il pas m’arrêter parce que je faisais signer une pétition en faveur de la paix ? Eh ! Messieurs, n’étais-je pas dans mon droit ?
M. le président. Pas de développement. Vous avez posé la question ; cela suffit.
Le témoin. Non, je n’avais reçu aucun ordre à cet égard. Je dois dire aussi que je dressai procès-verbal contre Chomette pour le fait de la souscription, et que je le transmis en double expédition au sous-préfet et au procureur de la république.
Chomette. M. le procureur de la république me fit appeler à ce propos, et je lui expliquai que les souscriptions avaient pour but l’organisation de comités d’élections analogues à ceux qu’on avait constitués à Clermont.
Le témoin. Chomette me fournit là l’occasion de régler un fait important qui échappait à ma mémoire. En sortant du parquet, Chomette répéta dans la ville sa visite au procureur de la république, en ajoutant : "Ils voulaient me faire arrêter", ils n’ont pas osé".
M. le procureur général au témoin. Il serait utile que vous rapportiez ce qui s’est passé par rapport à l’ordre d’arrestation donné contre Chomette.
Le témoin. Il y eut une réunion chez M. le procureur de la république, à laquelle assistaient les principales autorités de Thiers : M. le sous-préfet, M. le maire, le lieutenant de gendarmerie, le colonel de la garde nationale. M. le procureur de la république, au reçu de l’ordre d’arrestation, que lui avait transmis M. le procureur général, me demanda si je répondais de l’ordre à Thiers au cas où on arrêterait Chomette ; on agita cette question dans cette réunion, qui dura jusqu’à 2 heures du matin, et on convint que l’arrestation était bien possible, mais qu’il ne sera probablement pas possible de garder Chomette en prison seulement deux heures.

M. le procureur général fait connaître que l’avis des autorités était que 400 hommes de troupe au moins étaient nécessaires pour protéger à Thiers les personnes et les propriétés au cas où on aurait arrêté Chomette.

Le témoin. Comme dit M. le procureur général, l’arrestation était impossible sans force publique exceptionnelle. Si même la troupe n’était pas arrivée aussi rapidement le 30 avril, il y aurait eu certainement de plus grands malheurs. On était convenu de piller et même d’incendier. Un témoin vous dira avoir vu dans le village de Chez Boulay transporter d’avance des fagots.
Chomette. Le témoin ne m’a-t-il pas entendu dire, le 30 mars, ces paroles qui ont bien leur importance : "Les auteurs de la guerre civile sont bie’n coupables" ?
Le témoin. Oui, je crois avoir entendu dire ces paroles, un soir que nous étions avec plusieurs personnes réunis à l’imprimerie Favyé. Mais vous avez ajouté : "Il faut que Versailles fasse des concessions à Paris, ou ça ira mal".

Guillaume Giraud , ancien sous-préfet. Dans les premiers jours d’avril, le bruit qu’une émeute devait éclater à Thiers arriva jusqu’à moi. Vers le 24 ou le 25, le bruit prit plus de consistance, et j’envoyai une dépêche chiffrée au préfet pour qu’il prît des mesures. Je n’ajoutais cependant à ce bruit qu’une foi peu considérable ; mais le dimanche matin, 30 avril, un des employés me dit que positivement une émeute aurait lieu le soir. Il l’avait appris par des enfants de l’asile qui avaient rapporté que des émissaires avaient parcouru la vallée où se trouvent les usines.
Vers cinq heures, j’étais dans mon cabinet ; on frappa à la pote. J’ouvris et un individu en état d’ivresse, coiffé d’une calotte de zouave, se présenta. - Que voulez-vous ? - Je veux m’engager pour l’Autriche, répondit-il. - Ce n’est ni le jour ni l’heure de venir s’engager. Vous reviendrez demain si vous voulez, allez vous-en.
Cet individu insista, et ma femme d’ouvrage, entendant cette scène, fut inquiète et alla immédiatement à la police chercher un agent. Cet individu, qui est le nommé Suquet, sortit ; mais au lieu de s’en aller, il se promena devant la porte. Un autre individu, nommé Faye, qui montait la garde avec un fusil, me dit aussi insolemment : "Nous ne voulons plus de vous, il faut que vous partiez". Je vis également devant la porte une femme excessivement animée, qi me dit aussi : "Il faut que vous partiez ; vous n’êtes plus des nôtres, vous êtes un traître, vous avez enlevé nos journaux".
En conséquence de ces faits significatifs, je rentrai dans mon cabinet et j’y préparai une dépêche chiffrée au préfet pour l’avertir que l’émeute était venue et qu’il eût à envoyer de la force. Je sortis ensuite dans les groupes pour les calmer. Je rencontrai Roddier qui me dit : "Il faut que vous partiez, vous êtes un blanc, nous ne voulons plus de vous." En même temps, il se plaça en travers de la porte de la sous-préfecture comme pour m’empêcher d’entrer. Il était ivre comme les autres, du reste. Je le pris par le bras pour l’écarter et j’entrai sans difficulté.
Bientôt arriva Saint-Joanis dans un état de fureur indicible, qui me répéta les mêmes menaces : "Vous partirez, nous ne vous voulons plus ; vous représentez Versailles et nous Paris ; nous voulons nos droits ; vous avez saisi nos journaux ; vous n’en aviez pas le droit ; nous voulons nos droits". Je lui réponds que j’avais saisi les journaux par ordre du ministre. J’ajoutai même : la commune fait saisir ceux de Versailles, par conséquent, il y a réciprocité. Mais comme il insistait toujours, j’eus, je l’avoue, la faiblesse de lui proposer de les leur rendre s’ils voulaient se retirer. J’avais consciencieusement l’espoir que cela suffirait pour apaiser l’émeute. Après la remise que j’en fis, il y eut, en effet, un peu de calme, mais de peu de durée, et les cris, ainsi que les vociférations recommencèrent bientôt de plus belle.
Des individus venaient à chaque instant à la porte. Un nommé Mosnat vint demander le renvoi d’un nommé Barnérias, garde national en faction, qu’il prétendait être indigne de faire partie de la garde nationale et il me dit que si je ne faisais pas droit à sa demande il l’attaquerait. Je le calmai, et comme il me dit qu’il allait s’ôter de là en partant pour la campagne, je lui donnai 4 francs pour son voyage. Il sortit, mais ne partit pas.
Un moment après, on poussa encore des cris forcenés. Je sortis, on cria : Vive la République ! Mais je la veux aussi, la République, leur dis-je, et je la veux avec tous ses développements et progrès. Mais tout raisonnement était inutile, on commença à lancer des pierres et je fis à la hâte une troisième dépêche au préfet ; à peine le dernier mot était-il transmis qu’on brisa les fils.
L’acte d’accusation contient une indication que je dois en ce moment rectifier. Il dit que j’ai été frappé par Suquet ; c’est une erreur. Il ne m’a pas frappé. Il m’a seulement répondu, comme il avait fait, à M. Guionin : je vous em... Personne, du reste, ne m’a frappé.
Je rentrai dans la sous-préfecture qui fut assaillie de pierres ; puis quand la gendarmerie eut été forcée de se replier, je quittai l’hôtel en passant naturellement par derrière. Je m’armai d’un revolver et, en compagnie de mon fils, je me rendis à pied à Pont-de-Dore pour y attendre la troupe. Je rentrai à Thiers avec elle et en compagnie de M. le procureur général qui était également arrivé.
Parmi les propos relevés, ces gens-là ont dit que je n’étais plus des leurs. Je n’ai jamais été dans leurs idées. En 1848, j’étais républicain, mais pas socialiste ; en 1871 je suis encore républicain, mais pas communeux ni communiste.
D. Le 30 octobre, n’avez-vous pas vu Chomette installé à la sous-préfecture et ne l’avez-vous pas félicité ?
R. Je le rencontrait en effet et lui demandai ce qu’il faisait là. Il me répondit : Vous voyez, je remplis les fonctions. Alors d’un ton ironique, je lui dis : Eh ! Bien mon cher ami, je vous en félicite.
Chomette. Est-ce que je vous dis pas alors que je n’y tenais pas ?
M. le président. Et n’ajouta-t-il pas : Ce n’est pas le moment d’appliquer mes idées politiques.
Le témoin. Je ne m’en rappelle pas.
Chomette. En effet, je voulais deux choses qui ne pouvaient se réaliser : je voulais l’abolition de l’impôt sur les boissons, et secondement qu’on confiât à Garibaldi un commandement très important.
M. le président. Est-ce que vous n’auriez pas pu, en convoquant la garde nationale, empêcher l’émeute ?
Le témoin. La garde nationale n’était pas armée ; il n’y avait que les cadres. De plus, la garde nationale était divisée ; il y avait un parti favorable et un parti hostile ; en un mot, on n’avait pas une confiance absolue en la solidité de la garde nationale.
M. le procureur général. Avez-vous proposé au colonel de la garde nationale de battre rappel ?
Le témoin. Il en fut question ; mais le colonel me dit que cette mesure présenterait un danger. Comme il était plus à même de l’apprécier que moi, je m’en rapportai à lui. Il avait fait convoquer les officiers et n’en était venu qu’un.

Sur la demande de M. le procureur général, le témoin rend compte des efforts faits par l’autorité de Thiers pour porter secours à la classe ouvrière et alléger les souffrances occasionnées par le chômage. La commission municipale d’alors fit tout ce qu’on peut humainement faire pour subvenir aux besoins de la population. La ville fit des emprunts qui furent couverts avec un grand patriotisme, et grâce au dévouement de la commission on put faire face à tous les exigences de la situation.

D. En sorte que ces gens-là n’ont même pas l’excuse de la misère ?
R. Non, elle n’a pas existé. Nous en avons été bien récompensés !
D. Quelle opinion avez-vous de Chomette, Chauffriat Vedel ?
R. Chomette est, dans la vie privée, un parfait honnête homme. Mais il a des opinions exaltées. Je le connais peu et je ne puis me permettre d’appréciation sur la direction qu’il imprime à la grande influence qu’il possède.
M. Vedel est également d’une loyauté parfaite comme homme privé. Quant à ses opinions politiques et la part qu’il a pu prendre à l’émeute, je l’ignore.
Je connais moins Chauffriat et ne l’ai vu qu’une fois à propos du renvoi qu’il vint demander d’un des employés de la préfecture.
Saint-Joanis. Demandez, je vous en prie, au témoin, s’il ne m’a pas chargé, le 30 octobre, de répandre le bruit que son prédécesseur qu’il voulait faire renvoyer pour pour prendre sa place, cachait les dépêches ?
Le témoin. Je donne à cette allégation le plus formel démenti. Je n’ai même pas vu Saint-Joanis le jour qu’il indique.
Chomette. J’ai deux questions importantes à poser au témoin. N’est-il pas allé à Clermont porter à M. Girot-Pouzol la liste d’une commission municipale qu’il voulait faire nommer à la place du conseil élu ?
Le témoin. Quoique composé de très honnêtes gens le conseil municipal de Thiers ne pouvait pas fonctionner régulièrement en raison de circonstances, je reconnus la nécessité de le remplacer par une commission et c’est cette commission qui a fonctionné d’une façon si admirable pendant le dur hiver 1870-1871.
Chomette. Le 30 octobre, M. Giraud ou M. Guionin ne firent-ils pas passer 11 télégrammes à M. Gambetta, pour se faire nommer sous-préfet ?
Le témoin. J’ai été nommé sous-préfet sans le savoir et ne l’ai jamais demandé. J’ai accepté ces fonctions sur les instances de mes amis, par dévouement et à titre purement provisoire.
Après cette déposition, l’audience est suspendue.

À suivre : 16 - audition de la femme Mazeron.

Merci à Georges Therre pour nous avoir confié ces documents.