Un Noël au naturel

Et voilà que les circonstances des temps nous ramènent vers des comportements nous portant plus au naturel en cette période de NOEL. On peut envisager des repas de famille (avec ceux qui n’habitent pas trop loin !) des réveillons éclairés exclusivement aux bougies ! Faute de courant, nous devrions faire avec les moyens du bord avec de vrais sapins dans la maison, ceux en plastique (ou apparentés) seraient bannis, de même pour les guirlandes électriques, qui, pour le coup seraient rangées au grenier au rayon des antiquités d’autres temps dits modernes ou de progrès ! Au pied du sapin (celui avec de vraies aiguilles), pas la trace d’un seul jouet ‘’à brancher’’ sur le secteur, l’étoile elle-même du sommet de la crèche ne clignoterait pas. Le Père Noël qui, lui, est branché, connaît les problèmes que subissent les terriens, d’ailleurs, par précaution, il est toujours resté à son mode de déplacement : les rennes ! Même s’il en a réduit le nombre (économie oblige), qui au départ était de huit, il n’a jamais sacrifié aux trains soumis aux coupures de courant ni aux avions dépendant de tours de contrôle hyper sophistiquées et gourmandes en énergies électriques. Oh, tout au plus, il aurait pu céder à la tentation d’une camionnette mais ces moteurs à explosion ne tournent que si on met du carburant dans le réservoir qui leur est adjoint et, là aussi, il y a des incertitudes quant à l’approvisionnement. Il sait que le Père Noël qu’il est se doit, vaille que vaille, d’assurer sa mission : distribuer les jouets. De plus, dans les contrées glacées proches du Pôle Nord où il réside normalement, le virus du Covid ne peut l’atteindre et il ne bénéficie pas du droit de grève donc toutes les conditions sont (à peu près) réunies pour une distribution de Noël dans la tradition.

La grande différence, cette année, c’est qu’il lui faudra redoubler de prudence dans les villes et les villages car il n’y aura pas d’éclairage public. C’est un événement nouveau, il ne s’en plaint pas trop parce que tous ces déferlements de guirlandes électriques surchargées allant (entre autres) d’un côté à l’autre des rues étaient un vrai danger pour lui et son attelage lors de ses déplacements aériens. Ses bêtes connaissent bien le chemin, elles ont l’habitude, et connaissant les maisons des enfants sages et méritants, elles y vont d’instinct, même dans le noir.

D’ailleurs, puisqu’on parle des rennes, il faut le dire en passant, ils aiment beaucoup ces décorations ‘’au naturel ‘’ que l’on trouve le long des rues et des chemins, sans parler des ronds-points et de leurs abords. Là aussi, la fée électricité n’agit plus, ce ne sont que sapins verts de nos forêts, des montages évoquant les fêtes et l’hiver, bois découpés, cabanes nordiques, tas de bûches attendant l’holocauste de la cheminée, luges, traîneaux et toute une ribambelle de petits personnages ou animaux que l’on imagine acteurs indissociables de Noël : lutins, oursons, chiens d’attelage, pingouins et autres oiseaux du froid et de la nuit. Ce à quoi les rennes sont le plus sensibles, ce sont ces bois découpés qui les représentent attelés à leur traîneau surchargé de paquets, semblant glisser et même voleter tant ils sont vifs et gracieux. Ils se retrouvent en tête des symboles de Noël, après, bien sûr, un petit enfant né ce jour-là et hors concours dans ce classement ! Sans oublier le Père Noël lui-même. Ils trouvent dans ces représentations comme une reconnaissance que toutes les ampoules électriques ne parviendraient pas à rendre.

Ce retour au naturel peut créer des situations surprenantes. Jusqu’alors le Père Noël, pour descendre dans les cheminées, avait perdu l’habitude de vérifier s’il n’y avait pas de feu dans l’âtre tant c’était devenu rare. En effet, les cheminées traditionnelles que l’on trouvait en principe dans chaque pièce, et ce jusque dans les années 1950 s’étaient raréfiées au point que l’on n’en trouvait plus que dans le salon, ces dernières années et encore dans un esprit de survivance des temps anciens. Il faut bien le dire, le feu dans la cheminée (à foyer ouvert) était quelque chose de très important dans la vie de la maison, c’était peut-être le cœur du foyer ces flammes dont la chaleur était décuplée par les taques de fonte. C’est là qu’on aimait être pour parler, pour rire, pour évoquer et lire. C’était l’endroit le plus chaud, dans tous les sens du terme, au point qu’au Moyen-Âge les anciens avaient inventé le banc tournis : ce siège long (3 ou 4 places) disposé en travers, devant le feu, bénéficiait d’un dossier un peu spécial, une barre sur toute la longueur montée sur un axe pivotant qui permettait selon le désir de se chauffer la face ou le dos en changeant de côté. Même sans le banc, il était toujours possible de se tourner devant l’âtre pour faire ‘’belles jambes’’ comme on disait autrefois.

Autre constat, il est amusant (si l’on peut dire) de voir qu’à une époque où l’on devinait, il y a peu de temps encore, une interdiction sous-jacente, donc pas encore avouée : celle de ne plus faire de feu de bûches dans les cheminées car trop polluant ! de voir revenir au galop une pratique qui a fait ses preuves depuis la nuit des temps ! Je pense que la loi iconoclaste attendra un peu au regard de la tournure des événements ! Là, n’en doutons pas, ce retour au naturel va malheureusement faire augmenter le prix du stère de bois et dans la foulée le prix horaire des petits ramoneurs !

Ah ! le naturel, lorsqu’il est chassé, revient au galop mais c’est certain, il n’y a pas que du bon dans ce retour aux sources, c’est à nous de faire le tri (dans la mesure du possible), au milieu des embêtements et des contraintes de notre vie de tous les jours ‘’ il nous faut regarder ce qu’il y a de beau , les berceuses des mères, les prières des enfants et le bruit de la terre qui s’endort doucement’’ comme disait si bien le poète.

Sachons trouver dans nos familles et chez nos amis une harmonie capable de nous faire passer un bon Noël, c’est en tous cas ce que je vous souhaite, chers lecteurs, le plus naturellement du monde.

Jean-Paul Gouttefangeas

Merci à François-Noël Masson pour le cliché qui illustre cette chronique.