Ohé du bateau ???

Avec le retour des mois en BRE, l’ours tremble de tous ses membres. La mauvaise saison va revenir envoyant du même coup le plantigrade au fin fond de sa caverne. Même pas le temps d’avaler une (allez deux) douzaine d’huîtres, il va devoir baisser pavillon et regagner le sien, le temps que passe le vent mauvais. C’est le lot de l’ours. Un fatum comme un autre. Au fond, il aurait tord de se plaindre. Il aurait pu travailler à France Telecom ou fabriquer des pneus à Clairoix ou bien encore des hélicoptères à Marignane ou parler dans le poste à RFI… Bref, il aurait pu naître humain et franchement cette perspective – aperçue uniquement les jours de grande lassitude quand le Badoulin vient à manquer - ne l’enchante guère. Il a beau passer pour un optimiste désespéré, son cou sans collier ne le gratte pas. Et c’est d’un œil goguenard qu’il voit un prince Jean – qui n’est pas s’en terre- passer à l’attaque de la Défense avec de nouvelles lunettes et le cheveu plus court. Il ne comprend pas cet homme si riche, marchand d’avions de guerre et propriétaire de journaux, rendu inéligible par le conseil d’Etat et qui retrouvera son fauteuil de maire dans une ville au sud-est de Paris parce qu’au fond, tel est son bon plaisir. Il ne lira pas La Mauvaise vie d’un ministre qui parlait si bien à la télé de destins incroyables, pas plus il ne lira l’ouvrage de cette femme trompée, ex-épouse d’une ministre qui vient de publier un Manuel de guérilla à l’usage des femmes.

C’est que, de ce spectacle politico-people qui fait à coup sûr le jeu de tous ces méchants de montreurs d’ours qui rêvent de lui percer le nez, il n’en a cure. Il se dit simplement qu’une once d’éthique individuelle chez ces hommes qui exercent le pouvoir ne serait pas superflue. Mais l’ours n’est pas un homme et sa caverne, un mythe. Il sait lui, pourquoi il y retourne. Comme toujours, il va rêver de la mer qu’il a déjà entendue dans un gros coquillage nacré en pestant contre ces pétroliers maricides chargés de mort noire.

Alors avant de fermer les yeux pour une hibernation réparatrice, il s’entendra crier désespérément « Ohé du bateau, ohé ? » Et comme toujours, personne ne répondra. Alors, l’ours fermera les yeux.

Une chronique de Jean-Luc Gironde.