Coupures annoncées

On nous annonce des coupures, de courant celles-là, mais, des coupures on en a connu et de toutes sortes ! Bien que nous fassions tout pour éviter ces fameuses coupures, comme nous dit notre Gouvernement ! La coupure estivale est bien loin derrière nous, avec ses feux de forêt où nos courageux pompiers ont mis en place sur le terrain des coupures de feu. Il en a d’ailleurs été maintes fois question, dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale (entre les coupures !). Il est à noter que nos députés travaillent souvent ‘’en coupures’’, jour et nuit, puisque les horaires effectués sont discontinus, en séquences entrecoupées par des interactions d’activité : réunions de groupe, suspensions de séances etc. La mode, il faut bien le reconnaître en ces temps, est aux coupures : coupures de budget, de crédits, de droits etc. Dans notre société du début de ce siècle, on assiste à une coupure entre les plus fortunés et les autres, même dans les classes moyennes on constate une coupure entre les plus nantis et ceux du bas de la même classe, coupures dans les relations humaines et ce, malgré les fameux réseaux sociaux (pourtant hyper actifs !).

Pour en revenir au sujet qui nous préoccupe, alors que nous allons entrer au cœur de l’hiver : la ‘’grande peur’’ du chaos que pourrait provoquer le black-out total d’une coupure de courant nous perturbe. Nous l’avons oublié mais ce disfonctionnement s’est produit dans la période 1945-50, suite à la fin de la guerre. Ce phénomène avait déjà commencé en 1905 et 1907, à Paris, dû aux grandes coupures syndicales (électricité). Une grève de deux heures, en 1908, avait plongé Paris dans le noir. Les chefs syndicalistes étaient alors affublés par le grand public du nom ‘’d’éteigneurs d’étoiles’’, avec leur devise : ‘’ Que les ténèbres soient !’’ On prend conscience que les coupures d’électricité et de gaz sont en fait des privations de force dans tous les domaines, allant jusqu’à la survie dans certains secteurs, soins sanitaires, chauffage, transports. En 1953 encore, Paris subit des coupures de courant, quartier par quartier. Lors de la crise de 1968, en France, la décision est prise de renoncer aux coupures, il y aura seulement quelques interruptions très ciblées. Novembre 1969, le mot d’ordre des coupures est dans l’air mais la période de grand froid stoppa net le projet. L’arme syndicale des coupures d’approvisionnement prend fin en 1995, avec un blocage des trafics à la gare St Lazare. Toutes ces coupures sont essentiellement syndicales mais ce que nous pourrions vivre bientôt n’a rien à voir quant aux causes.

Ces coupures d’électricité (et peut-être de gaz) plus ou moins prévues (de courtes durées) sont les conséquences d’une crise énergétique sans précédent pour les pays européens : raréfaction des approvisionnements, hausse drastique des prix, avec pour effet immédiat le ralentissement de la production des industries (entre autres) et des problèmes jusqu’au cœur de tous les foyers des Français.

Dans cette chronique je ne vais pas aborder les causes, d’abord elles sont trop nombreuses et surtout, je ne suis pas un spécialiste, je me contente de faire le constat des déboires, à l’heure où on nous demande de faire des économies de consommation d’énergie. Que cette gabegie ait été provoquée par la guerre en Ukraine, que ce soit une erreur d’avoir fermé les centrales au fuel et au charbon, ce qui a provoqué une demande supplémentaire de production de la part des centrales nucléaires, dont plusieurs ont été arrêtées, il y a déjà quelque temps, alors que d’autres, par défaut de maintenance, ont également cessé de produire, ou le retard sûrement pris dans la transition des énergies renouvelables, tout cela, disais-je, ne change rien au résultat. (Là, je me rends compte que ma dernière phrase est trop longue, j’aurais dû faire une coupure au risque d’user d’une césure par un tiret !)

Par la force des choses, nous nous adapterons à la situation, nous couperons l’alimentation de nos appareils ménagers, nous irons même jusqu’à la coupure de ce que nous appelons la ‘’mise en veille’’, c’est dire !

Il faudra veiller en premier lieu à l’alimentation sans faille en électricité des hôpitaux, des feux de signalisation, de même qu’il faudra prévenir tous les usagers des ascenseurs, fermer les aéroports, etc. etc. Tout notre système de vie (matériel) est basé sur l’énergie électrique. Il va sans dire que ce chambardement qui s’annonce (que j’espère pas trop violent et temporaire) aura des répercussions sur notre monnaie, nos coupures de billets de banque vont prendre un coup de bambou qui ne nous sera pas favorable !

En parlant de ‘’veille’’, ces coupures des ‘’liens énergétiques’’ pourront avoir des conséquences inattendues : imaginez, (pour l’anecdote) une coupure de courant, sur le stade, au beau milieu d’un match de foot en nocturne ; une finale de Coupe de France ! Comme la coupure ‘’souvent bénéfique’’ que ressentent parfois les sportifs dans leur carrière, nous risquons de subir aussi une coupure psychologique qui, si elle devait perdurer, pourrait (socialement parlant) mettre le feu aux poudres ! Il faudra bien alors trouver un ‘’sorcier coupe feu’’ afin d’éviter la ‘’coupure finale du moteur’’ bien connue chez les garagistes !

Tous les jours, nous nous rendons compte de la coupure que subit notre civilisation, sans mettre en avant une ‘’fin du Monde’’, voyons quand même la fin d’un Monde.
Les jeunes générations créeront quelque chose de nouveau, elles ont une force d’adaptation en elles que les plus anciens n’ont peut-être plus, la nature elle-même se transformera. J’aime à citer l’exemple de la mer qui sera bientôt polluée à outrance. Tous ces déchets que l’on trouve au fond (sans parler des déchets flottants, tous les plastiques monstrueusement nocifs) ces carcasses en tout genre, les roues et les pneus (entre autres), tout cela se recouvre de coquillages, d’algues et devient des caches et abris pour un grand nombre d’habitants des lieux, où ils se reproduisent et puis, un jour, des sédiments recouvriront tout ça, peut-être qu’alors le cycle continuera. Et pour les humains (8 milliards et 10 milliards dans 30 ans, au train où vont les choses !) ce nouveau Monde leur permettra- t-il de retrouver ‘’l’enchantement’’ perdu ?

On entend un peu partout qu’il faut sauver la planète, je suis, bien sûr, d’accord car à son égard, par nos comportements, nous avons provoqué la grande coupure mais pour tout vous dire, je pense que ce qu’il faut sauver ce sont les êtres humains et là, ça n’est pas gagné.

Jean-Paul Gouttefangeas

Crédit photo Jean-Luc Gironde.