Georges Therre

Georges THERRE qui anima cette soirée est un ancien professeur de lettres classiques des lycées d’Ambert mais surtout de Thiers (30 ans !). Il a consacré une partie de ses loisirs à l’étude de la littérature locale, particulièrement aux écrits de Blaise Pascal, Lavelle, Fernand Planche, Pourrat ou Vialatte...

Après quelques interrogations sur les notions fugitives d’Auvergne et d’Auvergnats, le public a été invité à découvrir ou redécouvrir quelques textes percutants de notre voisin Blaise Pascal, puis de 4 écrivains contemporains issus de la région thiernoise et ambertoise : Henri Pourrat, l’apôtre du jardin potager, Lucien Gachon, l’arracheur de chiendent, Alexandre Vialatte le plongeur du Gour de Tazenat et Jean Anglade, le saxophoniste.

Mon Cher Georges,

Un homme qui aime à la fois la saucisse de choux, le Gewurztraminer, Alexandre Vialatte et qui habite Bellerive-sur-Allier ne peut pas laisser indifférent. Si de plus, il est né la même année que Pierre Desproges –qui nous manque tant en ces temps de pensée unique – le doute n’est plus permis : cet homme est né bon et comme le vieux vin, le temps qui passe ne fait que le bonifier. J’oubliais, tu es né à Thiers et ton numéro de sécu j’en suis sûr, commence par 1 et on y trouve le chiffre 430, ce qui, excusez du peu, n’est pas donné à tout le monde ! Y en a qu’auraient payé cher pour l’avoir le 430 !

Georges, tu m’auras tout fait faire !! Descendre dans la gorge profonde de la Durolle à l’aplomb de Château Gaillard pour dénicher les anneaux qui servaient à descendre les meules dans les rouets, avaler des tonnes de poussière au Musée de Barante sous l’œil goguenard de l’ami Jacques Ytournel, grimper sur des échafaudages de fortune pour photographier un Homme dit des Bois alors que les mêmes marchaient par dizaines dans la rue, boire et manger plus que de raison à certaines Foire au Pré à tel point que l’Académie de Médecine, fut-un temps, considérait mes analyses sanguines avec les tryglimachins comme un défi aux connaissances scientifiques de l’époque mais surtout, tu m’as fait descendre dans ta rutilante conduite intérieure et ceci bien avant l’invention du GPS, la route des Fraises sans souci des tournants, de nuit, dans une purée de pois, le regard tourné vers ton copilote d’infortune qui maudissait alors pêle-mêle les Ponts et Chaussée, l’automobile, le Badoulin, les curés, certain parti politique (je tiens au singulier) et Daniel Groisne, maitre d’œuvre de ce qu’il faut bien appeler une tentative d’homicide déguisée en repas gastronomique.

Heureusement le Très Haut – sur l’existence duquel nous divergeons, ce qui est normal pour le fin connaisseur de Blaise Pascal que tu es ! -, le Très Haut disais-je, dans sa sage miséricorde m’a jusqu’à aujourd’hui épargné. Mais pour me punir de toutes ces turpides passées, voilà qu’il m’a condamné –le mot n’est pas trop fort- à noircir quelques lignes te concernant !

Tu parles d’un cadeau ! Dresser un bourricot passe encore. Mais ton portrait ! Comme si je pouvais, pareil à l’abbé Boudal, sortir des pinceaux de ma barbe et te poser sur une toile telle cette Origine du Monde aperçue l’autre jour au Musée d’Orsay …. Je m’égare…
Pourtant ce devrait être facile : j’ai rendu compte de tout. Du bal des pompiers, des foires à la brocante, des matchs de foot de quatrième série, des matchs de rugby du XV de France, de ceux des SAT. J’ai interviewé des hommes politiques, des prostituées, des clowns, des vedettes du show-biz. Des gens qui n’étaient rien et d’autres moins que rien. Une fois dans un haras, près de Versailles, j’ai même tenté l’interview d’un cheval. Mon rédacteur en chef a parié que je n’y arriverais jamais. Il avait raison. J’en ai déduit deux choses : qu’il ne fallait pas tenter de faire parler les chevaux après avoir picolé et surtout qu’il fallait écouter son rédacteur en chef ! J’ai aussi photographié les labradors de deux présidents de la République. Un seul m’a remercié. J’ai aussi écrit sur les pompes à chaleur et la fabrication de chaussures à Lavelanet, un grand moment !

Mais sur toi Georges que veux-tu que je dise ? Rien je sais, c’est pas toi, t’as rien demandé, c’est Daniel ! N’empêche…

Georges, on doit à ta grande connaissance de notre petit monde d’avoir sorti de l’ombre des événements et des personnages que le temps avait délaissés. Tu as repoussé les limites de l’oubli à défaut de repousser celles du temps. Car c’est notre propre histoire qui allait s’en aller. Mais tu es venu avec ton plumeau (ne rigole pas), ta patience, ton petit carnet où tu notes tout. Tu connais tout de Vialatte, de Fernand Planche, cet anarchiste thiernois dont au passage ceux qui manient la souris (ou le mulot) peuvent retrouver la saga sur l’excellent site escoutoux.net. Tu as alimenté la presse locale pendant des années et le journaliste localier que je fus ne te remerciera jamais assez. Ceux qui ont connu l’angoisse de la page vide ne te connaissaient pas Georges Therre ! J’ai même signé à ta place -sans avoir rien demandé- un long article sur l’émouleur Jules Maubert paru en 1981 dans La Montagne ! Georges, encore merci !

A cet instant précis, j’imagine ton œil rieur en écoutant ces mots et ton commentaire qui, immanquablement va commencer par « Eh bè ! »

Georges, ne perds pas ta tendresse moqueuse ! Et puis surtout garde encore longtemps cette silhouette de jeune homme qui ne laisse de m’intriguer : je suis persuadé que tu as déniché un secret dans quelque grimoire que tu caches sous ton oreiller. Faudra que j’en parle à Gaby ! Mais sache que tu ne perds rien pour attendre : dès que je te vois, c’est toi qui passe à la question. Et s’il le faut, j’irai chercher du Badoulin.

Sur la sellette, Georges, sur la sellette !!!!

< Jean-Luc Gironde

Ce texte a été lu en introduction à la conférence du mardi 13 novembre 2008 qui a eu lieu à Courpière, dont le thème était "Les grands écrivains d’Auvergne, de Pascal à Anglade", par Georges THERRE, ancien professeur de lettres aux lycées d’Ambert et de Thiers.